NETTALI.COM - Commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle, Samba Sy est le dernier flic à diriger l’Administration pénitentiaire, au moment des douloureux évènements d’avril 1987, soldé par la radiation de tous les policiers du Sénégal. Depuis lors, les Gendarmes règnent presque sans partage, à la tête de cette administration longtemps rattachée au ministère de l’Intérieur, avant de migrer à la Justice. Radié de la police avant d’être réintégré, ayant vu son fils ainé battu à mort dans un Commissariat, son ami, le Commissaire Sadibou Ndiaye, tué et jeté dans les falaises de Ouakam, Samba Sy a également été trainé dans la boue pour une accusation dégradante de falsification d’un décret présidentiel. C’est donc un homme amer, mais qui refuse catégoriquement de vouloir solder ses comptes à travers son livre autobiographique qui vient d’être publié aux éditions L’harmattan Sénégal, et intitulé "Parcours d’un commissionnaire divisionnaire – Entre sacralisation de l’Etat, dévouement et blessures". L’auteur s’est confié à EnQuête, dans la rubrique Grand-Place. Extraits…
Qui était ce Commissaire Sadibou Ndiaye tué et jeté dans les falaises de Ouakam ?
C’était le Commissaire de Police le plus gradé, au moment de la radiation. Il était directeur de la Sécurité publique, pendant que moi j’étais le directeur de l’administration pénitentiaire. On raconte qu’il aurait été tué. Où ? Par qui ? Je ne saurais le dire pour ne pas jeter l’anathème sur qui que ce soit. Je sais qu’on a retrouvé son corps dans sa voiture. Pour qui connait Sadibou qui était un fervent musulman, un ami, un grand frère que je connaissais très bien, il ne s’est pas suicidé. Le jour où il se rendait à la Présidence, je n’étais pas encore radié, il est venu me trouver à mon bureau pour me dire qu’il allait à la Présidence. Le lendemain, on avait appris sa mort et son corps retrouvé à Ouakam. C’est comme ça que ça s’est passé.
Revenons sur l’affaire du ‘’faux décret’’. Vous pensez que c’était un coup monté de toutes pièces ?
J’avais fait là-bas 10 ans. Il y avait peut-être des gens qui voulaient mon poste. Il y a aussi le changement de patron à la tête de la mairie de Dakar. Mamadou Diop qui me faisait confiance était parti. Pape Diop l’a remplacé et a changé tous les directeurs. Il a voulu peut-être me changer. Mais comme il avait des difficultés à changer un brigadier affecté à la garde de Serigne Mansour Sy, il s’est peut-être rendu compte qu’il ne peut rien contre moi. Je vais vous raconter une anecdote. Un jour, il m’a demandé pourquoi j’ai affecté quelqu’un à la garde de Serigne Mansour et non du khalife général des mourides. Je lui ai dit : d’abord parce que ce dernier n’habite pas Dakar. Ensuite, parce que le maire ne m’a jamais demandé d’affecter un agent à un quelconque dignitaire mouride.
Finalement, dans quelles circonstances avez-vous quitté votre poste ?
J’ai quitté non pas par le maire qui avait la seule compétence de me relever, mais, par le ministre en charge des Collectivités locales, Monsieur Thiéwo Cissé Doucouré, qui est décédé. Malheureusement. Auparavant, j’avais eu une prolongation d’activité qui avait été demandée par le Général Lamine Cissé sur recommandation du maire de la Ville (Mamadou Diop) pour que je sois admis à la prolongation. C’est donc un décret authentique qui a permis de me maintenir au poste. Je n’ai jamais falsifié un document. Dieu faisant bien les choses, après le départ de Thiéwo Cissé, c’est Macky Sall qui a été nommé ministre de l’Intérieur chargé des Collectivités locales, qui m’a nommé Conseiller technique, je percevais un salaire de 450 000 francs, alors qu’à la police municipale, je touchais 300 000 francs. Après lui, Aminata Tall l’a remplacé et j’ai continué à travailler avec elle jusqu’à son départ du gouvernement.
Dans l’affaire Baba Ndiaye qui a été à l’origine de la grève des policiers, des agents ont déploré l’ingratitude de la hiérarchie. Avez-vous ce sentiment ?
En fait, la police a bon dos. On met tout sur le dos de la police. Et elle accepte souvent de subir, parce qu’elle a choisi de servir, de se mettre au service de la loi et de l’Etat, dans l’intérêt supérieur de la Nation. Dans l’affaire Baba Ndiaye que vous avez cité et sur laquelle je reviens ampl ment, il s’agit d’un citoyen arrêté pour recel. Il est décédé non lors de la période de garde à vue, mais après le mandat de dépôt. Toujours est-il que ses parents ont porté plainte, suite à son décès et des policiers ont été condamnés. A tort ! Ce qui a suscité la colère de certains de leurs collègues. Et cela a été mal géré.