NETTALI.COM - La cérémonie de remise des prix du Concours général 2021 du mardi 17 Août vient à peine de baisser ses rideaux. Elle a été un bon prétexte pour le Président Sall de faire un sermon aux jeunes, dans un contexte marqué par la violence sur des enseignants, des actes d’incivilité et même de la criminalité sur les réseaux sociaux. Ce qui pose l’équation de la discipline dans ces lieux de savoir, mais aussi de l’exemplarité à servir à ces jeunes.
A l’endroit des jeunes Macky Sall a tenu à faire noter que «l’école n’est pas un champ de bataille, ni une scène pour gladiateurs». A ce titre, a-t-il ajouté, elle doit à tout prix, garder sa vocation d’espace de diffusion du savoir, de fraternisation socialisante et de construction citoyenne. Il a aussi déclaré que les casseurs, ceux qui s’adonnent à la triche, à la violence, et aux actes d’incivisme, n’ont leur place ni à l’école, ni à l’université, estimant que la mauvaise graine ne devrait pousser. Il a également eu des mots pour les utilisateurs pervers du numérique, notamment les actes de cybercriminalité et autres dérives qui polluent les réseaux sociaux et envahissent dangereusement l’espace scolaire. Ce qui l’amènera à faire la leçon à ceux qui, par effet de mimétisme, se permettent, dans des challenges, de s’attaquer à des enseignants et au personnel d’encadrement et de détruire des infrastructures scolaires. Bref, le président a passé en revue tous ces méfaits des jeunes qui menacent l’école, estimant que tout ceci ne doit pas prospérer. Aussi, souhaite-t-il que l’éducation au savoir-être et au savoir vivre, ne soit du seul ressort de l’État. De ce fait, il a invité tous les acteurs et partenaires de l’école à s’investir davantage dans la sensibilisation des enfants sur la portée de leurs actes et comportements à l’école.
Mais une fois que ces mises en garde adressées aux jeunes et ces conseils à ces derniers prodigués, que dire au sujet de la responsabilité des autorités étatiques ? Sinon qu’elles doivent être exemplaires, si elles veulent continuer à être écoutées et entendues par les jeunes. La meilleure manière d’éduquer, n’est-ce par l’exemple ? Doit-on pouvoir faire la morale à ces derniers, lorsqu’on organise des rassemblements en pleine pandémie, alors que le maître mot doit rester la protection des personnes avec entre autres, un respect des mesures barrières ? Les autorités ne se doutaient certainement pas que le très contagieux variant Delta était à l’affût, la démission face au virus ayant été actée depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Lorsque nos gouvernants ne font pas face à leurs responsabilités, peuvent-ils encore être sur une posture de moralistes ? Les inondations sont assez illustratives de leur incurie. Le Plan décennal (2012-2022) de lutte contre les inondations, adopté, le mercredi 18 septembre 2012 prévoyait un budget prévisionnel global de 767milliards F CFA. A l’arrivée, les inondations sont toujours là. Que faut-il vraiment en penser ? Surtout que sur le terrain, cette réalité ne se voit point, malgré les 80 à 90% de réalisation annoncés. La banlieue a ainsi réagi à travers une série de manifestations violentes, ce dimanche 22 Août. Si les jeunes de Tivaouane Diacksao ont choisi de barrer l’autoroute à péage pour se faire entendre, ceux de Keur Massar aussi ont exprimé leur colère pendant une bonne partie de la journée en brûlant des pneus et en obligeant les forces de l’ordre à utiliser la manière forte. Ce sont en effet de longues heures d’affrontements qui ont été notées à Thiaroye. Keur Massar a aussi réclamé l’évacuation des eaux de pluie. Ce qui a poussé le gouvernement à déclencher le plan “Orsec” et fait écrire au journal « Le quotidien » de ce lundi, la pompe à fric qu’est ce plan en brandissant le chiffre de 1000 milliards en 16 ans.
Sa visite mouvementée en banlieue, le ministre de l’Intérieur s’en souviendra encore longtemps, après avoir pataugé dans les eaux et été bloqué sur le péage. Le vice-coordinateur du collectif « Zéro inondation » des Parcelles-Assainies de Keur Massar et ses environs qui faisait face à la presse, ce dimanche, pour dire tout le mal qu’il pense des actes posés, dans le cadre de ce projet dédié aux inondations et qui a déjà englouti plus d’une dizaine de milliards F CFA. A l’annonce de ces travaux, souligne Pape Boubacar Badiane, ils étaient heureux. Mais un bonheur n’a duré que le temps d’une rose, la promesse du chef de l’Etat quant à la fin du calvaire des inondations de 2020 n’ayant pas été tenue.
