NETTALI.COM- Appelé à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, Serigne Saliou Mbacké a étonné plus d’un. Portant le nom d’un saint-homme, il n’a pas appliqué les recommandations de son homonyme, comme l’a souligné le maître des poursuites. L’homme était jugé pour escroquerie portant sur 10 millions de francs CFA au préjudice de la dame Maïmouna Dieng.

Hier, dès que son nom fut prononcé par le juge, les regards se sont dirigés vers le box des prévenus. L’assistance est restée figée, lorsque le juge du tribunal des flagrants délits de Dakar lui a notifié les chefs d’infraction qu’on lui reproche.

En effet, rapporte EnQuête dans son édition de ce jour, Serigne Saliou Mbacké a été traduit en justice par la dame Maïmouna Dieng, pour escroquerie portant sur la somme de 10 millions de francs CFA. À croire la partie civile, elle a fait la rencontre de Serigne Saliou Mbacké par l’entremise de son fils qu’il fréquentait. Sachant qu’il est issu d’une famille maraboutique, elle l’a sollicité, afin qu’il la mette en rapport avec son père Serigne Cheikh Mbacké pour que celui-ci lui prodigue des prières pour la réussite de son business. La plaignante ajoute que S. Saliou l’a mise en contact avec son géniteur à qui elle a parlé au téléphone. “Au bout du fil, il m’a préconisé de faire des aumônes. C’est par la suite que Saliou est venu à la maison me remettre une bague, des bains mystiques et de l’encens. Ce, moyennant des sommes d’argent que je versais à Saliou’’, raconte Maïmouna Dieng à la barre.

Poursuivant sa narration, la plaignante soutient avoir été hypnotisée, grâce à la bague que le prévenu lui avait remise. “J’agissais comme si ma raison m’avait abandonnée. Je lui donnais tout ce qu’il m’a demandé, sans poser la moindre question. J’ai même vendu ma voiture et l’or que j’avais gardé pour mes enfants’’, se désole la partie civile.

Sa fille, Marième, ajoute-t-elle, a essayé, maintes fois, de lui ouvrir les yeux, mais ce n’est qu’après la mort de Serigne Cheikh Mbacké, père du prévenu, qu’elle s’est rendu compte de la supercherie dont elle a été victime. “Ma fille me disait, tout le temps, que je ne parlais pas au père, mais à Saliou. J’ai découvert, par la suite, que celui à qui je parlais ne pouvait pas être son père, parce que ce dernier était malade et incapable de communiquer. Ensuite, il est resté injoignable quelque temps. Quand j’ai réussi à l’avoir au téléphone, il m’a fait croire qu’il avait accompagné son père malade en France. Que celui-ci y a finalement rendu l’âme, alors qu’en réalité, son père est mort à Thiès’’.

Les absents ont toujours tort, dit l’adage. Poursuivi pour escroquerie et charlatanisme, Serigne Saliou Mbacké a préféré souiller la mémoire de son père, en mettant tout sur son dos. Âgé de 28 ans, le prévenu affirme avoir juste présenté la partie civile à son père, mais ignore l’objet des prières que celle-ci sollicitait auprès du dernier nommé.

S’agissant du délit d’escroquerie, Serigne Saliou n’a pas nié avoir reçu des sommes d’argent, mais minimise le montant total remis par Maïmouna Dieng. Le prévenu a déclaré avoir encaissé 6 000 000 F CFA. “Elle parlait directement à mon père. Ce dernier m’a d’ailleurs une fois chargé de remettre une bague, de l’encens et de l’eau bénite à la partie civile’’, a-t-il terminé.

A sa suite, le conseil de la partie civile, Me Souleymane Soumaré, a affirmé que sa cliente a déboursé de façon approximative la somme de 10 000 000 F CFA. “Saliou avait demandé aux enquêteurs de lui accorder deux jours, afin qu’il rembourse l’intégralité de la somme. Mais après 15 jours, il n’a rien versé. C’est une personne très ingénieuse qui croit avoir suffisamment de bras longs pour échapper à une sanction pénale’’, a fulminé l’avocat. Pour toute cause de préjudice confondue, Me Soumaré a réclamé la somme de 11 000 000 F CFA pour le compte de sa cliente et demandé au tribunal de fixer la contrainte par corps au maximum.

Prenant la parole pour ses réquisitoires, la représentante du ministère public a soutenu que rien n’établit, dans ce dossier, que c’est son vénéré père qui prodiguait des prières à la plaignante. “Il n’a jamais voyagé en France. Rien que ces contrevérités prouvent que c’est lui qui s’est fait passer sciemment pour son défunt père. C’est lui qui encaissait les différentes sommes d’argent. C’est des faits regrettables, parce que le prévenu, son nom renvoie plus à un bienfaiteur qu’à un escroc’’, a regretté la parquetière. Non sans évoquer les prédictions qu’avait faites le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba sur ces personnes. “Il arrivera un moment où il ne faudra même pas faire confiance aux personnes qui feront partie de ma lignée, parce qu’eux-mêmes poseront des actes qui ne m’honoreront point’, avait prédit le saint homme. Aujourd’hui, Serigne Saliou Mbacké fait partie de ce lot’’, a pesté le maître des poursuites qui a requis à l’encontre du prévenu une peine d’emprisonnement ferme de six mois.

Prenant la parole, les conseils de la défense ont battu en brèche la plaidoirie de leur confrère qui assurait les intérêts de la partie civile qui, déplorent-ils, a attribué à leur client des propos qu’il n’a jamais tenus. Selon les robes noires, Serigne Saliou Mbacké n’a jamais pris l’engagement de rembourser.

L’affaire mise en délibéré, le tribunal rendra sa décision le 22 février prochain