NETTALI.COM - C’est sûr, tous les économistes s’accordent à le dire. Une troisième vague de Covid-19 au Sénégal aura des impacts négatifs sur l’économie du pays. Mais quelle sera l’ampleur des dégâts ? Economistes et experts financiers se projettent.
«Si l’Etat décide de mettre en place des mesures de restrictions, cela peut impacter négativement sur l’économie, mais si l’Etat décide de laisser l’économie poursuivre ses activités, l’impact ne sera pas trop négatif. On en est à plus de 300 cas par jour, mais on voit que l’activité économique se poursuit, tout le monde fait comme si de rien n’était, donc si l’Etat décide de fermer les yeux et de ne rien faire, cela pourrait ne pas affecter l’économie», soutient le Dr en économie Khadim Bamba Diagne.
L’économiste et Directeur scientifique du Larem (Laboratoire de recherche économiques et monétaires) rappelle qu’une bonne partie de l’économie sénégalaise est entre les mains du secteur informel. Selon lui, tant que l’Etat ne prend pas de mesures qui affectent ce secteur, les gens pourront continuer de vivre normalement.
«Financièrement, économiquement et techniquement, l’Etat ne peut pas encore prendre des mesures de restrictions pour gérer l’évolution de la maladie, parce qu’il a pris conscience des conséquences de ces décisions de confinement et de restrictions de l’activité économique. Et le niveau d’endettement de l’Etat ne lui permettra pas de lever des fonds si l’économie sénégalaise ne fonctionne plus. Ce qui était possible en 2020 ne l’est pas en 2021. Nos ressources fiscales en ont pris un coup, les dépenses ont augmenté l’année dernière, l’activité économique n’était pas à sa vitesse normale, donc si on y ajoute d’autres difficultés de collecte des ressources, ce sera très compliqué pour l’Etat du Sénégal», prévient Khadim Bamba Diagne.
L’expert financier, Mouhamed Dia, pense, lui, que bien que l’Etat ait prévu un ajustement de l’économie en mobilisant efficacement les ressources internes avec la mise en œuvre de la Stratégie des recettes à moyen terme (Srmt), une troisième vague pourrait négativement impacter cette stratégie. «Cette dernière viserait à élargir l’assiette fiscale par un meilleur consentement de l’impôt et la gouvernance rénovée des administrations de recettes entre autres. Une troisième vague pourrait saboter cette stratégie, car les recettes risquent de ne pas être au rendez-vous. L’autre stratégie que l’Etat pourrait utiliser est de desserrer l’étau budgétaire et de s’endetter davantage. On ne pourra le faire qu’en suspendant le seuil de 70% pour pouvoir le dépasser, ou qu’il y ait une extension du moratoire et/ou de l’annulation de la dette», explique-t-il.
Pour l’expert financier, l’Etat n’a d’autres choix que de continuer l’endettement jusqu’à ce que la rente pétrolière voit le jour ou que la pandémie sorte de notre pays pour éviter le pire. «Nous voyons qu’en ce moment, l’Etat a mis en place un plan de reprise économique en ouvrant les ports, aéroports et autres ; il faut maintenant investir dans les infrastructures publiques et pour le faire, il faudra des ressources et notre seuil d’endettement ne nous le permet plus. Le Fmi et la Banque mondiale doivent mettre en place des dérogations pour que les pays membres puissent ne pas remplir certains critères à cause de la durée de la crise sanitaire et le manque de moyens pour faire vacciner les populations. Il est crucial que la partie de la dette qui peut être effacée soit effacée pour la survie des populations des pays pauvres. La trésorerie de l’Etat est sous haute tension et l’Etat pourrait avoir du mal à payer les bourses, les hôpitaux à travers la CMU et le secteur privé, entre autres, et cela va plonger beaucoup de ménages dans la pauvreté. Il est important que toute la population tire dans le même sens qui est celui de l’annulation partielle de la dette pour éviter le pire», fait-il savoir.