NETTALI.COM- Après moins de deux ans d’application de la loi 2020/05 du 10 janvier 2020 portant criminalisation du viol et de la pédophilie, les juristes ont apprécié, hier, le recul des agressions sexuelles, notamment celles suivies de meurtres. L’évaluation est faite par l’Association des juristes sénégalaises et le ministère de la Justice.
Votée à l’Assemblée nationale et promulguée par le président de la République, la loi 2020/05 du 10 janvier 2020 portant criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal donne satisfaction. Du moins, selon l’évaluation faite hier par l’Association des juristes sénégalaises (AJS) au cours d’un panel qu’elle a organisé. Selon la secrétaire générale du ministère de la Justice, c’est vrai qu’il est un peu prématuré de faire une évaluation, parce qu’il faut au moins cinq à six années d’application pour mesurer l’efficacité et l’efficience d’une loi. Mais, soutient Assé Gassama Tall dans les colonnes de EnQuête, les statistiques disponibles au niveau du ministère de la Justice, en plus particulier au niveau de la Direction des Affaires criminelles et de Grâce, notent une baisse sensible des cas de viol suivis de meurtres. ‘’Maintenant, le moment venu, on fera les évaluations nécessaires pour voir s’il y a des ajustements à apporter par rapport à la législation’’.
Selon Assé Gassama Tall, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants a toujours été au cœur des préoccupations des autorités étatiques et n’a jamais cessé de figurer au rang des principaux axes de la politique pénale. Cette volonté politique, dit-elle, traduite à travers plusieurs instruments, s’est particulièrement illustrée avec l’avènement, à un peu moins de deux ans, de la loi 2020/05 du 10 janvier 2020 criminalisant le viol et la pédophilie. Pour la secrétaire générale, l’examen des statistiques pénales reçues ces dernières années, ne permet pas de juger, pour le moment, globalement, le niveau de mise en œuvre de la nouvelle législation relative à la criminalisation du viol et de la pédophilie. A son avis, s’il est vrai que des poursuites liées à ces infractions sont engagées au niveau des différentes juridictions du pays, il y a lieu, soutient-elle, de préciser qu’elles sont pour l’essentiel pendantes devant les cabinets d’instruction, compte tenu du caractère obligatoire de l’information en matière criminelle. ‘’Je me dois toutefois de relever qu’un aperçu sur les statistiques et les derniers comptes rendus reçus ces derniers temps, malgré la perception que certaines populations peuvent en avoir, nous permettent globalement de noter un recul des agressions sexuelles, notamment celles suivies de meurtres. Pourtant, nous ne devrons pas dormir sur nos lauriers. Aussi, devrons-nous avoir à l’esprit qu’un seul cas de viol ou de pédophilie, quelle que soit la manière où il aura été perpétré ou les conséquences qu’il aura engendrées, mériterait que la société toute entière continue de se mobiliser afin de combattre définitivement ce fléau’’, souligne-t-elle.
Faire en sorte que cette loi soit bien comprise
Pour elle, la lutte contre les agressions sexuelles est un combat de tous les jours. Car il existera toujours des personnes malintentionnées et des individus mus par la volonté de faire mal. En somme, des prédateurs sexuels qui, dit-elle, pensent tout simplement que les femmes et les enfants sont des objets sexuels. ‘’Nous devons faire de sorte que cette loi soit bien comprise par les populations’’, lance-t-elle. Madame la Secrétaire générale de poursuivre qu’il y a trois notions importantes dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi. Beaucoup de personnes, souligne Assé Gassama Tall, ont une mauvaise perception de ces textes, parce qu’elles considèrent que cette disposition ne sera pas efficace. D’autres pensent que la criminalisation est exagérée et qu’il fallait juste en faire un délit. Elle a souligné, en outre, le défi de l’appropriation de cette loi et faire en sorte que la société soit sensibilisée concernant ces questions d’agressions sexuelles. Qu’il y ait une bonne vulgarisation de la loi. ‘’Il faut qu’on aille vers les populations pour les sensibiliser sur la gravité des faits qui sont liés aux agressions sexuelles. Nous avons également le défi de l’application. Nous pensons, pour qu’il y ait une bonne application, qu’il faut une synergie des actions. Souvent, les gens ont tendance à dire que la justice ne sanctionne pas sévèrement. Mais la justice ne peut pas sanctionner, si les parents ou la victime ne déposent pas plainte contre ces faits de viol’’, précise-t-elle.
Par ailleurs, elle est revenue sur l’accueil que ces personnes doivent recevoir au niveau des structures de la police et de la gendarmerie. ‘’Il faut qu’on mette en confiance les victimes et qu’on leur montre qu’elles ne sont pas coupables. C’est sûr que si les magistrats ont un bon dossier, ils appliquent la loi sans réserve’’, rassure-t-elle.
La présidente de l’AJS, Aby Diallo, soutient que ce panel permet de favoriser une meilleure appropriation de la loi criminalisant le viol et la pédophilie. Cela, dans le but de parvenir à une application effective de la loi par les acteurs spécifiques (juges, avocats, officiers de protection judiciaire). ‘’Ce n’est qu’une étape dans la lutte contre les violences basées sur le genre. Il faut qu’elle soit la reine du milieu. Il convient d’échanger sur l’accueil et les difficultés pratiques dans la mise en œuvre de la loi, afin d’impliquer et de sensibiliser les communautés et les leaders religieux à dénoncer les cas de viol identifiés’’, recommande-t-elle.
Pour Aby Diallo, il est tout aussi indispensable d’amener les victimes à disposer des informations essentielles pour conserver les preuves. Ce, tout en veillant à leur prise en charge rapide par des personnes et structures maîtrisant la procédure urgente de dépôt de plainte, en cas de viol ou de pédophilie.