Aujourd’hui, force est de constater qu’à Keur Massar, c’est toujours le désastre et la désolation chez ces populations. A Guédiawaye, Grand Yoff, Diamagueune, etc idem. Que faut-il en conclure ? Lorsque, sous le prétexte de gérer efficacement les inondations, le gouvernement érige Keur Massar et fait un découpage administratif (jugé politicien par l’opposition) de la zone que faut-il comprendre ?
Qu’il n’assume tout simplement pas sa responsabilité. Et pourtant, c’est au nom de l’exemplarité que les jeunes doivent suivre les gouvernants et non de plus en plus les braver, de nos jours. Il appartient dès lors aux adultes, de quelque bord qu’ils soient, politiques, enseignants, du monde des affaires, de la presse, de la société civile, etc d’être exemplaires à tout point de vue afin que les jeunes continuent à les écouter et à suivre leurs conseils. La crédibilité de la parole des autorités publiques est à ce prix. Comment peut-on, par exemple, installer à la tête de l'enseignement Supérieur Sénégalais, un ministre aux fautes d’orthographe aussi nombreuses et indignes d’un élève du moyen secondaire ? Un ministre de l’industrie qui sait à peine s’exprimer dans la langue officielle. Ce sont quelques mauvais signaux pour la direction des domaines qui devraient être aussi stratégiques qu’ils ne le sont. Le choix des hommes avec lesquels l’on doive gouverner, est tout aussi important puisque, de leurs attitudes dépend fortement la réussite de leurs actions. Ils doivent être respectés et écoutés afin que ces dernières soient acceptées et pouvoir avoir de l’impact.
Serigne Babacar Sy Mansour, un exemple de constance et de sagesse
C’est cette responsabilité et exemplarité que le Khalife Serigne Babacar Sy Mansour a tenu à rappeler à l’ensemble de la classe politique, au cours de sa récente sortie de Tamkharit du mercredi 18 Août dernier. Les hommes politiques en ont ainsi eu pour leur grade. Et même si le marabout a affirmé que c’est Dieu qui choisit l’élu quand il le veut, s’adressant à la classe politique et à la société civile, il a fait remarquer que la politique n’est pas un espace d’animosité, incitant ainsi à la création d’espaces d’échanges et d’entente autour de l’intérêt général. Il a aussi rappelé au passage qu’aucun pouvoir n’est éternel et qu’ils rendront compte, un jour devant Dieu de leur gestion. Les députés ont également eu leur part de sermon. Le Khalife a rappelé qu’ils doivent relater les difficultés que les populations sont en train de vivre, à l’appréciation du gouvernement qui se chargera de voir les possibilités pour satisfaire ces besoins. Donc leur rôle, pense-t-il, n’est pas de se battre ou se disputer tout le temps à l’assemblée.
Une manière de dire que ces responsabilités et cette exemplarité ne sont pas suffisamment assumées. Le Khalife, connu pour son côté véridique de toujours, est de ce point de vue très exemplaire et admiratif par sa sagesse, marquée par la conviction et la constance dans ses actes et son discours. Malgré les critiques essuyées ça et là, suite à la fermeture de la mosquée de Tivaouane et mosquées affiliées dans ce contexte de pandémie, il a campé sur ses positions fondées sur des textes et non sur un jusqu’auboutisme insensé. Il est même allé au-delà de la simple mesure de protection des citoyens en recommandant la vaccination. Un discours très pédagogique et même inattendu puisqu’il a même scruté les détails scientifiques, expliquant le principe de la fabrication des anticorps et la protection contre les cas graves en cas d’infection Non sans assimiler la maladie à une malédiction, tout en prônant un retour aux recommandations divines.
En homme de son époque, le Khalife général des Tidianes a tout aussi regretté la mauvaise utilisation des réseaux sociaux. Surtout le fait que plusieurs personnes se cachent derrière leur clavier pour insulter ou tenir des propos malsains à l’endroit de son prochain, pointant du doigt le manque de respect vis-à-vis des concitoyens, estimant que les réseaux sociaux sont aujourd’hui un lieu de déperdition extrêmement influent qui ne fait qu’augmenter le faible niveau de socialisation de notre société.
