NETTALI.COM - Cauris d’or 2021, le prix de l’excellence a été attribué à Abdoulaye Diouf Sarr. Pourquoi au juste, devrait-on se demander ? Pour l’excellence de la riposte ? Pour son engagement sans bornes ? Difficile de savoir ce qui est récompensé. Une distinction qui tombe bien mal au moment où le nombre de cas prend l’ascenseur, alors que nous croyions en avoir fini avec la pandémie en cultivant l'indifférence. Diouf Sarr doit se retrousser les manches et tâcher de faire face après le relâchement et l’insouciance notés chez les populations, laissées à elles-mêmes par les autorités depuis la levée de l’état d’urgence. Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge, c’est sûr.
Face à ce qu’il est convenu d’appeler, la 3ème vague, la situation est bien plus préoccupante qu’elle ne paraît. Mercredi 13 juillet, un nombre que l’on disait record de 733 contaminations avait été annoncé ; jeudi, une légère baisse de 674 nouveaux cas positifs a été enregistrée ; vendredi 16 juillet, ce sont 738 cas qui ont été décomptés battant le record du mercredi mais avec, figurez-vous 474 issus de la transmission communautaire. Ce samedi 17 juillet, le record du vendredi est à son tour battu avec 1366 cas enregistrés dont 925 communautaires. Ce qui prouve l’ampleur et la fulgurance de la propagation du virus qui incitent à prendre des mesures hardies et urgentes. Ce que le Comité National de Gestion des Epidémies (CNGE) a tenté de faire.
Parmi ses recommandations figurent notamment le renforcement de la surveillance épidémiologique, la poursuite et l’intensification de la surveillance des variants, le renforcement du système de dépistage, une plus forte mobilisation de l’ensemble des acteurs en vue d’une riposte plus efficace. Le CNGE a aussi demandé aux responsables des entreprises publiques et privées de privilégier le télétravail et de réduire le personnel dans les limites du possible. De la jeunesse qui est fortement touchée par cette 3e vague, il est attendu qu’elle se mobilise à travers les associations sportives et culturelles et d’autres organisations.
Le professeur Mboup du laboratoire de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formations (IRESSEF) a ainsi renseigné que « Toutes les mesures qui avaient été prises jusqu’à présent, doivent être renforcées, parce que nous sommes face à un virus beaucoup plus contagieux ». A l’en croire, le variant Delta ou variant Indien explique la multiplication des cas de Covid-19 puisque le virus a une vitesse de propagation rapide. « Depuis le début de la pandémie, nous avons toujours insisté sur la surveillance épidémiologique et la surveillance des variants. Nous avions mis en place une stratégie. Cette stratégie nous a permis de définir les différents variants dans les trois vagues qu’on a connues au Sénégal », a rappelé le patron de l’IRESSEF.
«D’abord, durant la première vague, sur à peu près 300 échantillons, nous n’avions pas retrouvé de mutations majeures. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas de préoccupations », a fait savoir celui-ci.
« Dans la deuxième vague, nous avions séquencé 600 échantillons. Et là, nous avions trouvé à peu près 40 variants mais les variants dits préoccupants, nous en avions surtout des variants Alpha (britannique) », poursuit le professeur qui ne manque pas d’expliquer : « ce qui prédomine maintenant, c’est le variant Delta qui, dans nos derniers échantillons, constitue pratiquement 30% des cas de nouvelles infections. Cela veut dire qu’actuellement, selon nos chiffres, un tiers des nouvelles infections est dû à ce variant Delta ».
Toujours est-il que le ministre de la Santé et de l’Action sociale a invité les Sénégalais à se protéger et à aller se vacciner surtout avec la hausse des cas. Mais ce qu’on aurait aimé savoir, c’est de quels vaccins il parle au juste ? Question à 1 million de francs. Dans un contexte où beaucoup peinent à prendre leur seconde dose et que d’autres n’arrivent tout simplement pas à trouver le vaccin, difficile de suivre ce conseil. Ce sont, d’après les chiffres à notre disposition, 595 850 personnes seulement qui ont reçu une dose de vaccin anti-Covid, depuis le lancement, le 23 février, de la campagne de vaccination. L’on a aussi appris du ministre que 500 000 doses sont attendues avant la fin du mois de juillet. Celui-ci a soutenu que l’approvisionnement du pays en quantité suffisante de vaccins va se poursuivre afin que les populations puissent en bénéficier. Dakar, Thiès et Saint- Louis, il y a une rupture totale de vaccins. Ce qui est loin de régler un problème qui n’est toutefois pas simple à résoudre. Admettons le quand même.
