NETTALI.COM - La sous-région Ouest-africaine est aujourd'hui en proie à un cycle de coups d'Etat. Le Burkina Faso vient d'y rejoindre le Mali et la Guinée, dans le lot des pays dirigés par des militaires. Le G5 Sahel a implosé, la Cedeao est en crise de crédibilité depuis bien longtemps et le fossé ne cesse de s'agrandir entre les chefs d’Etat et les peuples. De quoi se demander d’où viendra le salut dans un contexte où la France et la Russie se mènent une guerre froide, appuyée en cela par la Grande Bretagne et les Etats Unis qui ont eux aussi, rejeté la transition de 5 ans en faveur de la junte malienne.
Les coups d'Etat, voici un phénomène que l'on semble vouloir imposer comme solutions en Afrique, alors qu'ils sont loin d'en être une. Il suffit pour cela d'interroger l’histoire pour se rendre compte qu'ils n’ont pas, à la vérité, résolu les problèmes de gouvernance, si ce n'est d'avoir engendré d'autres mauvaises conséquences.
Que l'on ne se trompe toutefois pas. Les coups d’état ne sont en réalité que la conséquence de coups d'état constitutionnels tout aussi condamnables. Ils sont en général l'aboutissement de la mauvaise gouvernance qui se manifeste par un hyper présidentialisme caractérisé par une concentration excessive du pouvoir, une corruption généralisée et une certaine forme d'autoritarisme.
Ce qui veut dire d'une certaine manière que les deux formes d'exercice du pouvoir, que cela soit les coups d'état constitutionnels et l'exercice du pouvoir par les juntes, sont loin d'être une panacée. Et elles entraînent souvent les peuples dans des cycles de mauvaises décisions, en cédant aux sirènes du populisme par absence de solutions, après avoir essuyé des cycles de mauvaise gouvernance. L'on a par exemple vu des coups d'état se faire supplanter par d'autres.
France-Mali : une relation qui se détériore de jour en jour
La junte est pour l'instant bien en place au Mali, et beaucoup d'observateurs se sont demandés si le rassemblement impressionnant qui a été noté au Mali en faveur de la transition de 5 ans, n’a pas été orchestré et imposé par une junte crainte et en quête d’onction et de légitimité par le peuple, dans son opposition à la France et à la Cedeao ?
Rappelons tout de même que cette mobilisation avait été encensée par le Premier ministre de transition, Choguel Kokalla Maïga devant des milliers de Maliens massés dans la capitale sur la place de l’Indépendance. Celui-ci ne s’était d’ailleurs pas gêné, dans une harangue aux forts accents de patriotisme, de résistance et de panafricanisme, à revendiquer la souveraineté malienne. Maïga avait ainsi convoqué l’histoire de la résistance au « colonisateur » français pour ajouter, dans un fort accent populiste que « ce sont les enfants, fils et arrière-petits-fils de ces hommes-là qui sont à la tête de l’État aujourd’hui » prédisant que « Dieu et le peuple sont avec le gouvernement de transition […]. Tous ceux qui vont se mettre contre cette transition, Dieu ne les aidera pas, Dieu va leur barrer la route« .
Les orateurs de cette mobilisation n’avaient pas aussi été tendres avec l’organisation des États ouest-africains de la Cédéao, exaltant tour à tour la souveraineté malienne, avait fait ovationner l’armée ou réclamer le désengagement de la France. Même le nom du président russe, Vladimir Poutine, avait été scandé pour exprimer le vœux, nourri par une partie de la population, d’une intervention russe. Le chef du gouvernement avait dans la foulée remercié la Russie et la Chine de s’être opposées mardi à l’adoption au Conseil de sécurité d’un texte soutenant les sanctions de la Cédéao contre le Mali.
Une transition que l'on a en tout cas décrite comme issue d’une proposition des participants aux « Assises nationales de la refondation », présentées comme la phase finale des consultations préalables à des élections et à un retour des civils au pouvoir au Mali.
