NETTALI.COM – Figure de proue du Mouvement du 23 juin, Alioune Tine se raconte dans les colonnes de Enquête ce samedi. Invité de « Grand’Place », il est longuement revenu sur l’histoire de Raddho.
« La Raddho a été créée dans les années 1988, à la même période que le SAES. J’étais d’ailleurs le responsable du SAES à la faculté des Lettres. Quand on a fait le congrès, j’ai été élu chargé de la communication du bureau national », confie Alioune Tine au journal Enquête.
Poursuivant son récit, le défenseur des droits de l’homme ajoute : « Nous avions fait une grande grève en 1989 et c’est à partir de là que l’enseignement supérieur a décroché. Avant, les salaires étaient misérables. En même temps, dans les années 1988, nous avons commencé la création de la Raddho. En 89-90, on a fait l’assemblée générale. A l’époque, il y avait 17 nationalités. C’était aussi des moments d’euphorie, avec la chute du mur de Berlin. Je dois dire qu’il y a eu une petite anecdote autour du nom. Nous avons voulu coute que coute avoir ‘’le Raddho’’ pour coller à l’image du radeau avec tout ce que cela symbolise. C’est pourquoi nous avions voulu mettre Réseau à la place de Rencontre. C’est Victor Sy, Malien, qui avait dit que réseau renvoie plutôt aux maçons, il faut donc changer. On a alors retenu Rencontre, mais tout en disant ‘’le Raddho’’. Pendant longtemps, on a dit le Raddho. Mais finalement, les puristes ont dit qu’il faut dire la Raddho ».
Quid des hauts faits d’armes de la Raddho, le président d’Afrikajomcenter liste : « Avec la Raddho, quand il y a eu le premier coup d’Etat au Mali, la Raddho a organisé le train de la solidarité. On avait vu Mme Abdou Diouf qui ne parlait pas beaucoup, mais qui avait beaucoup de culture. Tout de suite, elle avait accepté de donner le coup de sifflet pour le départ du train de la solidarité. Et elle avait beaucoup contribué. Ensuite, nous avons eu à organiser les journées du réfugié africain, en organisant notamment de grandes conférences avec les Ki-ZERBO, les Cheikh Hamidou Kane, pas mal d’intellectuels du continent. Vous me permettrez de rendre hommage à des pionniers comme Waly Coly Faye à l’époque SG de la Raddho, Yoro Fall (TG), tant d’autres. En 1993, en pleine crise casamançaise, on a été jusqu’à Kaguit, grâce à nos maigres salaires. On avait loué une voiture. On a vu le Colonel Boissy qui était le commandant de zone. On lui a dit qu’on veut aller à Kaguit pour faire des investigations. A quelques km, les soldats nous ont dit : ‘’halte’’ (il crie). On s’est arrêté et ils nous ont demandé de sortir.
Pour Waly, dès qu’il a dit Waly Coly, avant de dire Faye, le militaire a fait : ‘’quoi’’ (il crie à nouveau). Waly, paniqué, s’est empressé de dire : ‘’c’est Waly Coly Faye’’. Après, ils nous ont demandé de rebrousser chemin. Et nous devions faire marche arrière sur une longue distance. On a vraiment dit Alhamdoulilah, quand on est sorti de tout ça. C’est en ces périodes qu’on a commencé à faire des enquêtes sur les crimes commis en Casamance. On rencontrait tout le monde. Et c’est à partir de là qu’on a commencé à intéresser. En 1994, on a fait un rapport sur les prisons, qu’on a eu à financer grâce aux financements de la fondation Ford, qui a eu un véritable impact, du point de vue de l’amélioration des conditions des détenus, mais aussi, des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ».
Auparavant, aux élections de 93, la raddho avait fait les premiers monitorings des élections. Se remémorant cette époque, Tine détaille : « Et c’était encore avec nos moyens. C’est ainsi qu’on a commencé à avoir un petit nom et on commençait à nous inviter un peu partout. Et puis, en 98, la Raddho a été prix Nobel de la paix, grâce à notre travail sur les mines anti personnels. Et nous avons été des pionniers. C’était vraiment la plus grande campagne faite par des organisations qui a abouti à l’adoption de cette convention sur l’interdiction des mines et qui a fini par avoir le prix Nobel de la paix ».