NETTALI.COM - A peine, a-t-on fini de parler de charte de la non-violence et du refus d’Ousmane Sonko de ne pas la signer que Gaston Mbengue nous administre la preuve de ce qu’est réellement la violence. Comme quoi, elle peut se manifester de manière beaucoup plus flagrante que lorsqu’elle est physique.
En plus d’être racistes, les propos de Gaston Mbengue sont d’une grande violence, alors que le promoteur de lutte n’a jusqu’ici exprimé aucun regret puisqu’il a en plus considéré ne pas avoir fait dans l’ethnicisme. Le promoteur n’est pas une lumière c’est sûr. Il n’est pas non plus connu pour son raffinement. Ses propos sont dangereux pour la cohésion nationale. Et le pire, c’est qu’ils n’avaient que pour simple logique, celle de défendre le régime de Macky Sall face aux attaques de l’opposition « On va dire que je suis raciste. Mais dans ce pays, il y a des centaines de milliers de Mbengue, des centaines de milliers de Ndiaye, des centaines de milliers de Diop, de Sarr, de Fall… Mais les Dias ne font pas cent. ». Mais de là à « brûler tous les Dias », il y a des limites qu’on ne devrait pas franchir. « si on brûlait tous les Dias, personne ne l’aurait senti ».
Comment arriver à sortir pareilles inepties et insister tranquillement là-dessus comme si de rien n’était ? Des propos qui devraient pouvoir d’ailleurs tomber sous le coup de la loi, comme d’ailleurs du reste Eric Zemmour a pu être condamné en France pour des propos similaires sur les immigrés et l’Islam. Macky Sall devrait à la vérité, non seulement fermement condamner ce discours raciste, infecte et inadmissible de la part d’un humain et en république, mais il devrait surtout se démarquer de Gaston Mbengue en tant que son soutien assumé. Parce qu'au fond ce dernier ne fait que participer à la promotion de Dias fils, au regard du surcroît d’exposition médiatique qu’il lui offre dans ce pays de gens émotifs qui ont une tendance à prendre fait et cause, avec une facilité déconcertante, pour les gens qui sont placées dans des postures de victimes. Une attitude du promoteur de lutte qui ne fait au fond que desservir à son « ami » et « petit frère » comme il aime à le rabâcher pour désigner le président de la république.
Des propos de Mbengue qui ont évidemment soulevé un tollé général. Et c’est un lynchage en règle contre le promoteur de lutte qui a été noté sur les réseaux sociaux. Même les acteurs politiques ont tenu à dénoncer ces propos. Une situation qui n’a d’ailleurs pas laissé indifférent le Conseil national de Régulation de l’Audivisuel (Cnra) qui a fait savoir qu’«en diffusant les propos graves tenus par l’invité de l’émission « Sortie » du 28 novembre 2021, sans procéder à un traitement préalable aux fins de supprimer toutes les parties en violation de la réglementation, WALF TV a méconnu ses obligations de contrôler préalablement à leur diffusion, toutes les émissions ou parties d’émissions enregistrées».
Même son de cloche de la part du Synpics qui rappelle que "le Code de la presse qui interdit clairement à un journaliste ou à un média de se faire le relais de tout type de propos à même de troubler gravement l’ordre public en promouvant la haine. Les médias sénégalais, surtout ceux managés par des professionnels, ont des obligations vis-à-vis de la stabilité du pays. Des propos d’une violence inouïe et qui tendent à inciter à la haine, à la stigmatisation d’un groupe de personnes, d’une communauté ethnique, confessionnelle, ne doivent en aucune manière être relayés par les médias". Le Secrétariat général du Synpics regrette que souvent, des propos du même genre, tenus par des responsables politiques, "soient béatement diffusés par des médias et/ou repris par d’autres". Se faisant, ces médias, indique-il, ne semblent dans ces cas de figure poursuivre qu’un seul but : augmenter ou consolider une audience, aux fins d’en tirer des subsides. “Peu importe que cela heurte les consciences ou que cela mette en mal les fondements de notre nation, des médias sénégalais dans des cas de plus en plus récurrents, ne font plus usage de la responsabilité du filtre ou de l’autocensure pour barrer les propos haineux’" se désole le communiqué.
