NETTALI.COM - Plus de six mois après l'assaut sur le Capitole de Washington, une commission parlementaire entame mardi une enquête sur cette crise majeure pour la démocratie américaine, dans un climat délétère qui risque de compromettre ses travaux.
Des agents de police seront les premiers à être interrogés par un groupe d'élus de la Chambre des représentants chargés de faire émerger "la vérité" sur l'attaque du 6 janvier.
Après un bras de fer politique, cette commission ne compte que des détracteurs de l'ancien président Donald Trump, ce qui "ne présage pas d'une enquête sérieuse" et détruit sa "crédibilité", selon le chef des républicains à la Chambre Kevin McCarthy.
C'est lui qui boycotte ces travaux, rétorque la présidente démocrate la Chambre, Nancy Pelosi. "Peut-être que les républicains ne peuvent pas affronter la vérité, mais nous avons pour responsabilité de la chercher, et de la trouver", juge-t-elle.
Démocrates et républicains avaient pourtant affiché le même effroi après l'intrusion de centaines de partisans de Donald Trump dans le siège du Congrès, au moment où les élus certifiaient la victoire du démocrate Joe Biden à la présidentielle.
Les responsables des deux partis avaient fermement condamné cet assaut, Kevin McCarthy allant jusqu'à évoquer la part de "responsabilité" de Donald Trump qui avait harangué la foule avec ses allégations de "fraudes électorales" quelques instants plus tôt.
- Commission "spéciale" -
Mais, l'ancien président, toujours très populaire au sein d'une partie de la population, a vite réaffirmé son emprise sur le parti, ce qui lui a permis d'être acquitté en février à l'issue d'un procès au Congrès pour "incitation à l'insurrection".
Son refus de toute remise en question a ensuite poussé les républicains, qui disposent d'une minorité de blocage au Sénat, à torpiller la création d'une commission d'enquête indépendante composée d'experts nommés par les deux partis, comme celle mise en place après les attentats du 11-Septembre.
Les enquêtes judiciaires en cours -- plus de 550 personnes ont été arrêtées -- et les auditions déjà menées au Congrès pour comprendre les manquements des services de renseignement, de police ou de l'armée suffisent amplement, ont-ils justifié.
Après ce revers, les démocrates ont avancé seuls, avec Nancy Pelosi à la manœuvre. Le 24 juin, elle a annoncé la création d'une "commission spéciale" composée d'élus, et espéré que Kevin McCarthy nomme "des gens responsables" pour en faire partie.
Près d'un mois plus tard, elle retoquait deux des parlementaires choisis par le leader républicain, dont l'élu Jim Jordan connu pour ses outrances et sa fidélité absolue envers Donald Trump.
Dans la foulée, Kevin McCarthy a retiré les autres membres de son parti sélectionnés pour siéger dans cette commission. "Jamais dans l'Histoire des Etats-Unis, un président de la Chambre n'a choisi les élus de l'autre parti pour pré-déterminer les conclusions" d'une commission", a-t-il encore tonné lundi.
- "Assignations" -
Seuls deux républicains, directement sélectionnés par Mme Pelosi, siégeront dans la commission: Liz Cheney et Adam Kinzinger, rares voix du Grand Old Party à oser ouvertement critiquer Donald Trump qu'ils ont même jugé "coupable" à l'issue de son second procès en destitution.
Le second a promis sur Twitter de "travailler assidûment pour découvrir la vérité et pour que les responsables de l'attaque rendent des comptes".
Pour y parvenir, la commission aura le pouvoir de convoquer des témoins et de réclamer des documents. "Je suis favorable à ce que l'on envoie rapidement des assignations", a déclaré lundi sur MSNBC l'élu démocrate Adam Schiff, une bête noire de Donald Trump et membre de la commission.
"Je pense que certains témoins seront réticents et qu'il faudra les forcer à témoigner", a-t-il ajouté, en prédisant de longs mois de travaux jusqu'en 2022.
Les policiers, qui seront entendus mardi lors d'une audition retransmise en direct dans tout le pays, ne devraient pas faire de révélations, mais rappeler la violence de l'assaut.
Il s'agit, selon Adam Schiff, d'enterrer immédiatement "toute relecture révisionniste" de cette attaque, que certains républicains sont tentés de minimiser, l'un d'eux l'ayant même comparé à une "visite normale de touristes".
(Avec AFP)