NETTALI.COM - L'armée sénégalaise mène, depuis hier, des raids dans la commune de Djibidione - département de Bignona- pour déloger l’un des lieutenants de César Atoute Badiate, Chef de l’aile Sud du MFDC. Cette offensive des forces armées sénégalaises fait suite àcelle qui a permis de neutraliser les bases du chef rebelle Salif Sadio dans la commune de Nord-Sindian. Ces opérations risquent d’éparpiller les différents groupes de rebelles et d'entraîner une dégradation du climat sécuritaire dans cette partie septentrionale de la Casamance.
L’ armée sénégalaise semble bien décidée à en finir avec les sanctuaires des rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Conformément aux engagements du président Macky Sall qui, lors de la fête de l’indépendance du 4 Avril, avait affiché une ferme volonté d’anéantir toute forme de présence rebelle dans le nord de la Casamance, un détachement de l’armée sénégalaise a débuté, hier, une opération contre des sanctuaires de l’aile Sud du MFDC.
En effet, depuis mercredi, l’armée s’est déployée dans le secteur de Djibidione. C’est seulement hier, jeudi, quelle a lancé une opération de démantèlement de la base de Nionbolong, des positions avancées de Médiadiam et d’Oupoutte, contrôlées par le chef de guerre Epougnathia. Ces sanctuaires d’’Atika’’, les combattants du MFDC, étaient tous sous les ordres du commandant Paul Alokassine Bassène, un des lieutenants de César Atoute Badiate, le commandant en chef du Front Sud du mouvement séparatiste.
Selon plusieurs sources de Enquête, les opérations militaires ont démarré avec un important tir d’artillerie qui a visé les bases rebelles situées à Médiadiem Oupoutte et à Nionbolong, des villages situés non loin de la frontière gambienne. Les hauts responsables de l’armée sénégalaise comptent ainsi démanteler les sanctuaires rebelles. Ces tirs d’artillerie suivis du déploiement d’un important contingent de l’armée ont entraîné la fermeture des écoles élémentaires et des collèges de la commune de Djibidione. Des tirs ont aussi été signalés autour des villages de Massara et d’Outoukène.
Ainsi, des habitants des villages de Massara, de Djiniay, de Diadjibing, de Dilancounda et de Kabounkout, et d’autres encore situés dans la commune de Djibidione – zone par excellence de culture et de trafic du chanvre indien - ont pris le chemin de l’exil vers la Gambie, afin d'échapper aux combats.
L’Etat-major de l’armée sénégalaise ne fait, pour l’heure, aucun commentaire sur le déroulement des opérations et n’avance pas de bilan concernant les pertes du côté rebelle. Mais plusieurs bases appartenant aux hommes de César Atoute Badiate, qui reste toujours insaisissable, risquent de tomber, dans les prochaines heures, dans l’escarcelle des forces de défense et de sécurité. Ce dernier, qui est sous le coup d’un mandat d'arrêt international, est aussi poursuivi dans l’affaire du massacre des 14 bucherons dans la forêt de Boffa-Bayottes, en janvier 2018. Le procès qui se tient au tribunal de grande instance de Ziguinchor risque de condamner le chef rebelle à la prison à perpétuité, si la cour décide de suivre le réquisitoire du procureur.
Le rouleau compresseur de l’armée sur les traces de César Atoute Badiate et Salif Sadio
D’ailleurs, selon un observateur bien averti de la crise en Casamance, après le Nord-Sindian et la commune de Djibidione, les positions rebelles de César Atoute Badiate situées dans le département d’Oussouye pourraient, elles aussi, après celles de Nyassia, faire l’objet d’opérations de grande envergure pour bouter la rébellion hors des frontières casamançaises, restaurer la souveraineté de l’Etat, lutter contre le grand banditisme, la coupe illicite de bois et le trafic de la drogue, notamment dans les régions de Ziguinchor et de Sédhiou.
Cette opération fait suite à l’offensive de l’armée sénégalaise déclenchée le 14 avril dernier et qui a permis de détruire les bases du chef de la branche militaire du MFDC, Salif Sadio, dans la commune voisine du Nord-Sindian. Les ordres ont été donnés pour la capture, mort ou vif, du chef rebelle toujours en fuite. Un mandat d’arrêt international n’est pas à écarter. Cette nouvelle offensive pourrait aussi exacerber le climat d’insécurité dans le nord de la Casamance. Déjà, le 19 mars, des hommes lourdement armés, présumés rebelles du MFDC, ont attaqué un convoi de commerçants sur la RN4, sur l’axe Bignona - Bounkiling, aux environs du village de Badiouré, dans le département de Bignona, en Casamance. Les assaillants se sont dirigés vers la forêt de Badiouré et ont emporté avec eux de l’argent, des téléphones portables, entre autres. Ces attaques risquent de se multiplier, au fur et à mesure du démantèlement des sanctuaires rebelles dans la commune de Djibidione. La destruction des sanctuaires des combattants du Front Nord risque d'entraîner une dispersion des groupes rebelles qui, avec des sous-groupes, peuvent entraîner une recrudescence de la violence dans cette partie nord de la Casamance.
En effet, les rebelles qui opéraient depuis la frontière gambienne, privés de trafic de bois et de chanvre indien, sont susceptibles de replonger dans le grand banditisme fait de braquages, de vols de bétail et d’attaques à main armée contre les civils. Une situation qui doit pousser les pouvoirs publics à rechercher des palliatifs proposés par les autorités sénégalaises, comme la réinsertion des rebelles et des programmes de démobilisation et de retour à la vie civile.
En outre, la situation topographique de la région, avec plusieurs forêts classées et de zones boisées, et la porosité de la Gambie, risque de contraindre notre armée à une présence permanente à la frontière gambienne, pour éviter la reconstruction de nouveaux sanctuaires rebelles dans cette partie de la Casamance.
Après plus quatre décennies de rébellion, le MFDC est désormais divisé en plusieurs sous-groupes qui, d'après Jean-Claude Marut, chercheur associé au CNRS et spécialiste du conflit casamançais, se livre largement à des actions criminelles pour survivre, tout simplement. “L’État sénégalais a joué la carte du temps, la carte du pourrissement et cela a marché, puisque, effectivement, la rébellion est maintenant complètement à bout de souffle”, affirme le chercheur français dans un entretien avec RFI en février 2021.
Avec Enquête