NETTALI.COM - Bruno d’Enerville déplore le comportement des députés qui, selon lui, sont mal élus et ne comprennent pas les enjeux. Le président du Parti pour l'action citoyenne, et membre de la Coalition Jotna, déplore le fait que "certaines lois passent aux forceps".
Le débat était très bas, le vendredi dernier, lors du vote de la loi portant modification du Code de procédure pénale et du Code pénal. Des insultes et des coups de poings ont pris le dessus sur le débat de haute facture que les citoyens sénégalais attendaient des parlementaires présents à l’hémicycle. Un triste constat qui, selon Bruno d’Erneville, n’honore pas la République. "Malheureusement on a des députés qui sont mal élus. Aujourd'hui, toute la population reconnait que la plupart des députés que nous avons, ne comprennent même pas les enjeux. Ils se réclament député du chef de l'État. Ce qui avait cours dans les années Senghor, Diouf et Wade, a encore cours sous le président Macky Sall. C'est l'ensemble des députés qui devrait se poser des questions sur leur comportement", regrette-t-il.
Abordant la question de la lutte contre le terrorisme, il pense que "sur le fond, aujourd'hui le Sénégal doit se préparer à faire face à certains actes qui peuvent être des actes extrêmes". "Alors ces actes qui ont été catégorisés dans la rubrique terrorisme, peuvent être des actes également de jeunes épris de justice et qui malheureusement vivent dans la misère. Si vous regardez comment vivent les Sénégalais aujourd'hui, en particulier les gens des grandes villes comme Dakar, vous allez voir une grande majorité de gens qui n'ont non plus de repas à partager à la maison. Le soir, on va dans les coins de rue et on achète du ''ndambé'', du ''fondé''. Cela peut aussi être une raison de l'endoctrinement. C'est ce qui s'est passé au Mali", souligne-t-il. Avant d’ajouter : "Une des grandes forces de certains leaders de la zone de l'Azawad, a été de récupérer des jeunes qui étaient oisifs, et de les mettre en jalonnement le long de la route nationale avec, soi-disant, des portables à vendre mais qui étaient justes des agents de renseignements et qui leur permettaient de savoir à quel moment il y avait des déplacements de l'Armée."
"Nous avons des lois qui passent aux forceps"
Cependant, le parlementaire n’est pas d’accord pour le vote de la loi modifiant le Code Pénal et le Code de procédure pénale, corsant les peines sur le terrorisme. Selon lui, cette loi devrait d’abord faire l’objet d’une discussion avant d’être soumis aux députés pour son adoption.
Pour Bruno d’Erneville, cette loi pouvait être considérée comme une loi utile parce que le contexte actuel fait que le terrorisme est une réalité sous-régionale. Mais il regrette la manière "cavalière" dont cette loi a été adoptée. "Malheureusement, nous avons l'habitude des lois qui passent aux forceps. Mais ce qui choque le plus, pour moi, c'est l'urgence dans laquelle ces lois sont toujours votées", a déploré le président du Parti pour l'action citoyenne, et membre de la Coalition "Jotna".
En effet, le ministre de la Justice, défendant cette loi, a expliqué que son adoption en urgence se justifie par le fait que le Sénégal était déjà sur la liste grise, il risquait d'être inscrit sur la liste rouge. Mais, relève Bruno d’Erneville, "ce n'est pas parce qu'on est inscrit sur la liste rouge qu'on est à deux jours pour voter une loi". Il dit croire que ce vote en procédure d'urgence témoigne d'une certaine frénésie qui, malheureusement, elle-même révèle un état d'esprit : l'inquiétude.
A l’en croire, il ne comprend pas qu'une loi qui se veut utile ne puisse pas être discutée sereinement. "Une des autres choses qui nous inquiètent nous de l'opposition, c'est que dans cette loi, lorsque vous voyez qu'un terroriste peut être simplement quelqu'un qui est accusé de complot. Quand on sait ce qui se passe en Côte d'Ivoire où Guillaume Soro est accusé de complot, avec une condamnation à perpétuité, on peut s'inquiéter. Pire, quand on voit que dans cette loi, il est dit que lorsque vous dégradez les biens publics, vous êtes passible d'être condamné pour terrorisme. Imaginez ce que cela signifie", s’inquiète-t-il non sans indiquer que le régime en place réitère toujours les mêmes fautes.
Poursuivant son argumentaire, il ajoute : "nous savons que nous sommes dans une période extrêmement délicate. Nous allons vers des élections. Aujourd'hui, est-ce que moi, on devrait m'enfermer avec une accusation terroriste parce que mes amis se sont battus dans un bureau de vote et parce qu'ils ont peut-être dégradé des biens publics ? Est-ce que cela est acceptable ? Je veux vous dire qu'on peut accuser encore plus facilement les gens".
Selon M. D’Erneville, l’Affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko est toute fraiche. Ce dernier, selon lui, accusé de viol et menaces de mort, a failli être emprisonné. "La présomption d'innocence pose problème. Il a fallu que le peuple se lève pour qu'on arrête cette machine qui allait tout droit vers la détention", rappelle-t-il. A son avis, le problème de la loi qui a été votée, ce sera son application. "Je pense qu'elle est applicable. Le problème, c'est son utilisation contre certains, en défendant d'autres. Ce que je dis signifie par-là que tout le système judiciaire aujourd'hui malheureusement, je le reconnais, il est aux ordres", déplore-t-il.