D’un coût initial de 17 milliards de francs, il aura coûté plus de 40 milliards à l’arrivée au contribuable. Un chiffre qui remet en cause celui donné par l’argentier de l’Etat. Le projet de rénovation du bâtiment s’est transformé en un gouffre financier.

Le clan Wade doit rire sous cape. L’un de ses plus grands contempteurs, auteur d’ouvrages des plus incendiaires sous le régime libéral dont « Comptes et mécomptes de l’ANOCI » et «Wade un opposant au pouvoir : L’alternance piégée ?» est empêtré dans un imbroglio financier sans fin depuis qu’il partage le gâteau gouvernemental auprès de Macky Sall, successeur de son ancienne tête de Turc, le président Abdoulaye Wade.

Depuis 2013 qu’il a hérité, en effet, du projet de rénovation du Building administratif, siège du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly compte les chiffres et s’embrouille dans ses mécomptes au point que d’aucuns se demandent ce qu’il est véritablement advenu de ce si rigoureux journaliste d’investigation et non moins chantre de la bonne gouvernance.

A l’origine, la réhabilitation du Building administratif, situé à l’avenue du président Léopold Sédar Senghor à Dakar, juste en face du Palais de la République, et dont l’ordre de service de démarrage des travaux a été émis le 6 septembre 2013. Il s’agissait de rénover cet immeuble construit sous l’ère coloniale, en 1953, abritant alors le gouvernement de l’Afrique occidentale française (AOF) et qui a hébergé, par la suite, des gouvernements sous les présidents Senghor, Diouf et Wade afin de mettre l’administration dans des conditions optimales de performance. Le 4 octobre 2014, alors ministre de la Culture, Secrétaire général du gouvernement et président du Comité de pilotage de la réhabilitation du Building administratif, Abdou Latif Coulibaly indique dans une lettre adressée aux medias que le marché a été immatriculé et que les travaux de réhabilitation portant sur tous les corps d’état de l’immeuble étaient en cours d’exécution pour un coût de dix-sept milliards de francs CFA. Retenez bien ce chiffre. Un montant prévu pour rénover les 10 étages de l’immeuble qui comporte également 2 niveaux de sous-sol, 639 pièces, 2 restaurants et 174 places de parking. En fait, les travaux, qui ont accusé un retard de trois ans, démarreront seulement en mars 2016 du fait du temps consacré au déménagement des Archives nationales.

Des investigations menées par Africa Check, premier organisme indépendant de factchecking du continent basé à Johannesburg, indiquent pourtant qu’il est répertorié au chapitre des travaux du rapport de 2013 de la Direction centrale des marchés publics (DCMP et au titre «Réhabilitation et extension du Building administratif», l’attribution du marché à Bamba Ndiaye SA, vendeur de carreaux de son état, pour un montant de 30 446 138 298 francs CFA TTC. Abdou Latif Coulibaly, qui sait pourtant manier les chiffres au point d’avoir commis un brûlot sur les « comptes et mécomptes de Karim Wade », l’ancien fils du président Wade alors à la tête de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (ANOCI), réduit ainsi quasiment de moitié un marché qui représentait en réalité le double du coût qu’il a avancé. Dans quel dessein ? Le chantre de la bonne gouvernance est-il piégé par les délices du pouvoir comme l’aurait été un opposant au pouvoir ? Le destin a parfois un côté comique… Mais passons !

Le bienheureux Bamba Ndiaye enfile les avenants à milliards comme d’autres les perles !

Toujours est-il qu’aucun des quatre rapports de 2014 à 2017 de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) ne mentionne la réfection du Building administratif. En 2015, une convention de maitrise d’ouvrage déléguée relative aux travaux et à la supervision du projet de réhabilitation et d’extension du Building administratif de Dakar est attribuée par la Primature/Secrétariat général du gouvernement à l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP) pour un montant de 466 000 000 de francs CFA TTC au titre des prestations intellectuelles. L’année d’après, un marché complémentaire au marché relatif à la réhabilitation et extension du Building administratif a été encore attribué à Bamba Ndiaye SA pour un montant de 2 048 955 508 F CFA TTC.

La même entreprise bénéficiera, en 2017, d’un deuxième avenant sur le même marché pour une valeur de 6 437 545 198 F CFA TTC. Le budget alloué au projet grimpe à un rythme hallucinant si bien que le 28 août 2018, dans ses traditionnelles et percutantes « questions d’actualité », le député Mamadou Lamine Diallo tire la sonnette d’alarme dans un post sur sa page Facebook. « La politique économique, ce n’est pas de l’improvisation. L’exemple le plus édifiant est le Building administratif Mamadou Dia (immeuble servant de siège à plusieurs ministères et services du gouvernement). Sa rénovation va coûter plus de 40 milliards pour un marché initial de 17 milliards de francs CFA », publie le leader de Tekki. D’un coût initial de 17 milliards, le projet serait ainsi à 40 milliards de francs CFA. Un montant qui corrobore les chiffres révélés par Africa Check qui parle d’un coût de 39 milliards 398 millions 639 francs CFA TTC selon des documents officiels consultés et qui remet en cause celui donné par l’argentier de l’Etat.