Moustapha Diop, le directeur de Walf TV a pour sa part soutenu que Walf ne cautionne pas les opinions de Gaston Mbengue.
Des situations malheureuses qui doivent finalement pousser les journalistes à prendre davantage de précautions dans le choix des invités. Ils devraient se focaliser sur ceux-là qui apportent une plus value informationnelle plutôt que ces amuseurs publics de la trempe de Gaston Mbengue qui ne sont en général là que pour passer des messages qui ne servent que leurs propres intérêts. Si ce n'est pas écorcher des lutteurs ou ces ministres et DG, sponsors potentiels de ses combats de lutte qu'il n'arrive pas à joindre au téléphone, c'est en général pour encenser Macky Sall. Quel est donc l'intérêt de l'inviter sur un plateau ? Il n'est pas le seul. Il y en a d'autres qui ne se font pas remarquer par leur retenue et la précaution dans le langage. Ils n'ont d'intérêt pour ceux qui les invitent que de sortir des phrases polémiques qui vont retenir l'attention du public des jours durant.
Tout ce qui se donne finalement à voir, n'est que le signe d'une violence très présente dans l’arène politique. Les jurisprudences Penda Ba et Dembourou Sow sont en effet fraîches dans les mémoires. Et c’est sans doute l’impunité dont ont joui ces deux-là, malgré leurs dérives ethnicistes, qui a ouvert la boîte de pandore. Gaston Mbengue s'est certainement dit que de toute façon rien ne lui arriverait. La posture de ce dernier n’est rien en réalité d’autre qu’une des mauvaises manifestations de l’adversité politique qui se joue dans un paradigme musculaire violent, en lieu et place d’un discours intelligent, contradictoire et structuré.
Pourquoi remplacer la constitution, les lois.... par une charte de la non-violence ?
Aïssatou Diop est d’ailleurs revenue au cours d’une matinale de la TFM sur la charte de la non-violence remise au goût du jour, lors la conférence de presse d’Ousmane Sonko du mercredi 24 novembre. Pour la journaliste, ces religieux qui ont initié cette charte, feraient mieux de demander à Macky sall de faire preuve d’exemplarité. « Dans la démarche, ils (ndlr – les marabouts initiateurs de cette charte) auraient dû commencer par aller voir Macky Sall, discuter avec lui en lui faisant savoir que la plus grande des violences, est celle qu'il exerce car, lorsqu’il interdit les marches, emprisonne des gens, confisque des libertés et choisit ses propres adversaires, se permet de menacer les gens depuis la France, c’est le 1er signe de violence », a déclaré celle-ci, avant de poursuivre : « Il faut lui demander de donner l'exemple, d'arrêter ses menaces et certains propos et de respecter ses engagements qu'il a pris devant le peuple. Une fois que c'est fini, ils peuvent s'adresser à ses opposants de manière à ce que tout le monde signe. »
Une demande qui semble avoir été entendue car l’on a appris que le Cadre unitaire de l’islam qui a rencontré le chef de l’Etat ce lundi 29 novembre. Et l’on ne peut pas manquer de se demander ce qu’il faudra dès lors faire des lois en vigueur et de leur respect. Faut-il les mettre de côté en les remplaçant par des accords du type de cette charte qui ne dépendent au fond que de la bonne foi de ses signataires. Que l’on sache l’Etat exerce cette mission régalienne qui consiste à assurer la sécurité des citoyens, qu’ils soient du côté du pouvoir comme de l’opposition. D’où vient alors cette nécessité de signer des chartes, si les règles du jeu démocratique assises sur la constitution, considérée comme sacrée en république, les lois et règlements, ont du mal à être respectées ? Que vaudra une simple signature ? Ne nous fourvoyons point.
