NETTALI.COM - Le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (Cored) a recadré le Groupe futurs médias (GFM), Bougane Guèye Dany et El Hadji Ndiaye par rapport au traitement de cette l'affaire des supposés vols de fréquence de la 2 STV, mais aussi par rapport à une certaine pratique tendancieuse dans le cas de D-média. Une réaction qui fait suite au placement sous contrôle judiciaire de Ndiaga Ndour, directeur de la TFM, suite à une plainte d'El Hadji Ndiaye de la 2 STV.
Le Cored s’est désolé d’un « traitement déséquilibré » dans l’affaire opposant la TFM à la 2STV ayant abouti à l’arrestation, puis au placement sous contrôle judiciaire de Ndiaga Ndour. Il a ainsi relevé qu’ « aucun des supports médiatiques du Groupe futurs médias (GFM) n’a fait état du placement en garde à vue du directeur général de la TFM, Ndiaga Ndour », déplorant au passage, « une volonté de passer sous silence, une information largement relayée par les médias. ».
Il a aussi pointé du doigt «un traitement déséquilibré de cette information, voire une prise de position affichée par les composantes du groupe Origines SA, la 2S tv et surtout « Lii Quotidien », en faveur du propriétaire El Hadj Ndiaye, en conflit avec la TFM ».
Le Cored n’a pas manqué également manqué de déplorer le fait que « le groupe DMedia relaie sur ses supports, les moindres activités politiques de Bougane Guèye Dani, patron dudit groupe, avec des appels réguliers à la une du quotidien La Tribune. » C’est ainsi qu’il a rappelé « aux journalistes et techniciens qu’ils doivent exercer leur activité en toute autonomie et se garder d’être les porte-voix de leurs employeurs ». D’autant plus que s’inspirant des Chartes internationales comme celle de Munich (1971), la Charte des journalistes du Sénégal postule dans son préambule que « le citoyen sénégalais a droit à une information exacte, pluraliste et impartiale en vue de mieux exercer son droit à la satisfaction de ses aspirations (…) ».”
Une affaire qui n'est pas sans rappeler le rapport entre les hommes d'affaires et la presse, étant entendu qu'ils investissent dans ce secteur ô combien stratégique pour mettre à l’abri leurs business. Ce n'est pas en effet tant le fait qu'ils ne doivent pas investir dans les médias, mais c'est plutôt l'utilisation qu’ils peuvent en faire pour se protéger ou s’en servir comme arme de guerre, qui suscite des interrogations. Une équation posée au plan international depuis belle lurette, au-delà de nos frontières ou le phénomène interpelle encore plus. Bollore, ses intérêts en Afrique et la question du traitement de certaines actualités politiques dans certains pays africains, est entre autres problèmes posés ; le cas du magnat de la presse Rupert Murdoch est souvent cité. Et de nombreuses critiques ont été émises à propos de la ligne éditoriale des journaux et chaînes de télévision de son groupe, jugée conservatrice voire ultra-conservatrice avec notamment les 175 titres de Murdoch à travers le monde qui avaient soutenu l'invasion de l’Irak, sans oublier ses affinités avec le parti républicain et néo conservateur aux Etats Unis. Mais aussi ses soutiens au parti travailliste de Tony Blair et puis finalement son ralliement à David Cameron en 2010.
Dans le cas sénégalais, Bougane Guèye Dany, Youssou Ndour et Elhadji Ndiaye ont la particularité d'être des hommes d’affaires et de ne pas être désintéressés d’un point de vue politique et des affaires. You est un soutien assumé de Macky Sall avec son mouvement "feeke ma ci boole" qui parle de lui-même, là où Bougane est un acteur politique engagé ainsi que le montrent ses incursions fréquentes sur le terrain politique ; El Hadji Ndiaye est plus en retrait malgré sa proximité avec Macky Sall, même s’il est ministre conseiller du chef de l’Etat au même titre que Youssou Ndour.
Que l'on ne s'y trompe donc pas. Ce qui est reproché à Bougane est tout à fait vrai. Il est en effet en permanence encensé sur sa télé ou radio lorsqu'il ne se fait pas interviewer sur la Sen TV. Même cas de figure avec El Hadji Ndiaye qui a récemment donné une interview sur sa chaîne de télé, façon méchant et bon flic, face à Ndèye Arame Touré et Babacar Dione. Entre cette dernière qui a cherché à challenger El Hadji Ndiaye, sans donner l’air d’y croire et le regard médusé et amusé de Dione qui marque son étonnement face aux accusations de son patron, le procédé ne paraissait pas du tout crédible. Tel un ouragan, Ndiaye s’était abattu sur Youssou Ndour et déclaré au monde entier les péchés dont il l'accuse. A sa suite, à l’émission "Sénégal ci kanam" animée par Tounkara, Mamadou Guissé, l'acteur culturel et le doyen musicien Idrissa Diop n'ont pas du tout été tendres avec le roi du mbalax qu'ils ont présenté sous des traits très peu avantageux.
Le recadrage du Cored quant à l'attitude du Groupe Futurs médias soulève ainsi la question de l'autocensure que certains journalistes brandissent pour éviter de traiter une information qui les touche ou concerne un proche. Comme le ferait un juge qui se récuse dans un procès qui concerne un proche où il serait susceptible d'être dans un conflit d'intérêts. Bref toujours est-il que l’affaire est sur la place publique et tous les sénégalais sont bel et bien au courant.
A-t-il été question d’un exercice d'équilibrisme dans le communiqué du Cored qui épingle trois acteurs, patrons de presse de premier plan ? Ou encore, une réaction, fruit d’un contexte particulier ? Il a en tout cas sévi en étant dans son rôle. Mais ne devrait-il pas aller au-delà en pointant du doigt toutes ces informations passées sous silence par la Rts, « Le Soleil » ou encore l'Aps, alors qu’elles étaient sur la place publique ? Ousmane Sonko peut aujourd’hui être considéré comme l'opposant N° 1, ses sorties qui peuvent être d’utilité publique, sont-elles couvertes sur ces médias publics qui emploient le président et certains membres du Cored ? Idrissa Seck, «blacklisté» dans ces médias est subitement devenu en si peu de temps visible dans les supports publics parce qu’il est revenu dans les bonnes grâces du président Macky Sall, alors qu’il n’y a guère longtemps, à l’époque où il lançait ses missiles bien amusants d'ailleurs contre le président, il n’avait pas voix au chapitre. Pourquoi le Cored n’a pas pointé du doigt ces manquements ?
De deux choses l’une : soit le Cored respecte la ligne éditoriale de chacun de ses groupes et leur droit de faire de l’autocensure ; soit il met tout le monde au même pied d’égalité en pointant tous les manquements à l’éthique et à la déontologie, d’où qu’ils viennent. S’il veut continuer à jouir de sa crédibilité et en gagner encore plus.
Nous le savons tous, le pluralisme de la presse a cette vertu, celle de préserver le citoyen de la censure de certaines infos. Une information qui n’est pas traitée par un média, le sera par un autre. Du coup, les populations ne sont et ne seront jamais sevrées d’informations.