NETTALI.COM - La guerre que mène Poutine contre l’Ukraine est partout. Elle est amplement relayée par les chaînes de télévision du monde, au point où on assiste à une overdose d’informations, traitée massivement qu’elle est par une presse internationale qui n’a plus d’yeux que pour elle. Tous les autres sujets sont ainsi devenus secondaires, lorsqu’ils ne passent tout simplement pas inaperçus. Mais une couverture qui ne manque toutefois pas de dérapages, de propos incontrôlés, de stigmatisation mais surtout du racisme primaire relevés sur le sujet relatif à l’afflux des réfugiés Ukrainiens qui fuient les combats.
Dans la couverture médiatique de cette guerre, aucun détail n’échappe : des points sur les troupes mobilisées de part et d’autre, leur déploiement sur le terrain, la force de dissuasion nucléaire russe comparée à celle des Etats-Unis, les nombreuses sanctions qui tombent contre la Russie, le niveau du rouble russe, etc. Mais le fait le plus préoccupant pour une certaine presse qui ne manque pas d’adresser des commentaires d’indignation, c’est d’avoir cru qu’une guerre n’était plus possible au cœur de l’Europe, mais seulement qu'en Irak ou en Afghanistan. La mémoire courte, elle a dû oublier que l’Europe était le théâtre d’opération des deux guerres mondiales. Elle a dû aussi zapper de son esprit que les occidentaux ou plus exactement les Européens et les Américains sont au cœur de ces guerres en Afghanistan. Mais c’est surtout sur le sujet relatif à l’afflux des réfugiés ukrainiens qui scandalise, qu’il y a eu des crispations terribles et des commentaires de comparaisons bien glauques de la part d’éditorialistes, correspondants et politiques qui se sont lâchés dans des commentaires peu amènes et racistes.
Devrait-il y avoir une différence entre l’accueil à réserver à un réfugié européen, afghan ou africain ? Assurément non puisque tous les trois ont en commun de fuir des guerres ou des exactions ? Mais lorsque les images d’archives ressortent, elles révèlent bien des différences de traitement dans l’accueil entre ces Africains, Syriens et autres que l’on ne voulait pas accueillir et ces Ukrainiens estimés à plusieurs centaines de milliers sur les routes. Les commentaires qui vont dans le sens d’accréditer l’idée que l’accueil des Ukrainiens devrait être meilleur et plus chaleureux comparé à celui d’Afghans, sont tout simplement scandaleux et honteux.
Comment arriver à théoriser une hiérarchie entre des peuples ? Une situation qui a créé un tollé sur les réseaux sociaux avec cette vidéo compilée qui met en scène des dérapages d’éditorialistes de renom et de politiques sur le sujet. Du racisme primaire jugé dans certains cas comme des maladresses. Mais au fond, ces propos ne sont en réalité que le fruit d’un inconscient raciste qui se manifeste et s’exprime au grand jour. Que ces Sénégalais ou citoyens d’autres pays qui s’indignent soient moins naïfs et moins angéliques, le monde est ainsi structuré entre ceux qui ont droit au respect et ceux qui ne sont bons qu’à être méprisés. Des peuples et des civilisations «inférieurs», diraient-certains. Il suffit de voir le traitement de l’actualité africaine dans les médias occidentaux pour se rendre compte qui se résume généralement à des références à la maladie, la misère et les conflits armés pour se rendre compte des œillères que certains médias ont vis-à-vis de l'Afrique. Comme s’il n’y avait point de success-stories, de vie économique et d'entreprises performantes.
Ceux-là qui débitent ces commentaires d’un autre âge, savent bien ce qu’ils disent. Leurs propos ne sont en réalité que le reflet de leur vision réelle du monde et leurs opinions les plus condescendantes sur des peuples. Les excuses après coup ne peuvent plus suffire.
Loin de dénier tout accueil décent et convenable à ces Ukrainiens qui fuient pour sauver leurs vies, il convient de noter que l’Ukrainien qui est accueilli, à travers bon nombre de discours, est d’abord vu comme un réfugié qui retournera chez lui à la fin du conflit ; comme un européen, un chrétien, donc forcément une personne proche d’un point géographique, de couleur de la peau, de niveau vie et surtout d’un point de vue culturel. Lorsqu’il s’agit d’un Africain ou d’un Arabe, il est généralement désigné par le terme « migrant », et est considéré comme différent de par la couleur de sa peau, sa culture, sa religion, mais surtout comme un individu qui a vocation à s’implanter durablement en Europe.
Et pourtant si l’on fait quelque peu attention, l’on se rendra bien compte que le terme « réfugié » désigne, selon la Convention de Genève, des individus qui fuient les conflits armés ou les persécutions. Comme en Ukraine mais aussi en Afghanistan.
Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que ces dérapages sont signés par des éditorialistes de renom : l’éditorialiste à l’écharpe rouge du journal l’Express, Christophe Barbier ; Ulysse Gosset, lui aussi éditorialiste de politique étrangère sur BFM TV qui a travaillé pour TF1, France Télévisions, France 3, LCI, France 24, la chaîne française d'information internationale et Radio France ; ou ce correspondant américain de CBS à l’étranger, Charlie D’Agata ; le politique Jean-Louis Bourlanges et non moins président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. Ils sont pourtant loin d’être des novices dans leurs domaines.
L’éditorialiste Christophe Barbier a par exemple expliqué sur BFM TV pourquoi l’aide aux réfugiés ukrainiens était une évidence. Des propos similaires à ceux tenus par d’autres personnalités qui ont eux aussi créé la polémique. A l’entendre prendre position en faveur des réfugiés ukrainiens sur BFM TV, l’on sent nettement cette différence qu’il tente d’établir entre ces Ukrainiens qu’il considère comme des réfugiés et les autres qu’il regarde comme des migrants. « Il y a un geste humanitaire évident parce que la nature des réfugiés n’est pas contestable. On voit bien ce qu’ils fuient. Ensuite parce que ce sont des Européens de culture. Et puis nous ne sommes pas face à des migrants qui vont passer dans une logique d’immigration ».
Ce qui laisse penser que l’aide humanitaire fournie aux réfugiés ukrainiens relève de l’évidence car ceux-ci sont des Européens de culture venant d’un pays proche presque voisin qui n’aurait pas vocation à s’implanter durablement. S’est-il rendu compte de sa bourde dans l’analyse ? Barbier tentera très vite un rétropédalage en rappelant qu’après la révolution de 1917, la France avait accueilli des Russes qui avaient fini par rester dans le pays. Comme quoi, il faut retourner 7 fois la langue avant de parler.
Des propos du polémiste évidemment critiqués sur les réseaux sociaux. Pour l’eurodéputée Karima Delli (EELV), ils sont tout simplement honteux, faisant savoir que l’accueil des réfugiés n’est pas conditionné à la culture, son pays ou sa religion, tout en voyant du Zemmour dans le discours de l’ éditorialiste qui a toutefois tenté de se défendre en déclarant qu’il n’avait jamais dit qu’il ne fallait pas accueillir les autres réfugiés. Sauf qu’il les considère comme des migrants.
C’est à une vraie obsession par la catégorisation des migrants entre « bons » et « mauvais » réfugiés adossée à une vraie surenchère réactionnaire qu’on a assisté sur les plateaux télé. Une hiérarchisation des civilisations entre « ceux qui méritent des bombes » et « ceux qui n’en méritent pas »
Des journalistes se sont ainsi scandalisés de voir « des missiles de croisière dans une ville européenne au 21ème siècle » « comme si on était en Irak ou en Afghanistan », pour citer l’éditorialiste de BFM TV Ulysse Gosset. Ou encore son collègue Philippe Corbé qui notait de son côté : « on parle pas de syriens qui fuient les bombardements du régime syrien, on parle d’européens qui partent dans leurs voitures. »
Avec Jean Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale française, les lois relatives à la politique étrangère ne sont décidément pas entre de bonnes mains. « Il faut prévoir un flux migratoire. Ce sera sans doute une immigration de grande qualité en revanche. Ce seront des intellectuels, pas seulement, mais on aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit. », a déclaré celui-ci sur Europe 1.
De quoi susciter l’indignation de Clémentine Autain, députée de la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis qui a dénoncé un cynisme des plus crasses. Celle-ci a ajouté que « faire une hiérarchie entre immigrés est à vomir et donne la mesure de notre époque. Trop de digues ont sauté ».
Difficile en effet de savoir ce qui est le plus choquant entre le fait de faire la différence entre les réfugiés ; et celui de voir des exilés qui cherchent à fuir la guerre pour sauver leurs vies comme de la main d’œuvre dont il faut profiter ?
Le comble, ce sont les déclarations bien choquantes du correspondant à l’étranger pour la chaîne CBS : « Ce n’est pas un endroit, avec tout le respect que je vous dois, comme l’Irak ou l’Afghanistan… Où le conflit fait rage depuis des décennies… », bredouille le journaliste américain Charlie D’Agata, « c’est un pays relativement civilisé… Un pays relativement européen… Je choisis mes mots avec prudence », continue-t-il mal à l’aise. « [Un pays] où vous vous n’attendez pas à voir ce qu’il se passe actuellement ».
Une déclaration qui se passe de commentaires, tant la bêtise des propos est profonde. Un racisme sans appel qui fait référence à la classification des pays, des peuples et des civilisations.
Une intervention qui est évidemment devenue virale sur les réseaux sociaux, cumulant plus d’un million de vues sur Twitter. Elle ne pouvait laisser indifférent. De nombreux internautes ont dénoncé le racisme du correspondant.