La violence, voici une notion que l’on a souvent tendance à ramener à la contrainte physique exercée sur un individu ou un groupe. Mais ce que l’on semble bien souvent oublier, c’est qu’elle peut être également verbale. Dans le cas des forces de l’ordre ou plus exactement de la justice, elle est assimilée à une violence légitime, même si l’on a noté que parfois elle a conduit à des dérives.
« Le seul homme violent qui a le pouvoir de brûler ce pays s’appelle Macky Sall. Et je vous garantis qu’il n’hésitera pas à le faire. Il a une seule stratégie, c’est celle du chaos. », a déclaré Ousmane Sonko lors de sa conférence de presse, estimant qu’il n’y pas lieu de signer la charte de la non-violence car lui et les siens « ne sont pas des partisans de la violence », mais au contraire, « ils sont pour la paix ». Il a ainsi laissé entendre que celui qui incarne la violence, « c’est le régime en place, qui attaque, insulte, complote… ». Et en donnant des preuves, il a listé un certain nombre d’attaques dont il a dit avoir été victime. Ce, depuis que le parti a obtenu son récépissé en 2015. « Nous sommes dans l’obligation de résister, car l’opposition n’est pas un crime, c’est un droit constitutionnel. Ce n’est pas parce qu’on est opposant qu’on doit être un souffre-douleur ».
Toutefois, il n’a pas hésité à réitérer son refus de signer la charte de la non-violence. « Je ne signerai pas ce pacte », dit-il. Il se veut très prudent vis-à-vis de cette charte et se pose un certain nombre de questions : « Quelle est la valeur exécutoire de cette charte ? De quel pouvoir disposons-nous pour contraindre les uns et les autres à l’appliquer ? Mais, mieux encore, quand on a la Constitution, qui est la charte fondamentale, le Code pénal, le Code de procédures pénales et l’ensemble des lois et règlements, la justice, des procureurs, des juges qui ne peuvent pas régler la question, comment une charte pourrait-elle le faire ? ». Des arguments que le leader de Pastef a avancés et qu’il n’est pas aisé de démolir.
Il a ce propos suggéré que c’est leur riposte, en tant que victimes de « ces violences d’État » qui est à l’origine de la création de cette charte. « Parce que ceux-là qui sont tout le temps attaqués, tabassés, blessés, tués, ont dit qu’ils ne se laisseront plus faire qu’on se lève pour créer une charte. Nous n’avons jamais attaqué personne. Nous sommes toujours sur la défensive. ». « On ne veut pas qu’on nous enferme, car pour un homme de principe, une signature, ça vaut ce que ça vaut. Imaginez que je signe ce pacte et que, demain, Macky Sall décide de tripatouiller les élections, on nous dira que nous ne pourrons rien faire, parce que nous avons déjà signé la charte. Et ce sera la même chose pour le troisième mandat », fait remarquer le leader de Pastef.
A la vérité, la compétition électorale et le jeu démocratique au Sénégal sont parsemés d’obstacles et d’embûches. Il ne s’agit nullement d’encourager la violence, mais il est surtout question que tous les parties prenantes à ce jeu électoral, quels qu’ils soient, respectent les règles. Comment par exemple comprendre qu’un mandataire puisse s’enfuir avec les listes électorales, de manière à rendre forclose la liste d’une coalition électorale ? Comment a-t-il pu être reçu par le président de la république ? Comment a-t-on pu cautionner un tel acte qui est tout simplement aux antipodes de l’éthique ? Difficile de comprendre cela.
De même, l'on peut se demander ce qui peut motiver que le ministre de l’Intérieur qui est l'organisateur des élections et le supérieur hiérarchique des autorités préfectorales, à cautionner le pourvoi en cassation devant la Cour suprême des préfets, alors que la Cour d’appel avait réhabilité ces listes ? Autant de questions que l’on peut valablement se poser. Le souci de gagner une élection avec des adversaires d’envergure, devait plutôt préoccuper le pouvoir en place, plutôt qu’une volonté d’éliminer les plus à risque pour eux. Les problèmes liés aux élections foisonnent dans cette démocratie. Entre l’institution du parrainage, le redécoupage électoral, les inscriptions sur les listes, le changement de la carte électorale, etc Autant d’obstacles dressés qui montrent que le jeu démocratique est biaisé d’avance.
