NETTALI.COM - A suivre les sorties médiatiques dans nos médias et sur les réseaux sociaux, il y a de quoi s’étrangler. C’est désormais un rituel quotidien - surtout dans ce contexte de pandémie - que d’entendre des invités ou électrons libres connus ou pas, discourir sur des sujets sur lesquels ils n’ont aucune maîtrise ; s’ils ne racontent tout simplement pas des conneries monumentales. Face à des journalistes ou animateurs d’émissions incapables de les relancer voire les recadrer, les dégâts sur l’opinion sont tout simplement énormes.
Dimanche 8 Août, Farba Senghor était l’invité d’Aïssatou Diop Fall sur la TFM. Visiblement dans la peau d’un immunologue ou spécialiste de la vaccination, les télespectateurs ont eu droit à un cours magistral sur le port de masque et l’efficacité du temps des vaccins. Et l’on ne peut raisonnablement pas ne pas se poser la question de savoir d’où ce cher Farba tient sa science ? S’agit-il d’une science version Google ? Ou d’informations recueillies au hasard de ses zapping ?
Toujours est-il que l’ancien inconditionnel de Me Wade nous a expliqué le principe de fabrication des vaccins, « tantôt fait sur la base du virus (adénovirus) à l’exemple de Johnson and Johnson » ou d’« Astrazeneca sur la base de chimpanzés ». On aimerait d’ailleurs savoir ce que ce que veut dire « sur la base des chimpanzés ». C’est en effet connu que des essais se font sur des animaux, mais de là à nous sortir cela ! Peut-être voulait-il dire cela ? Le discours n’était en tout pas clair et encore moins précis. Il nous a même appris que plus l’écart est grand entre la prise de la première dose et la seconde, plus le vaccin va être efficace... Aissatou Diop Fall qui manifestement lui accordait du crédit, lui a fait comprendre qu’elle n’entend pas les médecins aborder le sujet de cette manière-là et qu’elle a appris des choses. Bizarre tout de même comme posture. Peut-être était-elle dans l’ironie ? Qui sait ?
Senghor peut avoir glané par ci, par-là des informations en faisant le tour des médias avec surtout la floraison de débats et de d’infos qui circulent en ces temps de Covid, mais de là à se prendre pour un spécialiste de la question… On aurait aimé entendre le Professeur Tandakha Dièye, immunologue ou l’épidémiologiste et vaccinologiste Ousseynou Badiane sur le sujet.
La vérité est que dans le domaine de la pandémie de Covid 19 où tout évolue très vite et où les spécialistes ont même parfois du mal parfois à s’accorder, pourquoi c’est un politique tel que Farba Senghor dont on ignore par ailleurs tout de son niveau d’études et sa spécialité, doit-il avoir la prétention de nous en parler ? Ce qu’il semble toutefois ignorer, est que les études de médecine durent 7 ans, et pour être professeur, encore plus d’années. Pourquoi dès lors certains pensent-ils pouvoir parler à la place d’un médecin qui a usé ses pantalons sur les bancs de la fac de médecine ? Encore que même tous les médecins ne peuvent pas parler de la pandémie dans le détail car son combat nécessite une chaîne de spécialités et de compétences.
Mais le cas le plus alarmant, est sans nul doute celui du médecin urgentiste Babacar Niang. Difficile de ne pas déplorer son commentaire à « Jury du Dimanche » sur I-Radio lorsqu’il indique, s’agissant des vaccins, qu’on est en période d’essai thérapeutique, estimant que « le vaccin n’a pas pris le temps qu’il faut ». Le médecin urgentiste n’a pas dit que cela puisqu’il a ajouté que « la vérité, c’est de dire qu’il n’y a pas de traitement (…) Il faut qu’on arrête d’avoir 40 vaccins pour un seul virus ».
Comment a-t-il pu produire un tel discours en ces temps de pandémie, où les spécialistes mondiaux de la question, ont tous fini de s’accorder sur le fait que le seul salut passe par la vaccination, jumelée évidemment avec le port du masque, la distanciation physique et autres ? Ce cher docteur, serait-il plus savant que tous les autres ? Que l’on sache, en tant que médecin urgentiste, il est dans la prise en charge qui évolue tout aussi vite parce que les cas et les situations évoluent aussi dans cette pandémie. Il n’est pas spécialiste de l’immunologie et de la vaccination, tout médecin qu’il est. Il devrait donc être plus humble et rester dans son rayon au lieu de débiter de tells inepties dans un contexte où l’on peine à convaincre des réticents enfermés dans leurs craintes et doutes renforcés par ces vendeurs d’illusions nichés dans les médias et les réseaux sociaux. Le commentaire de Niang est tout simplement irresponsable et scandaleux.
