NETTALI.COM - ’’ Pour soulager le panier de la ménagère, face à la hausse considérable des prix des denrées de première nécessité notée ces derniers mois, l’Etat du Sénégal a décidé de réduire, et même de suspendre certaines taxes à l’importation. Afin de mieux comprendre l’impact de ces décisions sur le plan fiscal et économique, ‘’EnQuête’’ s’est entretenu avec l’économiste-fiscaliste Mamadou Ngom, par ailleurs enseignant à la faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
L’inflation connue dernièrement s’explique par une « une hausse généralisée des prix, non accompagnée d’une augmentation des revenus ». « Nous vivons une crise qui a tendance à être structurelle, si certaines anticipations ne sont pas faites. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 6 %, cette mesure ne concernait que la farine de blé. Comme vous savez, on consomme fortement cette farine qui provient de l’extérieur. Le cas du pain et produits dérivés en est une belle illustration. Avec la suppression de la TVA de 18 % sur le pain en 2007, il faut préciser que la TVA sur la farine de blé était maintenue. Cette façon de faire expose les boulangers à des difficultés, car ne collectant pas la TVA sur le pain, ils n’ont plus droit à déduire la TVA supportée sur la farine. C’est cette situation qui a poussé les autorités publiques à consentir à une baisse de 12 points sur la TVA portant sur la farine de blé afin de rendre stable le prix du pain. Autrement dit, le taux passe de 18 à 6 %. Avec ce renoncement, le manque à gagner est à l’ordre de 18 milliards par an, estiment les autorités publiques », explique l’économiste Mamadou Ngom, dans un entretien avec Enquête.
« Ainsi, la lecture que je fais de cette baisse de la TVA ou même l’annulation probable qui ressorte des propositions administratives, entre dans le cadre des fonctions de régulation de l’impôt. C’est une fonction qui a un rôle essentiellement économique. Elle a pour objet de corriger certaines fluctuations à partir des paramètres de l’imposition. Elle permet de sécuriser, voire même stimuler la production afin de rendre les prix plus compétitifs sur le marché. Bien évidemment, en tenant considération du niveau d’absorption du consommateur et de son revenu. Donc, l’application de cette mesure, à court terme, pourrait amoindrir ou même maitriser les fluctuations exogènes que subit l’économie », a-t-il ajouté.
Sur cette idée même, il dit que la suspension aura un effet immédiat sur la structure des prix. « Si, durant cette période de suspension, la situation économique s’améliore, il vaut mieux aller dans le sens de la suppression, mais uniquement pour ces denrées qualifiées de première nécessité comme le sucre et la farine de blé fortement consommés dans les zones urbaines du Sénégal. Cela ne traduit pas ma position à encourager l’importation de ces denrées ; bien évidemment non. Il s’agit, pour moi, juste de préserver le bien-être des producteurs et consommateurs. Les économistes de l’offre ont, à cet égard, démontré que les obstacles à la croissance sont dus aux problèmes que rencontrent les agents économiques relativement aux prélèvements excessifs. Donc, ces mesures sont bien efficaces, face à cette inflation. Car on ne doit surtout pas répercuter directement et de façon proportionnelle sur l’impôt les fluctuations ou les déréglementions issues de l’extérieur. C’est d’ailleurs même contraire à la fonction de régulation », détaille-il.
A la question de savoir s’il y aura une baisse des recettes fiscales, il rétorque : « Cette décision est parcellaire par rapport au volume de recettes fiscales globales. Certes, c’est un manque à gagner qui est différent d’une perte. Et mieux encore, cette baisse de la charge fiscale peut mettre les producteurs et une partie des importateurs dans une position favorable de création de valeur. Il faut que l’on comprenne que renoncer à un impôt ou taxe ne se traduit pas systématiquement par une baisse des recettes fiscales. Même si, dans les principes budgétaires, celui appelé universalité du budget institue la règle de non-compensation, il n’en reste pas moins dans l’exercice du prélèvement, il a un caractère dynamique qui permet de compenser certaines recettes par l’élargissement de l’assiette ou l’introduction de nouvelles taxes. Je rappelle que la règle de non-compassion en matière budgétaire interdit la compensation des recettes et dépenses et non la compensation entre recettes. Donc, dans une politique fiscale souple et élastique, si on renonce à une recette, on pourra toujours la retrouver ailleurs sans compromettre le niveau de prélèvement. A mon avis, cette baisse n’aura pas d’impacts considérables sur les recettes fiscales ».