Bref une vraie remise en cause du comportement des citoyens et des politiques. Une posture que les gouvernants auraient pu avoir s’ils tenaient vraiment leur rôle dans la société.
Un discours qui n’a en somme, épargné personne. Voilà ce qu’on attend en termes d'exemplarité d’un guide. Et même si nous avons affaire à un état laïc, les confréries et l'église, institutions qui se sont constituées avec l'histoire du Sénégal, sont des instruments de pacification de la société. De ce point de vue, les hommes religieux qui sont écoutés, de par la crédibilité de leur parole qui incite fortement à l’empathie des populations, auraient peut-être pu être intégrés dans le corps des institutions sénégalaises, en grande partie issues de la colonisation qui n’en a pas tenu compte. Mais peu importe, elles sont des institutions de fait, et c’est cela qui importe aux yeux des gens qui voient en ces chefs religieux, des exemples vers qui se tourner en cas de désespoir et de désarroi.
Au-delà même des actes que peuvent poser ces gouvernants, le discours aussi compte beaucoup. Il s’agit surtout pour eux de mettre en œuvre une communication qui puisse créer de l’empathie et non s’inscrire dans une logique de donneurs d’ordre ou d’user de coups de gueule ou de tons acerbes pour s’adresser aux populations. Le discours d’une autorité sera d’autant plus entendu s’il se montre respectueux, même si l’on peut admettre qu’il puisse taper du poing sur la table lorsque la situation le requiert.
Invité du Jury du dimanche, le leader de FDS Guélewar Babacar Diop a d’ailleurs pointé du doigt, la déclaration de dépit de Macy Sall selon laquelle « si vous ne vous vaccinez pas, je vais donner les vaccins à d’autres pays », qu’il a trouvé juste chaotique. « Cette manière de faire, cette manière de s’adresser à une nation, n’est pas correcte. On ne s’adresse pas à un peuple de cette manière-là », a dénoncé Babacar Diop. Avant d’ajouter : « il faut parler de manière pédagogique avec beaucoup de respect. Un leader doit gouverner par la pédagogie et je pense que c’est cette belle leçon que nous avons retenu du Khalife général des Tidianes ».
Rappelons que cette communication était d’autant moins nécessaire qu’inutile puisque le Sénégal ne disposait pas de suffisamment de vaccins à l’époque.
Babacar Diop avait d’ailleurs, dans la foulée, donné son point de vue sur le discours du Khalife général des Tidianes le jour de la tamkharit. Une déclaration qu’il a bien appréciée, estimant que de manière générale, les khalifes généraux perpétuent la mission prophétique. Laquelle, selon lui, est une mission critique, libératrice, de justice, de paix, de liberté, de dignité, considérant que les Khalifes généraux, les clergés et autres refusent de s’associer à l’Etat pour maintenir cette capacité critique pour qu’à chaque fois qu’il est nécessaire, rappeler les principes.
S’agissant de l’appel à la vaccination lancé par le chef religieux, Babacar Diop magnifie la lucidité de ce dernier, pensant que c’est auprès des guides religieux qu’on devait démarrer pour réussir la communication relative à la campagne vaccinale. Mais, constate-t-il avec regret : « il y’a eu un désastre sur la communication institutionnelle lorsque quelqu’un a pris la parole menaçant les populations ». Grâce au discours du Khalife, Diop dit être convaincu que beaucoup de sénégalais qui ne sont même pas de la confrèrie Tidjanya vont suivre l’exemple de ce dernier en ce faisant vacciner parce qu’il inspire confiance.
Dans le même sillage, il juge important le message que le guide religieux a adressé à la classe politique. Un message qui, selon lui, leur rappelle les valeurs nobles de la politique qui doit être faite avec éthique. Car, la finalité d’une organisation politique est de servir la nation.
Il importe en effet que les politiques associent des actes concrets à leurs paroles et promesses, s’ils veulent retrouver un semblant de crédibilité auprès des populations. Les religieux leur ont volé la vedette depuis belle lurette. Dans un contexte sénégalais marquée par une population à dominante jeune, il importe surtout aux gouvernants de savoir s’adresser à eux, afin de ne pas créer une césure dans la société. Ce qui signifie que les autorités étatiques et la classe politique dans son ensemble, doivent trouver les bonnes stratégies pour mobiliser les jeunes et surtout s’évertuer à produire un discours de vérité, tout en mettant l’éthique au centre de leur action. Ce n’est qu’à ce prix qu’ils vont être pris au sérieux et respectés.