La vérité est que le variant Delta gagne du terrain : 31 morts le lundi 10 Août et 29 morts en un jour de la semaine et 99 en l’espace d’une semaine, c’est beaucoup trop. Beaucoup de médecins plaident pour une vaccination plus rapide, au regard du taux encore faible sous nos cieux, le Sénégal venant à peine de dépasser le million de vaccinés. Comment dès lors peut-on encourager les réticents à ne pas se vacciner ? L’urgentiste réanimateur Mansour Diouf établi à Bordeaux, nous a appris à l’émission « Jakarloo » de ce vendredi 6 Août sur la TFM que la plupart des cas graves qui leur sont parvenus, sont des non vaccinés. Il réagissait depuis Bordeaux en France où il est en poste. Une information d’ailleurs confirmée par M. Daf, directeur de l’hôpital « Dalal Jaam ». Une opinion en tout cas largement partagée chez les médecins et selon laquelle les vaccinés ne font pas de cas graves. De quoi inciter plus fortement à la vaccination.
Invité par Africain leadership Group (ALG), pour partager l’expérience du Sénégal dans la gestion de la pandémie, le professeur Moussa Seydi a exhorté les sceptiques à aller se faire vacciner, d’autant plus que, pense-t-il, c’est encore la seule protection contre le Coronavirus. « Actuellement, avec la transmission communautaire, toute personne vivant au Sénégal, tôt ou tard, rencontrera le virus. C’est pourquoi, ne pas se vacciner est un énorme risque », a déclaré Seydi, à Denver, dans le Colorado aux Etats Unis. Le chef de Service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann tentera toutefois de démonter les discours complotistes et populistes qui poussent, dans de nombreux pays, les gens à ne pas adhérer aux campagnes de vaccination. « Il y a ceux que l’on appelle les anti- vaccins. Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont très puissants. Ici aux Etats Unis, ils sont à peu près au nombre de 12. Mais, ils ont la capacité de convaincre des millions de personnes à ne pas aller se faire vacciner en leur envoyant des Fakes news. Nous sommes dans un monde où l’émotion joue parfois plus que le raisonnement », a regretté le spécialiste.
Toujours à l’appui de son argumentaire pour évoquer les bienfaits du vaccin, le professeur ajoutera : « Je suis infectiologue, mais je n’ai jamais vu de diphtérie grâce à la vaccination. Quand j’étais interne des hôpitaux, on avait 200 cas de tétanos néonatal par an. Maintenant, on peut rester 5 bonnes années sans en avoir un seul cas. Je n’ai jamais vu un cas de poliomyélite. Pour la rougeole, je peux rester trois ans sans en avoir un. Donc, l’utilité du vaccin est évidente. Quand on vaccinait des personnes pour les types de maladies citées, les patients ne demandaient pas si le vaccin était bon ou pas. Ils ne demandaient pas aussi ce qu’il y avait dans les vaccins. Aujourd’hui, il y a des autorités qui sont là pour contrôler les études cliniques, les valider ou surveiller. Nous devons faire confiance à nos scientifiques et au système qui a été mis en place et tenir en compte les résultats qu’on a vu sur le terrain ».
Délires de politiciens !
Ah les politiciens professionnels, ils abaisseront toujours le débat en le ramenant toujours sur leur terrain. A l’émission « Ndoumbélane » sur la Sen TV, alors qu’elle débattait avec Serigne Bara Ndiaye, un religieux très médiatisé par ces temps qui courent, Thérèse Diouf Faye a soutenu que c’est au nord qu’ont eu lieu les tournées du président, se demandant pourquoi, il y a plus de cas à Dakar, si le périple du président était la cause de la propagation du virus et la flambée des cas. L’objectif de celle-ci était évidemment de dédouaner Macky Sall de la responsabilité qu’on lui attribue à travers l’organisation de plusieurs grands rassemblements notamment à Kaffrine, Tambacounda, dans le nord du Sénégal, Thiès, Linguère, etc. Ce que Thérèse Faye oublie certainement, c’est le fait que des populations qui avaient été déplacées de Dakar vers le nord, sont revenues par la suite à Dakar. Celle-ci ignore certainement que la densité plus importante de la population de Dakar et son micro climat, favorisent une propagation beaucoup plus importante du virus avec ce variant bien plus contagieux que dans les localités, telles que Matam à la faible densité.
