CONTRIBUTION - L'acte terroriste ne fait aucune distinction entre le fidèle, musulman ou chrétien qui prie dans sa mosquée ou son église, et l’enfant qui sort de son école. Il ne fait aucune distinction entre la femme qui achète ou qui vend au marché et le bébé et sa maman qui l’allaite au coin de la rue. L’acte terroriste ne distingue pas, chez les acteurs politiques, ceux du pouvoir et ceux de l’opposition. Ni société civile ni mouvement citoyen. La guerre que mène le terrorisme est une guerre asymétrique qui ne peut être principalement vaincue par des chars de combat et des avions de chasse. Le terrorisme est d'abord vaincu idéologiquement c’est-à-dire au plan culturel et civilisationnel, ensuite socialement et Politiquement avant d’être, s’il y a lieu, achevé militairement. Il s’en suit que pour légiférer sur une question aussi complexe et relativement nouvelle dans l’histoire de l’humanité, il faut une démarche de large inclusion et un important moment de sensibilisation et d’organisation du peuple qui seul, en dernière instance, est capable de battre le terrorisme dans chaque coin de rue, dans chaque ville ou village, dans chaque espace de mutualisation.
C’est pourquoi introduire une loi traitant d’une question aussi complexe en procédure d’urgence pour être votée au pas de charge par une assemblée qui n’apporte aucune plus-value au pouvoir qu’elle prétend soutenir ne peut être considérée comme un pur hasard. Il s'agit clairement d’un pas supplémentaire dans une stratégie globale de déconstruction de tous les acquis démocratiques de notre peuple. En effet, cette loi survient après l'adoption, dans les mêmes conditions, de la loi sur l'état d'urgence qui comprend elle aussi ses vices cachés tout comme la loi sur le parrainage qui a permis au Président de la République de se choisir ses challengers à l'élection présidentielle de 2019 et qui est toujours en vigueur (à toutes fins utiles).
Légiférer sur l’action terroriste en procédant par surprise, en créant les conditions pour empêcher toute discussion sérieuse sur ses tenants et ses aboutissants, en décidant ainsi d'opérer de façon délibérée et planifiée une faille aussi béante dans la société que l’on prétend protéger est une pure provocation, l'expression d'un mépris du peuple Sénégalais tout entier.
Un pouvoir d'état réellement soucieux de la protection du peuple est celui-là qui écoute et qui prend en charge les préoccupations légitimes des uns et des autres.
Refuser de retirer cette loi alors qu'elle est partout décriée, c’est s’enfler d’orgueil et penser qu'on peut marcher sur les convictions des gens. Vaines prétentions. Les drames en mer et les émeutes de mars devraient ouvrir les yeux aux apprentis dictateurs. Les Sénégalais n'ont pas peur, ils sont juste attachés à la paix mais ils n’avaleront aucune potion qui leur ôtera leur souveraineté et leur dignité.
Le Président de la République doit retirer cette loi et s'engager dans une voie qui permette de construire de façon largement inclusive, une véritable législation antiterroriste. Mais il n'en sera rien. Notre Ibrahima Sène national qui sait de quoi il parle est venu révéler tout ce qu’on nous cachait.
Le ministre de la Justice et les députés du pouvoir se sont coupés en quatre pour démontrer que, contrairement aux thèses soutenues par l'opposition, les projets de loi portant révision du code pénal et du code de procédure pénale n'avaient rien à voir avec les émeutes de mars dernier au Sénégal. Ibrahima Sène, égal à lui-même, prenant la défense de Macky Sall en toutes circonstances, est venu à juste titre, donner un coup de pied dans la fourmilière du pouvoir en confirmant ce que tout le peuple savait : les révisions du code pénal et du code de procédure pénal sont bel et bien dûes aux émeutes de mars 2021 et visent l'opposition et non un quelconque terroriste. Dans un article paru ce dimanche 27 juin 2021, il nous apprend que « ce n’est qu’après les violences du 3 au 8 mars 2021, vu l’ampleur de leur nature destructrice ... qu’il a fallu les considérer comme des actes terroristes, étant donné leur objectif déclaré de prendre le pouvoir par la rue ». Ici, aucun terroriste encagoulé n'est visé mais des adversaires politiques. Et, pour que nul n'en ignore, il prend le soin de désigner clairement ses terroristes qui ne sont pas comme ceux qui frappent au Mali, au Burkina, au Niger et ailleurs mais les opposants politiques qui travaillent à visage découvert contre le régime en place notamment pour faire échec à tout dispositif de validation d'un troisième mandat.
Ainsi, contre l'avis du ministre de la Justice, Ibrahima Sène affirme que "Cette réforme est donc au cœur de la lutte entre les forces patriotiques, républicaines et démocratiques, et les forces apatrides au service de puissances extérieures et de multinationales, qui luttent contre le pouvoir actuel, pour imposer leur volonté à notre peuple". Fin de citation. Voilà donc clairement désignées, les cibles de la révision du code pénal. Ceux qui luttent contre le pouvoir actuel sont les apatrides au services des puissances extérieures". Il en rajoute une couche pour faire plus précis. Je le cite : "Il s’agit donc de lutter politiquement contre les Sénégalais qui font leurs jeux et abusent, à cet effet, de nos libertés démocratiques conquises de haute lutte par notre peuple". Voilà Ibrahima Sène dans ses œuvres, continuateur de l'esprit du Goulag, du règne du totalitarisme qui a fini de provoquer l’effondrement de l'Union soviétique". Dans l'esprit du Goulag, tout est néantisé pour faire place à un démiurge, maître absolu de tout ce qui existe. Le parti lui délègue tous ses attributs, le parlement et la justice ont hâte d'exécuter ses désirs et on s'appuie sur ces deux leviers pour actionner la force publique contre toute altérité. La constitution notamment ses dispositions de protection des droits et libertés des gens, est renvoyée aux oubliettes. C'est le démiurge qui définit qui est patriote et qui est ennemi du peuple avant que la justice ne décerne, sur cette base, la peine qui convient.
Tout cela est peine perdue. Les terroristes se préparent à frapper notre pays. Au lieu de préparer tout le peuple à cette éventualité, on veut en profiter pour faire la fête à son opposition. Celle-ci, et le peuple avec lui, ne se laisseront pas faire. Assurément!