Pour certains, 5 ans c'est trop pour mener à bien la transition. Mais difficile en même temps de savoir comment il pourrait être possible d’organiser des élections à cause de l’équation d’un pays coupé en deux et dont la moitié du territoire échappe aux autorités. Un contexte qui ne semble en tout cas pas compatible avec l’organisation d’élections.
Mais il n’y a pas que cela, puisque d’autres propositions accompagnent cette transition. Notamment la réduction du nombre de partis politiques avec des conditions restrictives de création et de financement, l’élaboration d’une nouvelle Constitution avec un nombre réduit d’institutions, ou bien la mise en place d’un Sénat et d’une Cour des comptes, d’un organe unique indépendant de gestion des élections ou encore l’élaboration d’un mécanisme constitutionnel de destitution du président de la République en cas de forfaiture, etc. Bref le scénario idéal pour faire fonctionner une démocratie digne de ce nom.
La posture de la France n'a pas non plus été du tout été des plus douces, au regard des échanges musclés, sur fond d'accusations et de contre-accusations entre Emmanuel Macron et le Premier ministre de transition Choguel Maïga. De même entre les deux ministres des affaires étrangères. Elle traduit même une forme d'arrogance et de condescendance que montrent bien souvent ces puissance en territoires conquis.
L'expulsion de l'ambassadeur de France n'est pas pour arranger les choses. Aussi, la France s’est-elle donnée deux semaines pour envisager son avenir au Mali, après neuf ans de lutte anti jihadiste à laquelle elle avait fini par réussir à associer des partenaires européens. « La situation ne peut pas rester en l’état. D’ici la mi-février, on va travailler avec nos partenaires pour voir quelle est l’évolution de notre présence sur place » et « pour prévoir une adaptation », a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Info au lendemain de l’annonce de l’expulsion de l’ambassadeur de France, en réaction aux récentes déclarations jugées « hostiles » de responsables français.
Une décision qui fait culminer les tensions entre Bamako et l’ancienne puissance coloniale, qui compte encore plus de 4.000 militaires au Sahel, dont plus de la moitié au Mali, malgré un allègement du dispositif entamé l’été dernier, compensé par l’arrivée de renforts européens.
Des relations bilatérales qui n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force en août 2020 la tête du Mali, plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique. Peu pressés de rendre le pouvoir aux civils, les putschistes sont entrés ces derniers mois en résistance face à une grande partie de la communauté internationale, dont ses voisins, et soufflent sur les braises d’un sentiment antifrançais régional latent.
En pleine présidence française de l’Union européenne et à trois mois de l’élection présidentielle française à laquelle Emmanuel Macron va sans doute se représenter, un retrait forcé du Mali après neuf ans d’engagement au prix de 48 morts français (53 au Sahel) constituerait un cuisant revers. Mais l’attitude de la junte rend ce scénario de plus en plus difficile à éviter, d’après de nombreux observateurs.
« Un soldat français peut-il encore risquer sa vie pour la protection d’un pays failli qui expulse son ambassadeur ? », s’indignait mardi sur Twitter le colonel français en retraite Raphaël Bernard, auteur de l’ouvrage paru en novembre « Au coeur de Barkhane », du nom de l’opération anti jihadiste française au Sahel.
Une sortie du Mali ne se ferait toutefois pas sans difficulté. Le désengagement des militaires français, solidement implantés sur des bases à Gao, Ménaka et Gossi, prendrait de nombreux mois à organiser, selon l’état-major. En outre, la relocalisation de Takuba promet d’être un casse-tête : le Niger voisin a fait savoir qu’il n’accueillerait pas cette task force. Quant au Burkina Faso, il vient de connaître un coup d’Etat.
Le vide laissé par les troupes ne manquerait enfin pas de profiter aux mouvements jihadistes affiliés, selon les zones, à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique, qui ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l’élimination de nombreux chefs.