Si en plus, l’espace politique est vicié par la violence, la force brutale, les discours guerriers, où va-t-on ? Notre démocratie est tombée bien bas. La conséquence de tout ceci, est l’absence d’offres programmatiques et de projets politiques d’envergure face à une opinion publique partagée entre les partisans de la paix et ceux de la résistance. On en est hélas réduits à choisir entre la violence et la non-violence. Ce qui est bien dommage pour cette vitrine démocratique qui nous était tant enviée.
Entre pauvreté du débat politique, absence de discours structurés et d'offres programmatiques...
Le tableau qui se donne à lire est aux antipodes de ce qui a pu être observé par exemple en juin 2008. Nous étions à 4 ans de la Présidentielle de 2012, donc relativement dans les mêmes enjeux politiques. Or, à l’époque, l’opposition travaillait à la gestation des Assises nationales. Le débat était circonscrit dans le salon de feu Amath Dansokho. Les cerveaux étaient orientés vers la rédaction d’un rapport de synthèse, achevé le24 mai 2009, qui abordait la plupart des problèmes auxquels le pays était confronté en termes de droits de l’homme, de corruption, de boulimie foncière, etc.) et d’une Charte de la gouvernance démocratique pour jeter les bases d’un développement durable et construire un nouveau paradigme d’une gouvernance plus saine et plus vertueuse de la politique. On notera, à l’époque, que les « vieux » briscards de la politique, dont la plupart ont flirté avec le marxisme-léninisme, étaient bien de la place. Le symbole, ce fut Amadou Makhtar Mbow (il va fêter ses 100 ans dans deux semaines), intronisé au Méridien-Président dans une salle archi-comble. Une performance politique qui déroutera Me Abdoulaye Wade au point de lui faire perdre son sang-froid. Gorgui passera en effet le reste de son mandat à s’attaquer au Vieux Mbow, qui le distraira à souhait.
Il faut le dire, il y a eu recul. Et le véritable problème procède de la faillite d’une certaine intelligence de la politique qui est la conséquence (ou cause ?) de l’ensauvagement de l’espace politique. Or, la matière politique est d’une grande complexité, évanescente et réfractaire à toute lecture simpliste. Toute erreur se paie cash.
Il est clair que le déficit d’encadrement politique produit des nouvelles élites fougueuses mais sans génie, comme le déficit d’encadrement dans les rédactions a donné une génération de journalistes moins talentueux que leurs aînés.
Le Président Macky Sall a passé le plus clair de son temps à casser ses opposants. Il ne lésine pas sur les moyens qui peuvent être brutaux, comme ce fut le cas avec l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall. Il peut même être perçu comme un serial killer méthodique qui sait camoufler ses actions ; actions qui ne se révèlent à la lumière du jour que lorsqu’il a atteint ses objectifs. Nous savons que derrière ses apparences de douceur, se cache un homme qui peut être impitoyable. Bref, Macky Sall n’est pas un enfant de chœur.
Le rapport de force n’est jamais physique en politique, il implique une dynamique complexe de compréhension de la situation réelle. Si ces crises peuvent être utiles, ce sera, à notre avis dans la nécessaire correction du paradigme musculaire qui structure l’arène politique. Toutes les parties en scène doivent comprendre que personne n’a intérêt à l’effritement du contrat social pour le vivre-ensemble. Les méthodes en bas de ceinture sont à bannir de l’espace public, tout comme la culture d’arrogance et de haine, les violences verbales infantiles. Bref, il faudra en revenir à une véritable éthique de la responsabilité, qui intègre une culture de la discussion comme cela a toujours été le cas dans ce pays, même dans les moments les plus sombres. Retenir les leçons du passé, c’est un effort que les plus jeunes, loin de tout conflit de générations, doivent humblement faire. C’est le prix à payer pour grandir…