CONTRIBUTION - En 2008, le Sénégal découvre le beach soccer et participe pour la première fois à une phase finale de Coupe d’Afrique des nations à Durban. Les Lions rentrent avec les honneurs du titre continental à la surprise générale. De parfaits inconnus placent notre pays sur le toit de l’Afrique.
De retour, auréolés de cette gloire qui couronne les guerriers partis sans illusion et revenus avec le graal, les Lions du beach soccer ont projeté leur joie sur un pays qui ne s’attendait pas à gagner, occupé à la politique. Ils ont montré qu’ils ignoraient ce pays dont l’éclat s’était brisé pour basculer dans la pire période des années Wade, celle où le divin chauve réélu, disposant d’une majorité au Parlement et dans les collectivités territoriales, s’acharnait à tisser sa toile qui devait privatiser le Sénégal et le léguer pieds et poings liés à sa progéniture biologique.
Les Lions du beach soccer, aussitôt qu’ils ont atterri sur le tarmac de Léopold Sédar Senghor, décidèrent d’aller faire la surprise au Père-Wade, généreux et emphatique d’habitude au sujet de tous les symboles, même les plus insignifiants, du «Sénégal qui gagne». N’avait-il pas paradé le 31 mai 2002 dans les rues du Plateau après le succès «décolonial» de la bande à Pape Bouba Diop sur la France à Séoul ? Nos champions d’Afrique partent à l’assaut de la citadelle de l’avenue Senghor. Ils espèrent rencontrer le maître des lieux et sacrifier au protocole de la réception, des photos, des caméras et pourquoi pas sortir avec quelques liasses pour ces héros désargentés. Le drame de nos Lions commence à l’aéroport : aucun accueil digne de leur performance. Ils forcent le barrage du mépris et garent devant le palais de la République dont les grilles leur étaient fermées. Wade était occupé à réceptionner des véhicules de luxe. Après près de deux heures d’attente sur le trottoir de la Maison militaire, en compagnie des supporters, nos Lions ont repris le bus pour se disperser et retrouver leurs familles respectives.
Malgré cet épisode révoltant et humiliant, les Lions du beach soccer ont persévéré, offrant à notre pays six trophées, le record continental absolu. Le dernier a été obtenu il y a quelques semaines sur nos terres, à Saly. C’est cela le sport, le culte de l’effort et la capacité à surpasser les épreuves pour enfourcher une morale de la victoire dans le respect des valeurs de partage et du don de soi et au service des autres, notamment des enfants chez qui les sportifs font naître des vocations. Je repense à cette histoire qui date de presque une quinzaine d’années au moment de la dernière polémique sur le football sénégalais. Nous n’avons pas d’infrastructures dignes pour espérer nous ériger au panthéon du sport africain, malgré les écrans de fumée des qualifications en Coupe du monde, du Ballon d’or de Sadio Mané et de celui probable de Edouard Mendy. 2021.
Selon la Caf, le Sénégal, première Nation africaine au classement Fifa, ne compte aucun stade homologué pour jouer des compétitions internationales. Les autorités en charge du Sport ont à nouveau rivalisé d’ardeur pour ne tromper personne et rappeler leur incapacité à respecter nos concitoyens. D’ailleurs, quand Sadio Mané se plaint de l’état de la pelouse «catastrophique» et ajoute que le Peuple sénégalais mérite mieux, les réactions des autorités sont lunaires. Elles confirment une médiocrité érigée en règle, car nous sommes en Afrique. Eux, dirigeants et élus de la Nation, utilisent les plus rances clichés sur l’Afrique. Ils ont rappelé à Mané que le Sénégal n’était pas Liverpool, (on l’ignorait).
Le maire de Fatick a poussé le ridicule jusqu’à reprocher à Mané ses critiques alors qu’il n’est issu que de Bambali. Il aurait compris des remontrances des binationaux nés en France, mais pas d’un petit villageois qui, pense-t-il, doit déjà être ravi de jouer avec des chaussures. Ce sont ces gens qui nous dirigent. Je ne feins pas de le découvrir, mais je me désole de voir qu’ils peuvent encore creuser le trou des humiliations infligées aux fils de ce pays. Qui imagine Mawade Wade ou Jo Diop sortir de telles énormités ? Mais ces dirigeants sont étouffés par leur inculture qui leur empêche d’avoir une lecture politique du sport, de son rôle dans la géopolitique et dans la compétition des Etats.
L’hymne, le drapeau et la fierté nationale n’ont aucune signification pour eux. C’est peut-être au fond cela qui leur fait défaut : la culture d’Etat, qui prend en compte le sport, donc l’éducation et la culture. Ainsi dirigent-ils un pays qu’ils ne méritent pas.