Alors que les violences se sont propagées au Burkina Faso et au Niger, ainsi que dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Ghana, la France conserve en tout cas la ferme intention de maintenir sa présence dans la région en y renforçant ses activités de coopération, selon des sources concordantes citées par l'AFP.
Au-delà, l’erreur à ne pas commettre, c’est d’accepter une guerre Est-Ouest en Afrique de l'ouest. On sait les puissances étrangères si proches de leurs intérêts qu’il ne faille pas les laisser installer le lit de la division et l'accomplissement de leurs opérations de pillage en terre africaine après le désastre qu'ils ont causé en Lybie. Autant, la présence russe peut être considérée comme une solution pour contrer la France, autant elle ne doit être pas être vue comme le messie désintéressé. La France peut elle être critiquée à certains égards avec l’opération Barkhane pour n'avoir pas vraiment réussi à venir à bout des djihadistes, des années de présence durant avec 5000 soldats face à des troupes rebelles de loin moins nombreux. Il y a à se poser des questions.
Les peuples doivent refuser de céder au populisme. Cette illusion à laquelle on s'accroche dans des environnements ou règnent la terreur, la corruption, la mauvaise gouvernance etc. Et qui les pousse à élire ceux-là qui ont réussi à leur vendre du rêve et des lendemains meilleurs. Beaucoup de peuples savent, en effet, dégommer les pouvoirs, mais sans toutefois arriver à bien élire. Normal qu’ils cherchent toujours à trouver des alternatives lorsque les pouvoirs se succèdent et se ressemblent, en termes de mauvaise gouvernance. On espère juste que les militaires tiennent leur parole dans cette atmosphère de croisade contre la France et arrivent à rétablir l'ordre qui créera les conditions d'éclosion d'un état organisé et démocratique.
Après l'euphorie, place à la réalité du pouvoir
Au Sénégal, l'on vient de boucler les élections locales et les inconnus élus dans de nombreux terroirs, prouvent que c’est la gouvernance Sall qui a été sanctionnée, plutôt qu'un choix fondé sur des programmes dans certaines localités. De plus, nombreux sont les ministres et DG qui ont investi des montants astronomiques dans ces élections et qui ont perdu dans leurs localités : Amadou Hott, Zahra Iyane Thiam, Abdoulaye Diouf Sarr, Aminata Assome Diatta, Yankhoba Diattara, Dame Diop, Oumar Guèye, Ababacar Sadikh Bèye, Papa Mademba Bitèye, Cheikh Bakhoum, Lat Diop, Abdoulaye Bibi Baldé, etc.
La gestion de beaucoup d'entreprises publiques et les accusations de détournements à la veille des locales, ont été nombreuses, sans que l'on ait jamais noté la moindre réaction du président Sall. D’ailleurs beaucoup se sont demandés d'où est venu tout cet argent dépensé au cours de ces élections si âprement disputées ? C’est en effet connu que le pouvoir politique est aujourd’hui un moyen d’enrichissement et un symbole d’ascension sociale.
Le choix de "Yeewi askan wi" dans beaucoup de grandes villes, n'est pas en réalité fortuit. La popularité de cette coalition est à chercher dans les figures qui la composent. Justice a d'ailleurs été rendue à Khalifa Sall à travers ces élections qui sont surtout caractérisées par l'échec de Soham Wardini qui pensait être une alternative crédible, voire une continuité en vendant un bilan qui n'en était pas à vrai dire un. Barthélémy, le courageux candidat qui a été de tous les combats en faveur de la libération de Khalifa, a su faire face au régime en place sur d'autres désaccords. Il a ainsi gagné 15 communes sur 19 avec deux rescapées qui sont celles d'anciens membres de « Taxawu Dakar » dont Alioune Ndoye du Plateau et Jean Baptiste Diouf de Grand Dakar.
