NETTALI.COM - Renvoyée à cinq reprises, l’affaire opposant Kabirou Mbodji à ses associés Malick Fall, Seyni Camara et Cheikh Tagué, a été évoquée ce mardi 11 mai par le tribunal correctionnel de Dakar. Un procès qui n’a pas pu aller à son terme puisqu’il a été renvoyé en plein débat afin de permettre aux juges d’examiner des documents produits par le commissaire aux comptes de la société INTERACTIVE Louis Cyrille GUARY, appelé à la barre à titre de témoin. Documents derrière lesquels les parties civiles couraient depuis bientôt 10 ans et ce, malgré les condamnations sous astreinte de K. MBODJE par le Tribunal.
L’affaire opposant Kabirou Mbodje à ses associés Malick Fall, Seyni Camara et Cheikh Tagué a été évoquée le mardi 11 mai, à la barre de la troisième chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Dakar. Le Directeur général de Wari a été renvoyé devant cette juridiction pour répondre du chef d’abus de confiance. Celui-ci n’a toutefois comparu à l’audience, comme cela a été le cas pour les quatre autres, arguant à chaque fois de raisons liées à la pandémie, le prévenu étant à l’étranger.
Revenant sur les faits, Malick Fall a d’abord fait la genèse de la création de la société CSI devenue WARI SA en indiquant que lui, Seyni CAMARA, Cheikh TAGUE et Kabirou MBODJE l'ont mise sur pied en 2008. D’une société à responsabilité limitée (Sarl), la start-up est passée à une société anonyme (SA), partie de zéro pour devenir leader sur le marché Ouest-africain. A l’en croire, c’est en ce moment-là que les problèmes ont commencé à surgir puisque le prévenu les a écartés en usant de manœuvres frauduleuses visant à réduire leurs parts de capital dans le seul but de les appauvrir.
« Il a volontairement caché les résultats de 2012 et les vrais chiffres de la société dans le but de réduire au maximum les résultats afin de pouvoir justifier le besoin d’une augmentation de capital. » Se voulant plus précis, Malick Fall, de déclarer que la société disposait en 2012 de fonds propres réels de plus d’un milliard, mais qui ont volontairement été ignorés avec la complicité du cabinet Aziz DIEYE. « Les vrais résultats nous ont été cachés », révèle Malick Fall. Avant de poursuivre : « Nous trois, avions 39% du capital de la société Wari et 60% de la société INTERCATIVE. En 2013, Kabirou décide unilatéralement et sans aucun motif valable, d’augmenter le capital en le multipliant par 10 (de 50 millions à 500 millions). Selon Malick FALL et les autres plaignants, cette augmentation par apports nouveaux, ne se justifiait pas, étant donné que la société disposait déjà de fonds propres dissimulés largement supérieurs au montant requis.
Malick FALL ne s’en arrête pas là puisqu’il ajoute que la santé financière de la société était à l’époque excellente qu’elle disposait déjà d’un parc automobile de véhicules de luxe ainsi d’un programme immobilier pour le personnel de plus de 500 millions, entres autres privilèges. Dire que la société battait de l’aile et qu’il fallait augmenter le capital à hauteur de 300 millions, n’avait à son avis aucun sens, pas plus que la volonté de rechercher l’agrément d’Émetteur de Monnaie Electronique, étant donné que Wari disposait déjà de l’agrément des banques partenaires qui disposaient de pouvoir largement plus étendus qu’un Emetteur de Monnaie Electronique . Cette manœuvre sciemment calculée, n’avait, selon lui, qu’un seul but, diluer nos actions. « De 39% on s’est donc retrouvés avec un peu plus de 3% », fait savoir celui-ci qui, poursuivant, renseigne que "tout ceci n’a pu avoir lieu que parce qu’il avait falsifié les états financiers"
Prenant la parole, Cheikh Tagué, l’autre associé, de renchérir que Kabirou Mbodji s’est auto-octroyé 8 % du chiffre d’affaires de Wari, soit en 2014, 500 millions de francs CFA et de manière frauduleuse. Il a également fait savoir que Me Ababacar CAMARA, Avocat de Wari s’est transformé en avocat de Kabirou MBODJE contre les autres associés. Maitre CAMARA a par ailleurs reçu, selon Tagué, de Kabirou MBODJE, 5% du Capital de la société Wari. « Me Camara est ainsi devenu en 2014, le deuxième actionnaire de la société après Kabirou Mbodj », fulmine-t-il. Et Malick FALL et Seyni CAMARA, d’ajouter qu’une plainte a été déposée contre lui auprès du Bâtonnier depuis 3 ans..
Puis ce fut au tour de Seyni Camara d’enfoncer le clou : « depuis la création de Wari et de la société « Interactive », créée deux ans après Wari, aucun dividende ne nous a été versé, malgré les milliards de résultats engendrés à chaque exercice. Cet état de fait est bien stipulé dans notre plainte, ainsi que le refus de communiquer les documents sociaux. Les deux Commissaires aux comptes sont au courant. »
A en croire les plaignants, « Kabirou Mbodji a détourné tous les fonds et le portefeuille de réseaux de distribution de leur société INTERACTIVE au profit de sa société unipersonnelle INTERLINQ, créée en catimini par la suite avec le silence coupable du Commissaire aux comptes de INTERACTIVE Cyrille GUARY qui, selon Seyni Camara, n’a jamais accepté de leur remettre les états financiers de la société. « Cela fait bientôt 10 ans que nous courrons derrière ces documents. Malick FALL a d’ailleurs remis au Juge, la signification de lettre transmise au commissaire aux comptes en 2015 et qui a été lue devant ce dernier par le juge.
Des accusations que ce dernier a tenté de réfuter à la barre en se défendant de toute intention malveillante. « J’étais chargé d’effectuer les contrôles pour les années 2013-2014-2015. J’ai fait deux rapports que j’ai remis à l’Ofnac. Je n’ai pas répondu à l’interpellation des plaignants car ils m’indiquaient ce que je devais faire. J’ai noté des « incertitudes » que j’ai mises dans mon rapport d’opinion. « Ces incertitudes concernent le transfert de fonds vers d’autres filiales », s’est justifié Louis Gérald Guary, entendu comme témoin.
Sur les questions insistantes du Juge, celui-ci lâchera avoir constaté que le chiffre d’affaire d’Interactive est effectivement passé de 1,5 milliards en 2014, à 47 millions en 2015, un gap qui n’a pas laissé indifférent l’auditoire.
Face à l’avalanche de questions du juge, M. GUARY, visiblement mal à l'aise, finira par déclarer détenir des documents justificatifs, mais hésitera toutefois à les remettre au président Amath Sy. Un fait insolite, Me Abdou Dialy Kane, avocat de la partie civile a dû en arracher une partie car le témoin voulait se rétracter afin de ne pas tout remettre au juge. Une attitude qui a mis en colère les conseils des parties civiles, ce d’autant plus que leurs clients (Fall, Tagué et Camara) cherchent les documents depuis une décennie. Documents selon eux, « cachés par Kabirou par crainte de mettre à nu ses manoeuvres frauduleuses. »
C’est dans l’optique de consulter lesdits documents et d’en donner l’accès aux avocats de la partie civile, que le juge a suspendu le procès et ordonné un renvoi au 9 juin prochain.
Les plaignants fondateurs des deux sociétés, qui estiment connaître leur dossier sur le bout des doigts, ont ainsi fait état d’un préjudice initial estimé à 22 milliards de francs CFA réparti comme suit : Wari 16 milliards de francs CFA et Interactive 6 milliards de francs CFA.
Affaire à suivre……