NETTALI.COM --L’affrontement actuel, par presse interposée, entre Macky Sall et le clan de Khalifa Sall, sonne comme une prolongation d’un match qui a commencé, il y a quelques années. La suite, tous les Sénégalais la connaissent. Khalifa Sall a été emprisonné pour escroquerie sur des deniers publics lié à l’affaire de la caisse d’avance de la Mairie de Dakar, avant d’être gracié.
Difficile, en effet, de savoir quand cette adversité s’arrêtera entre les maires socialistes de Dakar et le président Sall. Peut-être que l’arrêt se produira le jour où la coalition "Benno Bokk Yaakaar" réussira à enfin contrôler la ville de Dakar qu’elle convoite depuis quelques élections en déployant d’énormes moyens logistiques et financiers. Mais d’ici là, il va falloir faire preuve de patience puisqu'on est qu’au début du mandat de l’enfant terrible Dias. Mais, à la condition que le pouvoir central ne se débarrasse pas de lui avant, en invoquant certaines dispositions du Code général des collectivités locales qui donne la faculté au pouvoir central de mettre une mairie ou conseil départemental sous délégation spéciale lorsque son dirigeant outrepasse ses prérogatives ou est coupable de certains manquements.
Dans cette affaire, et comme souvent, ce sont des textes de lois qui sont brandis pour démontrer une violation. Entre autres, ce décret 2020-30 du 8 janvier 2020 relatif aux organigrammes types des collectivités territoriales qui prévoit que les maires n’ont plus le droit de recruter comme ils le faisaient car ce texte liste de manière limitative les postes qui peuvent être pourvus. Un texte que l’on dit dans le circuit depuis 2 ans.
Les arguments selon lesquels la mairie est un démembrement de l’Etat, que la caisse de la mairie dépend de l’Etat, sans oublier le maire qui est lui-même un employé de l’Etat, sont invoqués ; la corrélation est d’ailleurs faite avec la situation d’un capitaine Touré, agent de l’Etat radié (même si sa radiation n’est pas définitive par le simple fait d’un pourvoir en cassation), puisse être à son tour recruté par un démembrement de l’Etat, est tout aussi repris.
L’on avance également que la ville de Dakar en dehors du fait qu’il doit soumettre des actes de nomination au représentant de l’État compétent, aurait l’obligation de respecter d’autres formalités, notamment la saisine du conseil de ville, ainsi que la notification desdits contrats à l’inspection du travail.
De même, est posée la question des attributions du capitaine Touré quant à ce poste de conseiller technique en charge de la sécurité qui, semble-t-il, est non seulement du domaine de l’État central, mais aussi ne figure pas dans l’organigramme de la mairie. Bref autant de griefs contre cette décision de nomination.
Il y aura de toute façon, toujours et toujours au Sénégal, ces imbroglios juridiques sans fin dans lesquels seront toujours floués les Sénégalais dans le but d’habiller et de poser des actes. Ah le droit, qu’est-ce qu’il cause des soucis sous nos cieux !
Papa Mahawa Diouf, le coordonnateur de la Cellule de communication de Benno Bokk Yaakaar, est d’avis qu’il s’agit là de la part de Barthélémy, d’une manœuvre politicienne, dans le seul but de distraire les Dakarois sur l’inaction de la nouvelle équipe municipale. Aussi, a-t-il salué la mise en garde du président Macky Sall qui s’est engagé à faire respecter le cadre légal et réglementaire qui régit la Fonction publique locale.
Mais on imagine mal que Barthélémy Dias se laisser conduire à l’échafaud sans broncher. Il a averti au cours d'un face à face avec la presse, jeudi 5 mai, que "Capitaine Touré travaillera à la mairie de Dakar." Il a dans la foulée fait remarquer que "pour se battre, il faut être deux". Ajoutant que pour lui, que "la bataille, c'était en janvier" et il l'a emportée". Et Barthélemy Dias, de préciser : "maintenant, ma bataille actuelle, ce sont les préoccupations des populations de Dakar." "Libre à ceux qui veulent comploter de continuer à le faire. Libre à ceux qui veulent parler de continuer à le faire", dit-il. Non sans avertir : "Nous sommes déterminés à aller vers l'essentiel, quel qu'en soit le prix." Aussi, a t-il abordé la question des projets pour la ville de Dakar qu'il qualifie de "capitale agressée, balafrée et combattue", mais qui "restera debout", annonçant au passage, un programme de 20 milliards de francs pour refaire la voirie urbaine de Dakar. A cela, il a ajouté de nombreux autres projets dans le volet social, allant notamment du soutien aux démunis, aux étudiants, aux personnes handicapées. Il ne compte d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’il va saisir le Bureau de l’Organisation internationale du travail, mais également les centrales syndicales.