Abdoulaye Daouda Diallo a en effet soutenu, le 28 novembre 2019, devant le Parlement, que le coût officiel du projet est de 30,4 milliards de F CFA dont une partie financée par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Surtout que le 16 janvier 2019, Abdou Karim Fofana, alors directeur général de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat, s’exprimant lors de la cérémonie d’inauguration de la deuxième sphère ministérielle à Diamniadio, indiquait que la réfection du Building administratif s’élevait à… 40 milliards de F CFA TTC. «Mais, la réalité, c’est que le marché est libellé en TTC, mais il n’est payé qu’en hors taxe», précisait-il à l’époque. Le 30 janvier 2019, le chef de l’Etat réceptionne «un joyau rénové et élargi qui offre un environnement de performance à l’administration sénégalaise », selon le communiqué des services de la présidence de la République. Lesquels renseignent que le nouveau bâtiment garantit une meilleure qualité du service public et une utilisation optimale de l’énergie.

A peine achevé, le bâtiment écologique au coût astronomique, proie des flammes !

L’infrastructure, qui porte depuis lors le nom de l’ancien président du Conseil de gouvernement de la loi Cadre, Mamadou Dia, décédé le 25 janvier 2009 est composé de 10 étages et dispose de 639 pièces, 408 bureaux, 32 salles d’attente, 3 salles de conférences, 9 salles de réunion, 2 restaurants de niveau R1, 12 dortoirs pour le service de sécurité, 53 toilettes individuelles, 61 blocs de toilettes, 12 ascenseurs, 174 places de parking, 23 entrepôts et 67 locaux techniques. « Plus qu’une rénovation de façade.

Le Building a fait l’objet d’une restauration en profondeur privilégiant l’amélioration de la solidité du bâtiment principal ainsi que la sécurisation et la fonctionnalité des locaux dans le respect des normes environnementales et sociales modernes. Ce bâtiment écologique permet une gestion efficace de l’eau mais aussi d’importantes économies d’énergie grâce à son système photovoltaïque d’une puissance électrique de 546 kw. Il dispose en outre d’un système innovant permettant une gestion centralisée et informatisée de toutes les installations y compris la climatisation », se réjouissait le président Macky Sall. Patatras, le jeudi 26 août 2021, une partie du bâtiment est en proie aux flammes. C’est la société française Dooke, chargée de poser des points d’ancrage au toit du bâtiment, qui a causé l’incendie, parti du 10e étage, en soudant avec un chalumeau. Pour des raisons de sécurité consécutives à l’incendie, l’accès au Building administratif Mamadou Dia est déconseillé dans l’immédiat. Conséquemment, une circulaire du Secrétaire général du Gouvernement indique que les bureaux seront fermés le lundi 30 août 2021.

Le provisoire s’éternise puisque, depuis lors, le Building est fermé et les ministères ont de nouveau fait leurs cartons pour re-déménager. Des questions sont posées sur les «conditions opaques» de la procédure de passation du marché avec Dooke qui n’aurait également pas contracté une assurance pour faire face aux réparations des dégâts. Dans un communiqué, le Service de gestion du Building administratif balaie d’un revers de la main les accusations relatives à un marché qui serait passé dans des conditions opaques et soutient qu’il a été passé par la procédure de Demande de renseignements et de prix à compétition restreinte (DRPCR), qui s’applique aux marchés de travaux de l’Etat, dont les montants sont inférieurs à vingt-cinq-millions (25 000 000) F CFA.

Pour ce qui est de l’évaluation des dégâts, le service de gestion du Building administratif renseigne qu’elle était en cours par les services compétents et qu’il serait hasardeux de conclure qu’ils sont estimés à des milliards. Devant l’émission « Jury du dimanche » de la radio Futurs médias (RFM), le 13 mars 2022, Abdou Latif Coulibaly, maitre d’ouvrage du projet, estime à 8 milliards les dépenses allouées pour les travaux de réparation des 3 étages en haut, du 10e étage complètement emporté et la terrasse du 10e étage où se trouvait la centrale solaire. « Donc, il faut calculer la remise en état de la centrale solaire, l’immeuble lui-même, plus la réfection du 9e étage, plus les dégâts au niveau du 8e étage », expliquait l’auteur de Comptes et mécomptes de l’ANOCI.

En définitive, le projet de rénovation du Building administratif Pr Mamadou Dia s’est révélé un véritable gouffre financier sans fin, à coups de milliards, même si son maitre d’ouvrage soutient, pince sans rire, qu’il a coûté 40 milliards avec les bénéfices. Auxquels il faudra ajouter les 8 milliards de réparation des dégâts causés par un incendie survenu sur un immeuble à peine réceptionné ! Incendie provoqué visiblement par une malfaçon…

Comme disent les mauvaises langues, plutôt que de réhabilitation, avec un tel montant on aurait pu construire deux autres buildings neufs ! Le Forum civil, scandalisé par la gestion peu orthodoxe des travaux de rénovation, a plaidé, sans succès, pour la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur cette affaire sans fin qui secoue la République. Une affaire de « comptes et mécomptes » dans laquelle s’est visiblement englué le brillant journaliste d’investigation Abdou Latif Coulibaly !

Le Témoin