NETTALI.COM- L’Union des magistrats sénégalais (UMS) a tenu son assemblée générale ce samedi 7 août 2021. Souleymane Téliko, le président sortant, a, dans son discours d’adieu, soldé ses comptes avec ses détracteurs, surtout avec la tutelle.
Après quatre années passées à la tête de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), Souleymane Téliko a passé le témoin. Dans son discours d’adieu, le président sortant a salué les actions menées par la tutelle. « Grâce à un climat de dialogue, dès son arrivée, l’actuel garde des Sceaux, ministre de la Justice, a su préserver et même redynamiser », dit-il. Et de d’ajouter : « jusqu’au beau milieu de l’année 2020, le bureau a entretenu avec la Chancellerie, d’excellents rapports, fondés sur le respect réciproque, la communication permanente et la franche collaboration ».
Cependant, Souleymane Téliko se désole que ces rapports se soient détériorés. « Malheureusement, ces rapports ont connu une autre tournure, à la faveur de l’affaire concernant notre collègue Ngor Diop, lorsqu’au mois de juin 2020, ce dernier fut affecté dans des conditions que nous avons jugé irrégulières. Fidèle à sa mission, l’UMS n’a pas hésité à dénoncer ce qu’elle considérait comme étant une violation flagrante de notre statut et des principes qui garantissent l’indépendance de la justice. Le collègue, encouragé par le bureau et soutenu par un collège d’avocats, a décidé de former un recours contre son décret d’affectation. A partir de cet instant, nous avons eu droit à moult manœuvres de déstabilisation manifestement dirigées contre l’UMS et son président », déplore Souleymane Téliko. Qui rappelle : « c’est ainsi que la cellule de communication du ministère de la Justice s’est mise à distribuer à des organes de presse, la lettre de démission d’un des membres de l’UMS; Ce fut ensuite, le début d’une série d’attaques personnelles menées contre le président de l’UMS, par un individu qui s’est permis de brandir publiquement, des documents supposés être confidentiels et censés être archivés au ministère de la Justice ».
Ce faisant, l’ancien président de l’UMS, a tenu à solder ses comptes avec ses détracteurs. « Si nous avons tenu à rappeler tous ces évènements, ce n’est point par rancœur ou amertume. Car notre conviction est que la trajectoire d’un homme relève du pouvoir exclusif de l’Etre suprême et que, quelle que soit la volonté des uns et des autres, rien ne peut nous arriver si ce n’est ce que Allah aura décidé », assène-t-il.
Et de poursuivre : « ce rappel est juste une invite à prendre l’exacte mesure de ces évènements et du défi qui se profile à l’horizon pour la justice en général et les magistrats en particulier ». En effet, de l’avis de Souleymane Téliko, « quelque profondes qu’elles puissent être, ces divergences doivent pouvoir s’exprimer de manière civilisée, à travers un débat d’idées, dans le respect de la liberté d’opinion que la loi reconnaît à chacun d’entre nous » Citant Voltaire qui disait « Je ne suis pas d’accord avec vous , mais je me battrais jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire », il souligne que « sa conviction est que c’est dans l’expression libre des idées et des opinions que l’on peut faire avancer la cause de la justice ».
Or, regrette-t-il, « nous constatons que, dans le dessein de réduire au silence des voix discordantes, on a fait prévaloir, en lieu et place de la force de l’argument, l’argument de la force, de l’intimidation et du dénigrement ». Pire, il juge « suffisamment grave que des particuliers malintentionnés s’adonnent à un tel exercice de dénigrement contre des magistrats ». Pour lui, « lorsque les auteurs de tels actes peuvent le faire, sans coup férir, dans de pareilles circonstances, ce n’est pas seulement l’honneur de telle ou telle personne qui est en cause, mais l’autorité et la crédibilité de l’institution judiciaire qui se trouvent, aussi, bafouées ».
S’adressant toujours à ses détracteurs, l’ex-président souligne que « rien de ce que prône l’UMS, n’est fondamentalement nouveau, encore moins révolutionnaire ». Il déclare à qui veut l’entendre : « le débat que nous agitons est un débat de principe qui transcende les régimes et qui s’inscrit dans le sillage de ceux que nos illustres prédécesseurs ont toujours défendus ».
« L’obligation de réserve n’est pas un confinement au silence, encore moins la négation de la liberté d’expression »
Selon M. Téliko, ce qui est nouveau, en revanche et qu’il fustige, « c’est cette posture de l’Exécutif qui, non content de rejeter toute perspective de réforme en profondeur de notre mode de gouvernance judiciaire, semble décidé à réduire au silence toute voix discordante qui se fait entendre à ce sujet ». Parce qu’à son avis, « l’obligation de réserve n’est pas un confinement au silence, encore moins la négation de la liberté d’expression ». En effet, souligne le magistrat « S’il peut arriver que, dans l’exercice de la liberté d’expression que leur consacre leur statut, les magistrats rament à contre-courant des positions dominantes, cela ne doit pas, pour autant, faire d’eux des adversaires désignés d’un quelconque régime ». Aussi clame-t-il haut et fort : « je le dis ici avec force: nous ne sommes d’aucun clan politique ni d’aucune chapelle, si ce n’est celle de la Justice que nous avons l’honneur et le plaisir de servir. Notre ambition, somme toute légitime, se résume à une chose : contribuer au rayonnement de cette Justice à laquelle nous sommes, pour ainsi dire, attachés à “perpétuelle demeure” ».
Au regard de ces arguments, il invite les pouvoirs publics à comprendre qu’ils n’ont pas en face d’eux des adversaires, mais des acteurs responsables, soucieux de l’intérêt général et ayant à cœur de servir loyalement et dignement leur pays.