Dérisoires ont été toutefois les recommandations du gouvernement à l’issue du Conseil des ministres du mercredi 14 juillet qui a appelé au respect des mesures barrières, au recours systématique du port du masque, à l’arrêt des grands rassemblements, notamment d’ordre festif et le recours aux soins précoces et à la vaccination. Que des redites ! On croit rêver, c’est Macky Sall himself, organisateur devant l’éternel de plusieurs grands rassemblements à Kaffrine, Tambacounda, dans le nord du Sénégal, Thies, Linguère, etc notamment, il y a quelques semaines qui se met à prodiguer de tels conseils ! Dans les bureaux du palais et le salon feutré de sa villa de Mermoz, il doit bien avoir des remords.
Une situation qu’a d‘ailleurs saisi au vol le Congrès pour la Renaissance démocratique (Crd) pour la déplorer. Celle-ci relève un « comportement totalement irresponsable » dont selon lui, « Macky Sall est la principale cause et le principal responsable de la troisième vague de l’épidémie de Covid 19 qui a battu tous les records de contamination et qui n’épargne plus aucune contrée ». Abdoul Mbaye et Cie constatent pour le déplorer « que tous leurs efforts et sacrifices, malgré un système de santé défaillant et une politique sanitaire pour le moins désastreuse, pour contenir la pandémie à Covid 19, ont été anéantis en quelques jours ». Cela, « par la propension politicienne d’un Président de la République totalement irresponsable qui pensait pouvoir profiter d’une telle accalmie pour déplacer à travers le pays des foules mécaniques, beaucoup de personnes en faisant partie gracieusement, pour se faire valoir une popularité perdue aux yeux de l’opinion nationale et internationale ». « Seul avec sa conscience, Macky Sall doit certainement se reconnaître coupable dans son immense inconscience d’avoir occasionné des contaminations et des pertes en vies humaines évitables s’il n’était pas un homme léger, un politicien sans scrupule qui n’a d’égard que pour ses intérêts, ceux de sa famille et de son clan », a laissé méditer le Crd.
Sur Twitter, l’ancien Premier ministre ne manque pas de dénoncer : « Qu’a-t-on donc fait au bon Dieu pour mériter ça ? Après avoir organisé les déplacements et rassemblements les plus importants depuis trois ans, mettant le Sénégal en campagne préélectorale, son gouvernement demande la limitation des déplacements et rassemblements. »
Des reproches qui valent aussi pour Bougane Guèye Dany qui a été organisateur de rassemblements, en étant parti sur les traces de Macky Sall. De même que les instigateurs de ces rassemblements du 23 juin, le M 2 D, la parti au pouvoir et les alliés de la coalition Benno Book Yaakar.
Sur le site du ministère de la Santé et de l’Action sociale, l’image du ministre tenant son cauris, pardon d’or, fait rire. Une euphorie d’une distinction qui tranche toutefois avec la situation de laisser-aller et l’appel de celui-ci qui relève plus du registre de l’impuissance et du désespoir que d’une décision d’autorité. «Nous invitons vivement les transporteurs et chauffeurs de véhicules de transport en commun à faire respecter strictement le port du masque pour tout passager. » Diouf Sarr n’a pas dit que cela. Il a également recommandé « de recourir précocement aux soins, d’éviter tout rassemblement de quelque nature que ce soit ainsi que les déplacements et voyages pendant cette période de fête de la tabaski tout en se faisant vacciner pour se protéger de la forme grave de la maladie à coronavirus. »
Une incitation du bout des lèvres qui laisse penser à une certaine peur de prendre des mesures strictes, suite aux manifestations de mars dernier, que des politiciens avaient fini d’assimiler à un ras le bol des populations éreintées par le couvre-feu et l’état d’urgence, pour pouvoir desserrer l’étau et calmer le jeu. Qu’est-ce qu’ils ont cette facilité déconcertante et cette capacité subite à se transformer en statisticiens ou sociologues politiques, même s’ils ne sont pas des virus dont le propre est de muter ! L’on se rappelle aussi de ces transporteurs qui s’étaient rebellés au cours de manifestations avant que le transport interurbain et ne soit à nouveau et rapidement ouvert.