Un argumentaire qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui du ministre porte-parole et coordonnateur de la communication de la présidence de la République, Seydou Guèye, qui avait rejeté les accusations selon lesquelles le président Sall était responsable de la flambée de la covid dans ce contexte de 3ème vague. « Si vous travaillez sur les chiffres et les données que nous avons, l’épicentre de cette phase ascendante, c’est Dakar. Ce n’est pas Matam où on est à moins de 3 % de taux de positivité », s’était défendu celui-ci, au cours d’une récente émission « Objection » sur Sud FM.
Mais pendant que les chiffres de la pandémie connaissent une hausse, des Lébous eux, n’ont trouvé rien de mieux que de s’ériger en boucliers de Diouf Sarr parce qu’il serait la cible de critiques dans sa gestion de la pandémie. Le journal « Source A » du week-end du 7 et du 8 Août qui en rend compte, cite ceux qui se sont constitués en boucliers. El Hadji Baye Dame Samb pense qu’ « il y en a qui veulent faire de la pandémie, une arme pour dénigrer Diouf Sarr » ajoutant que ceux-là « veulent politiser la pandémie » en investissant les médias « pour le discréditer juste parce qu’il projette de poser sa candidature à la mairie de Dakar ». Même son de cloche chez le Jaraaf de Ouakam, Aliou Guèye, qui déclare : « on ne laissera personne nous minimiser ou nous détruire. Quiconque veut affronter notre digne fils, doit au préalable faire face à nous ». Quant au très médiatisé Jaraaf Youssou Ndoye, il a fait savoir que « les politiciens sénégalais sont des aigris et que Diouf Sarr est le ministre de la santé, n’en déplaise aux jaloux ».
Des arguments qui ne devraient même pas avoir droit de cité puisque l’élection de la mairie de Dakar est loin d’être une affaire de lébous, mais plutôt de Dakarois qui va même au-delà, puisque Dakar a aussi la particularité d’être la capitale. C’est une affaire sénégalaise, au fond. Une posture similaire de ces dignitaires Lébous avait d’ailleurs valu à d’autres de la communauté Léboue, dont le Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop et l’imam ratib de la Grande Mosquée, Alioune Moussa Samb, qui avaient jeté leur dévolu sur des fils du terroir comme Abdoulaye Diouf Sarr et son collègue ministre Alioune Ndoye de Dakar-Plateau, pour le poste de maire de Dakar, des critiques de Moustapha Diakhaté qui avait évoqué des dérives ethnicistes qui pourraient menacer la cohésion nationale. L’invité de l’émission « Grand-Place » sur Walf Tv, du mercredi 16 juin, avait interpellé le président Sall pour qu’il recadre ces dignitaires lébous. Diakhaté n’avait d’ailleurs pas manqué de condamner le silence suspect des ministres Abdoulaye Diouf Sarr et Alioune Ndoye.
Transposer un problème de gestion de la pandémie sur le terrain politique, ne permettra nullement de l’occulter. C’est ce qu’on appelle de la diversion. Diouf Sarr, au regard du contexte difficile, devrait purement et simplement se concentrer sur la gestion de la pandémie où il a déjà fort à faire. Il a une lourde responsabilité qui ne devrait certainement pas lui permettre de penser à autre chose.
Une ambiance qui montre à quel point le débat public médiatique est vicié. Ceux qui doivent distribuer la parole, la donnent à n’importe qui, au nom de la recherche du sensationnel. Au même moment, ceux qui doivent la prendre, ont déserté l’espace public, ne voulant pas parfois parler. Des plus, les réseaux sociaux sont entre temps devenus des espaces de liberté, sans contrôle du discours et où des individus au background inconnu et parfois nul, inoculent le virus de la bêtise, abrutissant davantage ces populations qui boivent leurs paroles. Mais si l’on ne prend pas garde à laisser les spécialistes récupérer la parole sur des sujets d’ordre scientifiques, tels que la pandémie, nous risquons de finir entre les mains du virus qui, pour l’heure, poursuit sa folle course, détruisant tout sur son passage.