NETTALI.COM - La situation alarmante de la pandémie et les accusations à l'encontre de nos autorités politiques, posent indiscutablement la question de leur exemplarité à travers les tournées économiques. Eh bien, elles en sont aujourd’hui, ces chères autorités, réduite à brandir la menace pour espérer endiguer la pandémie. N’est-ce pas le début de l’impuissance ? Si elles ont failli dans leur mission de protection des populations en cédant à la pression populaire, une autorité religieuse telle que Serigne Babacar Sy, Khalife général des Tidianes a su rester constant sur ses positions en sensibilisant de manière forte et permanente les populations, mais aussi en posant des actes de haute portée.
La parole des hommes religieux, eh bien, elle est de loin, de nos jours, plus écoutée que celle des politiques. Et celle-ci porte sans aucun doute, la marque de la crédibilité face à l’incurie de ces derniers. La parfaite incarnation et illustration de ce fait, est sans conteste Serigne Babacar Sy Mansour dans ce contexte de pandémie. Il a eu raison d’avoir agi comme il l’a fait depuis le début de la pandémie. L’installation de la 3ème vague vient confirmer cela. En réalité, le marabout et non moins Khalife des Tidjanes, fidèle à sa réputation d’homme franc et direct, s’est toujours montré instransigeant sur la question, multipliant des messages de mise en garde contre le virus. Il a même été l’un des premiers guides religieux à être monté au créneau pour dénoncer une démission de l’Etat, à s’opposer à la réouverture des mosquées et à sensibiliser contre la multiplication des cas communautaires, malgré le déconfinement du 11 mai 2020. « J’invite les fidèles à rester chez eux, à prier, à faire les incantations chez eux, à protéger les familles et à veiller au respect strict des mesures de prévention et des gestes barrières », avait déclaré celui-ci.
Comble de la détermination et malgré les critiques discrètes au sein de la communauté, Serigne Mbaye Sy Mansour décidera le 13 octobre 2020 de la non célébration du Gamou traditionnel annuel à Tivaouane. Un événement pourtant phare pour la communauté, célébré depuis plusieurs dizaines d’années sans interruption et par plusieurs centaines de milliers de personnes venant de toutes les contrées du Sénégal et même de l’étranger.
Mais Serigne Babacar Sy Mansour n’aura pas fait qu’adresser des recommandations. Celles-ci sont étayées par des textes et adossées à une logique de dialogue et d’argumentation qui permet de rendre ses recommandations plus audibles. «Ce qui lui importe, ce n'est ni la lettre, ni le nombre de fidèles mobilisés, mais l'essence de cette commémoration (…). Une prière à l'adresse d'un malade cloué sur un lit d'hôpital peut avoir plus de bénéfices que nos propres actes de dévotion. Une pensée et un encouragement pour nos médecins, nos aides-soignants qui, depuis huit mois, n'ont pas de répit, peut-être une autre forme de célébrer le Maouloud», avait déclaré son porte-parole au sujet de la célébration du Maouloud.
Et même face aux autorités et à leur présence, il n’hésite pas à leur conseiller de dire la vérité aux populations. A Abdoulaye Diouf Sarr, Ministre de la Santé, dans un contexte où le vaccin n’était pas encore découvert, il dira : « Monsieur le Ministre, l’État doit dire aux Sénégalais qu’il n’y a pas de remède, qu’il faut se préserver ou mourir ! ». Une attitude et une franchise à toute épreuve qu’il ne cessait d’ailleurs de réitérer en toutes circonstances. C’est sa marque de fabrique.
Toujours droit dans ses bottes, le Khalife n’a jamais cessé de prodiguer des conseils dans le sens du respect des mesures barrières et du port de masque, alors que beaucoup prônaient la reprise des prières lors des fêtes religieuses et prières communes du vendredi.
Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, devenue virale et dont le message a été délivré lors de la 2ème vague, montre à quel point, il n’a jamais cessé de prodiguer des conseils. Il faisait comprendre à cet effet que lorsqu’il a été question de la 1ère vague et qu’il fallait se confiner et se protéger, les mosquées et d’autres structures avaient été fermées. Seulement, précise-t-il, des divergences avaient été notées, relevant au passage que tant que celles-ci ne sont pas dépassées, il y aura toujours des dégâts dans ce pays. « Les gens doivent discuter, dialoguer, s’écouter, se comprendre et accepter la vérité d’où qu’elle puisse venir », avait-il souligné ajoutant qu’ « il y a eu beaucoup de bruits ». « Alors qu’on pensait que tout était fini, la 2ème vague est arrivée. », avait-il poursuivi.
