NETTALI.COM - Apaisement ou retrouvailles tendues? La crise diplomatique sans précédent entre les Etats-Unis et la France s'invite à partir de lundi dans les couloirs de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU au moment où Washington a annoncé la réouverture de ses frontières avec l'Union européenne.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et son homologue français Jean-Yves Le Drian sont attendus dans la journée à New York. Mais pour l'instant aucun tête-à-tête n'est annoncé pour tenter de tourner la page.
C'est l'annonce, le 15 septembre, d'un pacte de sécurité conclu par les Américains avec l'Australie et le Royaume-Uni pour contrer la Chine qui a mis le feu aux poudres, car elle s'est faite dans le dos des Français, qui ont perdu au passage un énorme contrat de sous-marins commandés par Canberra.
Pour le premier jour de la grand-messe diplomatique mondiale, le secrétaire d'Etat américain a prévu sa première rencontre avec la nouvelle ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.
Londres et Washington ont tenté pendant le week-end d'amadouer leur allié français et par extension l'Europe. La Maison Blanche a ainsi annoncé lundi matin la réouverture des frontières américaines aux voyageurs européens et britanniques vaccinés.
Mais Paris, qui a dénoncé tour à tour un "coup dans le dos", un "mensonge" et une "rupture majeure de confiance", et rappelé ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie dans un geste inédit, ne décolère pas.
Relativement silencieux jusqu'ici, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union européenne examineront lundi soir en marge de l'Assemblée de l'ONU les conséquences du nouveau partenariat stratégique américano-britannico-australien dans la région indo-pacifique, surnommé AUKUS.
- Amour "inébranlable" -
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell devrait "rendre compte" de cette réunion "par une déclaration", a annoncé un porte-parole de la Commission européenne.
Les Vingt-Sept avaient déjà prévu de parler, lors de cette rencontre traditionnelle à New York, du retrait chaotique d'Afghanistan imposé par le gouvernement américain de Joe Biden, qui a aussi suscité plusieurs grincements de dents dans le Vieux Continent.
"Beaucoup de pays européens nous ont fait part de leur sidération", a assuré Jean-Yves Le Drian dans le journal français Ouest France. "Il ne s'agit pas seulement d'une affaire franco-australienne mais d'une rupture de confiance dans les alliances, avec nos alliés, et aussi du positionnement de chacun concernant la stratégie indo-pacifique", a-t-il déploré.
Les Français veulent que l'affaire pèse dans la redéfinition en cours du concept stratégique de l'Otan, mais aussi dans une forme d'autonomie stratégique dont elle voudrait doter l'UE.
L'affaire des sous-marins va-t-elle pousser les Européens à durcir leur position ensemble à l'égard du président démocrate, initialement salué pour sa volonté de relancer les relations transatlantiques avec ses alliés après les tensions du mandat de Donald Trump? Tous les yeux vont être braqués vers la déclaration de Josep Borrell.
Remonté comme rarement ces derniers jours, Jean-Yves Le Drian doit aussi donner le ton lors d'une conférence de presse à New York, en l'absence du président français Emmanuel Macron qui a fait le choix cette année de ne pas s'exprimer à l'Assemblée générale de l'ONU.
Selon Paris, le président Biden, qui est lui attendu lundi et mardi à ce grand rendez-vous mondial, a demandé à s'expliquer avec son homologue français et un coup de téléphone aura lieu dans les "prochains jours".
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a aussi tenté de consoler son allié français, dans l'avion qui l'emmenait à New York.
Le Royaume-Uni et la France ont "une relation très amicale", d'une "immense importance", a déclaré Boris Johnson à des journalistes, avant d'ajouter: "Notre amour de la France est inébranlable". Pas sûr que ces mots doux suffisent à calmer l'ire du chef de la diplomatie française qui a qualifié Londres de "cinquième roue du carrosse".
Signe des tensions persistantes, une rencontre prévue cette semaine entre la ministre française des Armées Florence Parly et son homologue britannique Ben Wallace a été annulée par la France.
Le vice-Premier ministre australien, Barnaby Joyce, a de son côté assuré lundi que son pays n'avait "pas besoin de prouver son attachement à la France", en évoquant les soldats envoyés se battre lors des deux Guerres mondiales.
(Avec AFP)