Des menaces de Macky Sall, de destituer tout maire qui ferait des recrutements en dehors des organigrammes-types des collectivités territoriales, que le 1er adjoint, Abasse Fall de Pastef, voit d’un mauvais œil et assimile à un acte de « désespoir » et de la « rancœur », suite aux défaites enregistrées lors des locales. Selon le Pastéfien, Macky Sall refuse d’admettre « que lui-même est sous révocation » puisque « l'acte le concernant a été déjà décrété et établi» et qu’ «il ne reste que la signature finale du peuple qui se fera en 2024. »
Tout se passe en effet comme si l'ombre de Khalifa Sall planait encore à la ville de Dakar avec ce refus historique de l’ancien maire de faire des concessions face à un pouvoir central qui ne voulait pas le voir réaliser certains projets, au point de les bloquer ; et même jusqu’à cet emprunt obligataire pour les financer. Peut-être que Khalifa Sall aurait collaboré avec le pouvoir qu’il ne se serait pas retrouvé à Rebeuss ?
Mais dans tous les cas, il va falloir que Barthélémy Dias surveille ses arrières et fasse preuve d’un peu plus d’intelligence et de tact pour ne pas se faire avoir dans ce rapport de forces où le pouvoir central arrive si souvent à ses fins, sans toutefois s’embarrasser du qu’en dira-t-on. Mais pour qui le connaît bien, il sera bien difficile de le voir céder sur le terrain de la menace.
Il a vraiment du mal avec l’adversité, le président Sall ! Mais surtout à laisser respirer ceux qui se mettent au travers de son chemin. Et c’est pourquoi, il n’entend pas laisser passer l’affront que lui a fait l’enfant terrible Barth qui a commis l'outrecuidance d'avoir recruté le capitaine Touré, que l’Institut Africain de Management (Iam) sous pression du ministère de l’enseignement supérieur, a vite fait de se débarrasser. Guy Marius Sagna également.
Mais la question au finish que l’on devrait se poser, est de savoir si Macky Sall est vraiment exemplaire sur la question des nominations pour vouloir sanctionner tout ce qu’il considère comme une violation ? C’est en effet connu qu’il a une tendance à des nominations à la pelle. Et même si la loi lui autorise de nommer aux emplois civils et militaires, il y a de quoi s’interroger sur le caractère éthique et économique de ses actes. Entre les ministres-conseillers, les chargés de mission et les conseillers bien trop nombreux et la pléthore de ministres, difficile de savoir où s’arrête la liste de son entourage longue comme un fleuve. Difficile en effet de savoir qui est ministre et qui ne l’est pas, les Sénégalais finissent par se perdre et à ne plus donner de la valeur à ces titres. Un nombre limité de personnes nommées, compétentes et efficaces, aurait sans doute permis de soulager les maigres deniers des Sénégalais harassés par la flambée des prix et un pouvoir d’achat réduit à peau de chagrin. L’exemple le plus choquant est sans doute la récente nomination de Bamba Fall qui n’a eu de mérite que d’avoir rejoint Benno Book Yaakaar, suite à une logique de débauchage tous azimuts qui se fait au vu et au su de tous les Sénégalais, en usurpant dans la foulée, les suffrages de ceux-là qui ont voté pour les coalitions de l’opposition. Il y a de quoi rire à entendre Macky Sall parler de lois !
De même combien d’institutions budgétivores ont été créées : entre le Hcct et le Cese, il y a à se poser des questions sur leur utilité si ce n’est de caser Aminata Mbengue Ndiaye du Parti socialiste et Idrissa Seck de Rewmi, qui au passage ne lui rapportent plus grand-chose au plan politique.
Doit-on tout sacrifier à l’autel de la politique politicienne ? Assurément non. La vérité est que Macky Sall a vraiment du mal, et de manière permanente, à respecter les règles du jeu électoral et démocratique : entre le parrainage non maîtrisé et interdit sous la forme actuelle par la Haute cour de justice de la Cedeao, l’exorbitante caution de 15 millions de francs, le débauchage d’opposants, la rétention des cartes, sans oublier la réduction du nombre de députés de la liste proportionnelle (source de pluralité à l’hémicycle) tout en augmentant la liste majoritaire et les sièges de certains départements (avec pour objectif de causer de grandes difficultés à l’opposition au regard des résultats des élections locales) etc, il est mal venu de la part du président Sall, de devoir soumettre l’opposant Dias et bien d’autres, au respect des règles.