Comme dans une sorte de prémonition, le khalife de rappeler : « On a l’habitude de dire qu’il n’y a jamais deux sans trois. Que le bon Dieu nous préserve de cette 2ème vague. La 3ème vague est derrière. Il y en a même certains, un peu plus pessimistes qui sont allés jusqu’à prédire une 4ème vague. » Mais pour Serigne Babacar Sy Mansour, « cela ne nous empêche pas de nous protéger et après prier pour que le bon Dieu nous préserve. Nous prions pour les musulmans et les non musulmans. Les êtres humains ».
Et ce qu’on craignait arriva. On parle évidemment de la 3ème vague. Serigne Babacar Sy Mansour Sy, du fait de sa posture constante et intransigeante sur la pandémie qui a rythmé notre vie ces dernières années, malgré les critiques, aurait mérité d’être désigné « homme de l’année ». Mais en a-t-il besoin pour assumer son sacerdoce ? Sa responsabilité ? Assurément non. Il les connait et les assure pleinement faisant entièrement fi des critiques. Des hommes de sa trempe, le Sénégal en a besoin dans un pays où les autorités publiques ont déserté leurs responsabilités depuis belle lurette, mus que par le gain politique qu’elles peuvent récolter en allant à la rencontre des populations. Il y a en effet longtemps qu’elles ont abandonné les populations à leur sort, comme si le virus avait cessé d’exister et la pandémie vaincue.
La situation est alarmante, c’est sûr et il ne reste plus que la solution qui consiste à faire face, avec 3088 nouvelles infections ce week-end.
La famille Omarienne, une branche de la Tidjanya qui s’inquiète de la montée en puissance des cas positifs au Sénégal, a donné le ton de la non célébration de la prière commune de la Tabaski, en ces termes : « En raison de la crise sanitaire Covid 19, le khalife Thierno Madani Tall informe les fidèles musulmans que la prière de la Tabaski 2021 n’aura pas lieu à la Mosquée Omarienne. Le khalife invite les fidèles à effectuer la prière chez eux et leur souhaite tous une excellente Aid El Kebir, avec le respect des gestes barrières. Qu’Allah swt nous préserve et enlève cette pandémie », peut-on lire dans un communiqué de la famille religieuse.
Dans cette pandémie, beaucoup ont choisi de revendiquer leur liberté. Certains d'être dans le déni en plus de refuser d'observer les mesures barrières, de porter le masque et même de se faire vacciner. C'est bien évidemment leur liberté, mais le hic est que lorsqu'ils tombent malades, ils se retournent vers les hôpitaux publics pour se faire soigner !
La menace comme arme !
Dans cette bataille contre la pandémie, l’attitude pédagogique des religieux tranche indubitablement avec celle des politiques qui doivent nourrir beaucoup de de remords au fond de leurs consciences, suite aux accusations notées quant à leurs responsabilités dans la flambée des cas. Face à l’indifférence des populations vis-à-vis de leurs recommandations, c’est l’arme de la menace qu’ils brandissent. N’est-ce pas le début de l’impuissance et la perte de la crédibilité de la parole ?
Le président Macky Sall s’est voulu menaçant ce vendredi 16 juillet en marge du dépôt du rapport de Force Covid-19. Il a en effet prévenu que si les cas augmentaient davantage, il ramènerait les mesures de restriction prises, il y a quelques mois. «On ne peut laisser la maladie prendre le dessus et le pays submergé, les hôpitaux dépassés pour constater, malheureusement des centaines voire des milliers de morts, comme c’est déjà le cas dans certains pays. Il faut que les gens puissent mesurer la gravité de la situation et qu’ils respectent les recommandations qui leur ont été faites. Sinon, si la situation l’impose, nous allons revenir aux mesures que nous avons déjà connues par le passé. J’appelle les populations à se protéger. Car la covid, ce n’est pas des blagues. Sinon, si le niveau d’infection arrive à un certain niveau, si on doit confiner on le refera. C’est clair. Quand nous avions instauré des restrictions c’était difficile pour tous. Mais si les gens ne veulent pas qu’on en arrive là, il faut qu’on se protège», a-t-il lancé en marge du dépôt du rapport de Force Covid-19.
Un message qui n’a pas semblé avoir produit beaucoup d’effets, ce d’autant que les comportements dans les transports, marchés et sur la voie publique, n’ont pas pour le moment changé.
