NETTALI.COM – Macky Sall pousse donc un coup de gueule. Profitant d’une visioconférence aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence, le chef de l’Etat sénégalais reproche aux grandes puissances de ne pas assez aider l’Afrique pour la vaccination contre le Covid-19. Il dit même craindre une troisième vague dévastatrice. Pourtant, le président de la République ne cesse de poser des actes pouvant favoriser la propagation du coronavirus.

"Malgré les efforts sur l’initiative Covax, les grands pays ont pratiqué un nationalisme vaccinal. J’ai été surpris d’apprendre qu'aux États-Unis, dans un zoo, ils sont en train de vacciner les animaux, alors que l’humanité, pour l’essentiel des pays en développement, on est à moins 1% de taux de vaccination. Il faut plus de solidarité." Ces propos sont de Macky Sall. Le président de la République du Sénégal prenait part à une visioconférence aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Sur un ton alarmant, le chef de l’Etat va plus loin et sonne l’alerte : "Nous avons essayé de contenir la propagation, et globalement au Sénégal et un peu en Afrique, si la contamination n’a pas été très grande, ainsi que les conséquences en terme de nombre de décès, il n’en reste pas moins que cette dernière poussée épidémique, qui correspond à ce que l’on appelle la troisième vague, risque d’être difficile pour l’Afrique." Il ajoute : "Les gens sont un peu fatigués et c’est cela le risque. En plus, l'Afrique ne s’est pas vaccinée." Le numéro un sénégalais évoque notamment le variant delta et le relâchement généralisé des populations.

Ces propos de Macky Sall sont à la fois inquiétants et contradictoires. Surtout venant d’un chef d’Etat qui, au lendemain des violences politiques du mois de mars dernier, décide de lever toutes les restrictions liées à la lutte contre le Covid-19 parce que, pour lui, les populations avaient manifesté pour exprimer leur ras-le-bol face aux restrictions imposées par la pandémie. Ce qui n'est pas totalement faux. Toutefois, depuis le 29 mai, jour de son déplacement à Kaffrine puis Kédougou pour l’inauguration de deux établissements de santé, Macky Sall ne cesse de drainer des foules sans aucun respect des mesures barrières. Des centaines de milliers de personnes l’ont accueilli et accompagné à Podor et Matam, mais aussi à Saint-Louis et Diamniadio. Idem à Thiès où il a inauguré, la semaine dernière, l’Institut supérieur de formation professionnelle (Isep). Ce, en attendant les étapes de Ziguinchor, Louga... pour des tournées dites économiques. Et tout le monde connaît l'effet que tels rassemblements peuvent avoir sur la propagation du virus. Il n’est, d’ailleurs, pas étonnant que les cas de Covid-19 connaissent des hausses inquiétantes ces derniers jours. Et des spécialistes parlent même d'une 3ème vague. Pourtant, le chef de l’Etat dit, lui-même, que le taux de vaccination n’atteint pas 1% en Afrique. Au Sénégal, l'on est à un peu plus du demi-million (536 000 vaccinés) de vaccinés, au moment où ceux qui ont reçu leur première dose, n’arrivent pas à prendre leur seconde. Dakar et Thies n’ ont même plus de vaccin, c'est un rééquilibrage qui est opéré avec les vaccins non utilisés des régions. Une situation qui était d'ailleurs prévisible, si l'on croit le Directeur de la prévention, docteur El Hadji Mamadou Ndiaye qui a renseigné sur la réception qui avait été faite de 384 000 doses de Sino Pharm et 623 800 doses d’Astrazeneca, la consommation globale du pays étant autour de 64%.

Dans ces conditions, comment comprendre que Macky Sall organise des rassemblements et des déplacements de populations à travers presque tout le pays ? Or, les «grands pays» qu’il accuse de faire du «nationalisme vaccinal» ont attendu de vacciner une bonne partie de leurs populations avant de lever certaines restrictions. Et pas toutes, d’ailleurs. La preuve : pour le championnat d’Europe de football qui se joue actuellement, tous les pays d’accueil, à l’exception de la Hongrie, pratiquent des jauges de 20 ou 10% de spectateurs dans leurs stades. Mieux, il a fallu des fortes pressions de l'Uefa pour que l'Angleterre accepte d'ouvrir ses stades au public pour les demies et la finale.

Le Président Sall avait récemment donné des instructions au ministre de la santé, dans le sens des respects des mesures barrières et du port du masque. Il devrait dès lors commencer par donner le bon exemple en interrompant ses tournées ou alors les poursuivant en en comité réduit s'il ne peut s'en empêcher. Ce qui n'aura certainement pas l'effet escompté qui est de montrer qu'il est toujours aussi populaire malgré son camouflet de Mars 2021. Etant donné que les autorités ne songent plus à sonner l'état d'urgence sanitaire et le couvre-feu pour des raisons que l'on connaît, elles doivent reprendre ardemment la communication et insister davantage sur le respect des mesures barrières, le port du masque et s'appliquer ces mêmes règle, mais surtout faire des efforts dans le sens d'étendre la vaccination au plus grand nombre. Ce n'est qu'à ce prix que Macky Sall sera cohérent et conséquent par rapport à ses complaintes auprès des occidentaux.