La popularité d'Ousmane Sonko, elle, est à chercher dans ses nombreuses dénonciations contre la gouvernance Sall, dans son face à face avec le pouvoir lors des événements de mars et cette jeunesse qui place un certain espoir en lui, en s'identifient à ce jeune qu'il est, avec des idées qui résonnent dans leurs oreilles.
Il y a aussi le Pur de Serigne Moustapha Sy, parti fondé sur une confrérie et par ailleurs bien structuré, avec une masse d'électeurs derrière. Et bien sûr Déthié Fall le coordonnateur national et bien d'autres, hommes de l'ombre qui ont travailler à assurer la cohésion et à gérer les aspects légaux et administratifs.
A cela, si on ajoute le fait que Macky Sall ne semble plus faire rêver, malgré sa politique infrastructurelle tous azimuts, ses nombreux projets et inaugurations et un coût de la vie rendant le quotidien des Sénégalais bien plus compliqué, les conditions d'une débâcle dans les grandes villes, étaient bel et bien réunies.
Avec ce cocktail de raisons, Macky Sall a perdu dans les grandes villes, malgré toutes ces dénégations et ce prétexte sur la question de l’homosexualité brandi pour justifier sa défaite.
Une situation qui hypothèque en tout cas fortement la question du 3ème mandat en étant un signe de rejet de sa gouvernance.
Mais cette vague YAW ne doit toutefois pas laisser les nouveaux maires planer sur un nuage. Une fois l’euphorie passée, ils vont devoir faire face à une réalité beaucoup plus dure de la gestion avec beaucoup de mairies aux moyens limités et qui risquent en majorité de dépendre des fonds de concours et fonds de dotation qu'octroie l’Etat central. Il faudra juste qu’ils fassent preuve d’ingéniosité, mais surtout de savoir esquiver les pièges et les tracasseries du pouvoir central qui pourrait bien les empêcher de gérer correctement leurs communes en dressant des obstacles sur leur chemin. Khalifa Sall en a fait les frais et un maire tel que Barthélémy Dias devra s’inspirer de son expérience pour ne pas en commettre les mêmes.
Il ne faudra point se leurrer. La nomination prochaine du 1er ministre ne réglera pas les problèmes des Sénégalais. Le profil de la personne choisie permettra de savoir comment Macky Sall compte aborder et orienter le dernier virage de sa gouvernance. Ce d’autant qu’il ne lui restera plus qu’un an et demi en comptant les 6 mois qui vont être consacrés à la pré-campagne présidentielle, sans oublier les législatives de juin dont l'organisation relève de sa discrétion puisqu'il doit convoquer le collège électoral. N'oublions pas aussi que les locales devaient se tenir depuis 2019.
Difficile en tout cas d’espérer quelque chose de significatif de la gouvernance Sall, si ce n'est pour le président, de poser des actes liés à des réformes et ruptures dans l'institution judiciaire ou de lever le coude sur les dossiers et de consacrer la dissolution de certaines institutions budgétivores et inutiles, telles que le Conseil Economique, Social et Environnemental et le Haut Conseil des Collectivités territoriales. Il restera surtout pour lui, de remettre les sociétés publiques sur les rails après ces nombreuses accusations de mauvaise gestion et de détournements.
Au-delà, c'est l'Union africaine dont la présidence sera gérée par Macky Sall qui doit s'insurger contre cette guerre Est-ouest entre la Russie et la France qui est en train de s'installer progressivement. C'est la Cedeao, présentée comme un syndicat de présidents africains (et d'avoir été activée par la France pour sanctionner le Mali) qui gagnerait à être repensée afin de retrouver une crédibilité perdue, si elle veut encore pouvoir peser sur les opinions Ouest-africaines. La démocratie ne saurait nullement se résumer à l'organisation d’élections. Au contraire, elle recouvre beaucoup d’actes à poser, qu’il est difficile de voir des pays qui remplissent les critères qu’elle requiert dans ce continent africain.