Le ministre de l’Intérieur s’est à son tour voulu encore plus menaçant en publiant un communiqué en ces termes : « le ministère de l’Intérieur tient à rappeler aux populations que l’arrêté numéro 017602 du 29 avril prescrivant le port du masque de protection dans les lieux publics et privés reste toujours en vigueur » « Le port du masque est devenu obligatoire sur la voie publique, les services de l’Administration publique, quel qu’en soit le mode de gestion, les services du secteur privé, les lieux de commerce, les moyens de transport public, les moyens de transport privé transportant au moins 2 personnes », a-t-il ajouté. Cependant, Antoine Félix Diome ne s’en est pas arrêté là. Il a brandi des menaces de sanctions contre les récalcitrants. Dans son communiqué, il a ainsi invité les populations à se conformer à ces mesures. Mais il leur a surtout rappelé que le non-respect desdites mesures expose les contrevenants aux sanctions prévues par les lois et règlements.
Une situation que l’exemplarité aurait pourtant pu en grande partie régler. La pandémie est en effet passée par là. Elle nous rappelle à quel point les autorités ont failli. Par son « comportement totalement irresponsable, Macky Sall est la principale cause et le principal responsable de la troisième vague de l’épidémie de Covid 19 qui a battu tous les records de contamination et qui n’épargne plus aucune contrée », s’est laissé convaincre le Congrès pour la renaissance démocratique.
Mais n’allons pas croire que Macky Sall soit la seule autorité en cause. Bougane Guèye Dany en a aussi pris pour son grade avec son opération « Tib Taank » en allant sur les traces de Macky Sall. Il y a eu aussi toutes ces manifestations du M2D et du M 23 sur les places de la Nation et le terrain de Grand-Yoff.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, la responsabilité de Macky Sall qui est en charge de l'exécutif, est bien plus grande que n'importe quel autre. Une responsabilité toutefois démentie par le ministre porte-parole et coordonnateur de la communication de la présidence de la République, Seydou Guèye qui a parlé d’ « accusations sans fondement et sans intérêt », accusant les détracteurs du président Sall d’ « intenter un procès en sorcellerie à la majorité que de vouloir faire une corrélation entre les tournées économiques et cette phase ascendante.» « Si vous travaillez sur les chiffres et les données que nous avons, l’épicentre de cette phase ascendante, c’est Dakar. Ce n’est pas Matam où on est à moins de 3 % de taux de positivité. L’épicentre, c’est Dakar ; la phase ascendante, c’est Dakar ; la flambée des cas, c’est à Dakar », défend celui-ci, à l’émission « Objection » sur Sud FM.
Un démenti qu’il aurait certainement pu s’épargner car il est établi que depuis le 17 mai, les cas avaient commencé à augmente, quoique timidement. Seydou Guèye est à côté de la plaque, c’est sûr. Il ignore certainement que la densité plus importante de la population de Dakar, presqu’île et son micro climat, favorisent une propagation beaucoup plus importante du virus avec ce variant bien plus contagieux que dans les localités, telles que Matam qu’il cite en exemple et la circulation du virus n’est pas aisée à cause du 1er facteur faible population évoquée tantôt. Que le conseiller du président n’oublie surtout pas les nombreuses populations déplacées lors des tournées du président et revenues par la suite à Dakar et qui sont à lier avec la transmission communautaire qui prend l’ascenseur.
A titre d’exemple, mercredi 13 juillet, alors qu’on avait commencé à parler de chiffre record de 733 contaminations, jeudi, c’est une légère baisse de 674 nouveaux cas positifs qui a été enregistrée. Vendredi 16 juillet, ce sont 738 cas qui ont été décomptés battant le record du mercredi mais avec, figurez-vous 474 issus de la transmission communautaire. Samedi 17 juillet, le record du vendredi est à son tour battu avec 1366 cas enregistrés dont 925 communautaires. Ce dimanche 1722 nouvelles infections ont été enregistrés sur un échantillon de 4419 tests, dont 978 sont issus de la transmission communautaire.
Seydou Guèye aurait mieux fait de se focaliser sur les voies et moyens pour venir à bout de cette situation où le respect des mesures barrières, les moyens des hôpitaux, la disposition de vaccins et le manque de tests de diagnostics rapides ne sont pas encore au rendez-vous. De plus, il s’agit surtout de relever que les chiffres fournis sont largement inférieurs à la réalité des personnes contaminées. Alors qu’il ne nous fatigue pas avec cette polémique stérile. La communication, ce n'est pas défendre tout et n'importe quoi, ni être l'avocat du diable. Elle ne consiste pas non plus à être dans la réaction permanente, mais plutôt d'être dans l'anticipation. Les autorités auraient dû comprendre que les rassemblements n'étaient pas appropriés quand bien même un relâchement général a été noté.