Le président Macky Sall s’est voulu menaçant ce vendredi 16 juillet en marge du dépôt du rapport de Force Covid-19. Aussi, a-t-il prévenu que si les cas augmentent davantage, il ramènerait les mesures de restriction prises, il y a quelques mois. «On ne peut laisser la maladie prendre le dessus et le pays submergé, les hôpitaux dépassés pour constater, malheureusement des centaines voire des milliers de morts, comme c’est déjà le cas dans certains pays. Il faut que les gens puissent mesurer la gravité de la situation et qu’ils respectent les recommandations qui leur ont été faites. Sinon, si la situation l’impose, nous allons revenir aux mesures que nous avons déjà connues par le passé. J’appelle les populations à se protéger. Car la covid, ce n’est pas des blagues. Sinon, si le niveau d'infection arrive à un certain niveau, si on doit confiner on le refera. C’est clair. Quand nous avions instauré des restrictions c’était difficile pour tous. Mais si les gens ne veulent pas qu’on en arrive là, il faut qu’on se protège», a-t-il lancé en marge du dépôt du rapport de Force Covid-19.
Ce qui est fait est déjà fait, mais Macky Sall oublie sûrement que lui et ses partisans ont une part de responsabilité dans cette hausse vertigineuse des cas, avec leurs incessants rassemblements, tournées économiques et autres inaugurations dont l’objectif n’était autre que de faire une démonstration de force et de popularité après les évènements de mars dernier qui l'avaient bien échaudé.
Difficile en tout cas de dire comment en cette veille de fête on va arriver à contenir les populations qui ont tombé le masque depuis belle lurette, dans les grands marchés tels que Sandaga ou Hlm, surtout que ces actes n’étaient pas du tout réflexes. C'est un combat perdu d'avance que de vouloir convaincre les centaines de milliers de personnes devant se rendre dans leurs terroirs d’origine, à moins d’une semaine de la fête. Il est d’autant plus difficile, dans ce contexte de mobilité, de veille de fête, de contrôler les mouvements des populations dans un pays où le déni de l’existence du virus et l’équation de l’efficacité du vaccin sont les sentiments les mieux partagés. A moins d’une sensibilisation tous azimuts et une incitation stricte et obligatoire au port du masque et au respect des mesures barrières. Il est impossible de trouver une recette miracle au stade où nous en sommes marqué par le manque de vaccins, le relâchement et l’absence de tests de diagnostic rapide. Il ne reste hélas plus que les recettes habituelles.
Profitant d’une récente visioconférence aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence, le chef de l’Etat sénégalais avait reproché aux grandes puissances de ne pas assez aider l’Afrique pour la vaccination contre le Covid-19. Il disait même craindre une troisième vague dévastatrice. Pourtant, pendant ce temps, le président de la République n’avait cessé de poser des actes contradictoires pouvant favoriser la propagation du coronavirus.
“Malgré les efforts sur l’initiative Covax, les grands pays ont pratiqué un nationalisme vaccinal. J’ai été surpris d’apprendre qu’aux États-Unis, dans un zoo, ils sont en train de vacciner les animaux, alors que l’humanité, pour l’essentiel des pays en développement, on est à moins 1% de taux de vaccination. Il faut plus de solidarité”, avait déclaré celui-ci avant de sonner l’alerte : « Nous avons essayé de contenir la propagation, et globalement au Sénégal et un peu en Afrique, si la contamination n’a pas été très grande, ainsi que les conséquences en terme de nombre de décès, il n’en reste pas moins que cette dernière poussée épidémique qui correspond à ce que l’on appelle la troisième vague, risque d’être difficile pour l’Afrique. » Il ajoutait ainsi : « Les gens sont un peu fatigués et c’est cela le risque. En plus, l’Afrique ne s’est pas vaccinée. »
L’expérience a pourtant montré que les «grands pays» que Macky Sall a accusé de faire du «nationalisme vaccinal» ont attendu de vacciner une bonne partie de leurs populations avant de lever certaines restrictions. Et pas toutes, d’ailleurs. Or, il se trouve que des vaccins, nous n’en disposons pas assez. Rappelons tout de même que l’état d’urgence a été instauré entre mars 2020 et mars 2021 en deux temps : un 1er décrété entre mars et juin 2020 sur toute l’étendue de territoire national, avant d’être reconduit, pour les régions de Dakar et Thiès, entre janvier et mars 2021, mais sans grand succès. Mais depuis lors, cela a été le relâchement. Une sorte de fin de la pandémie décrétée à travers les actes posés par les populations dans leur quotidien, sous le regard indifférent des autorités. Avec cette récente sortie de vendredi, le président a repris les mêmes méthodes, espérant de meilleurs résultats, faisant dans la menace, tout en laissant l’option de « laisser l’activité continuer ». Mais lorsqu'on ne fait pas ce qu'il faut, on ne doit s'en prendre qu'à soi-même.