Samedi 26 février, le journaliste américain s’est excusé. « J’ai parlé d’une manière que je regrette, et pour cela je suis désolé », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il essayait de faire comprendre que l’Ukraine n’avait pas vu « cette ampleur de guerre » ces dernières années, contrairement à d’autres pays. Maladresse ou racisme banalisé ? La question est soulevée par des internautes, ainsi que par des journalistes qui s’alarment du vocabulaire employé par leur confrère.
Fidèle à lui-même, Éric Zemmour a pris position ce lundi 28 février sur RTL contre l’accueil des réfugiés ukrainiens en France.
Dans un discours fortement marqué par la xénophobie qui le caractérise, le candidat d’extrême droite a déclaré qu’il préférait que les Ukrainiens « soient en Pologne », car pour lui, « il n’est pas bon de déstabiliser la France qui est déjà submergée par l’immigration ». Zemmour a ajouté une couche de racisme en distinguant les réfugiés ukrainiens, « qui sont des populations européennes », et l’immigration en France, qui « n’est pas le plus souvent une immigration européenne »
On assiste globalement à un vocabulaire et une sémantique d’une autre époque qui induisent les téléspectateurs en erreur et décontextualisent fortement les conflits. Tout se passe comme si cet afflux de réfugiés, qu’ils soient Afghans ou Ukrainiens ne sont pas la conséquence de rapports de forces entre puissances qui se jouent sur des terres qui ne sont pas forcément les leurs, dans une logique d’équilibre de la terreur.
A entendre des commentaires tels que « regardez comment ces réfugiés [ukrainiens] sont habillés, ils font partie de la classe moyenne », sur la chaine arabe Al Jazeera ; ou « l’impensable est arrivé… Et nous ne sommes pas dans un pays du tiers-Monde, mais en Europe », déclaré par un chroniqueur sur une chaîne de télévision italienne ; ou encore « C’est assez dur pour moi, parce que j’ai vu des personnes européennes, avec des yeux bleus et des cheveux blonds, et aussi des enfants, tués chaque jour à cause des missiles de Poutine », propos du député géorgien et ukrainien David Sakvarelidze sur la BBC, il y a de quoi bondir et de se demander dans quel monde nous vivons.
Interrogés sur France 24, 3 Irakiens ont déploré la manière dont certains éditorialistes, politiques et correspondants parlent d'eux. Si l'un a dénoncé le côté abject des propos qui fait valoir que seuls certains peuples ont droit à des bombes, le deuxième a parlé de "racisme tout simplement citant le passage : "on parle de gens aux yeux bleus" ; le troisième lui visiblement atteint, a également dénoncé le racisme dont ils font l'objet et insisté sur le fait qu'ils sont des êtres humains comme eux, qu'ils soient arabes ou Africains.
La grave sortie de route d'un Imam excessif et ignorant
Ceux qui sortent ces inepties, doivent sans cesse être recadrés. Ce que n'a pas pu faire Oustaz Assane Diouf de Walf TV face à l’Imam Lamine Sall qui a raté l’occasion de se taire en assimilant les chrétiens aux francs-maçons, sur Walf TV lors de l’émission « Diiné ak Diamono » de jeudi. L'animateur de l'émission n'était visiblement pas d'accord avec ce que disait l'invité, mais n'a pas su le recadrer. Ce qu'un journaliste au fait des règles aurait très vite perçu. Des propos stigmatisants en tout d’une grande violence, sans grand intérêt et qui ne contribuent qu’à fissurer la cohésion sociale au Sénégal. Un pays fondé sur le principe de la laïcité et qui ignore les clivages religieux. Des précédents qui ne semblent pas avoir servi à grand-chose côté Walf, comme avec cette sortie de Gaston Mbengue contre Barthélémy Dias. Il y a en tout cas de quoi s’étrangler ! Et les excuses arrivent souvent bien trop tard lorsque le mal est déjà fait.
Des propos qui se sont invités en conseil des ministres de ce mercredi où le chef de l’Etat "a notamment condamné, avec fermeté, au nom du Gouvernement, les propos outrageux à l’endroit de la communauté catholique, proférés à travers un organe de presse" . Macky Sall a aussi saisi l’occasion pour inviter le ministre de la Communication et le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) à rappeler aux médias et organes de presse, "leurs rôles et responsabilités majeurs dans la préservation des valeurs de la République et la consolidation de la concorde nationale, conformément aux prescriptions des cahiers de charges qui leurs sont opposables". Ce qui a déjà été fait.
Tout cela montre qu’il y a du chemin à parcourir dans les médias. Notamment par rapport aux précautions de langage à prendre et aux jugements de valeur d'ailleurs interdits et qui ne sont au fond que de relents de racisme enfoui et du sectarisme.