NETTALI.COM - Le Cored et le Cnra ont beau alerter, la couverture médiatique de la campagne pour les locales est totalement déséquilibrée. La faute à l'argent qui permet à certains candidats d'avoir certains privilèges.
Le Conseil pour le respect des règles d'éthique et de déontologie (Cored) avait sonné l'alerte dès le premier jour de campagne électorale. Le tribunal des pairs s'étonnait de constater qu'à lui tout seul, le candidat Abdoulaye Diouf Sarr faisait la une de presque tous les quotidiens de la place. "Le Cored constate avec étonnement, que le samedi 08 janvier 2022, premier jour de la campagne électorale des élections municipales et départementales du 23 janvier 2022, cinq quotidiens : L’As, Vox Populi, Lii Quotidien, Source A et Kritik ont consacré leurs principales Unes à Monsieur Abdoulaye Diouf Sarr, candidat de la coalition Bennoo Bokk Yakaar à la mairie de Dakar. Tout en respectant les choix éditoriaux des uns et des autres, le Cored se demande comment cinq quotidiens peuvent se retrouver à consacrer, le même jour, leur Une à une seule et même personnalité à la fois sans qu’aucun évènement particulier ne l’explique. Une campagne électorale étant un moment où les appareils politiques font des offres de programmes aux citoyens, le Cored invite donc les médias à veiller à l’équilibre entre les différents candidats en lice afin que soit respectée la règle du pluralisme, un des fondements majeurs de la démocratie", alertait le tribunal des pairs dans une note datée du 10 janvier 2022. Bientôt deux semaines de campagne. Et la situation n'a pas du tout changé. Elle s'est même aggravée. Le déséquilibre dans la couverture médiatique de la campagne électorale est flagrant. Ne pouvant pas mettre une équipe sur les centaines de candidats en campagne, la presse privilègie l'argent. Pis, les journalistes semblent l'assumer sans se soucier des alertes du Cored.
La preuve : depuis le début de la campagne, certains quotidiens font de leurs Unes des zones de stationnement réservées au candidat Abdoulaye Diouf Sarr. Disposant d'un budget conséquent, l'équipe de campagne du candidat de Benno Bokk Yakaar "achète" systématiquement la Une de certains quotidiens. Conséquence : les autres candidats manquent de visibilité. Soham El Wardini est une des victimes de cette politique des "Unes vendues". "Nous n'avons pas d'argent. Et c'est pourquoi nous souffrons d'un manque de médiatisation", regrette un membre de la Communication du maire sortant de Dakar. Pourtant, notre interlocuteur tente de relativiser : "Nous comprenons que pour certains médias, c'est le moment de se faire de l'argent parce que nous connaissons les difficultés de la presse, mais quand même..." Alioune Badara Mboup de Yewwi askan wi va plus loin. Il accuse la presse de participer à une "vaste opération de manipulation" durant cette campagne.
Cette couverture déséquilibrée n'est pas le propre de la presse écrite. Le constat est le même sur les chaînes de télévision et la presse en ligne. Sur les chaînes privées notamment, certaines émissions sont exclusivement réservées aux candidats capables de mettre à la poche. Résultat : sur ces chaînes, il n'y en a que pour Diouf Sarr, Alioune Sall, Barthélemy Dias, Cheikh Bakhoum, Directeur général de l'Adie et candidat à Grand-Yoff, Zahra Iyane Thiam, ministre et candidate aux Sicap, Aboubacar Sadikh Bèye, directeur général du Port et candidat à Derklé, Mamadou Dione, directeur général du Cosec et candidat à Diass, Moustapha Diop, ministre de l'Industrie et candidat à sa succession à Louga.. Leur dénominateur commun : ils disposent tous de gros budgets de campagne et signent des partenariats avec les chaînes de télévision et sites internet qui les couvrent systématiquement et ignorent royalement leurs adversaires. Et c'est pour contourner cela que certains candidats investissent les réseaux sociaux. La question est alors de savoir jusqu'à quel niveau cette couverture médiatique influencera le choix des électeurs. Mais on peut d'ores et déjà dire que l'argent a faussé le jeu des locales. Ne serait-ce que pour l'accès équitable aux médias.