NETTALI.COM - Les nouveaux ministres français des Affaires étrangères et des Armées, Catherine Colonna et Sébastien Lecornu, prennent leurs fonctions dans un contexte diplomatico-militaire sans précédent depuis des décennies, à l'heure où la guerre fait rage en Europe.

Secoué par deux putschs en août 2020 et mai 2021, le pays, dirigé par une junte militaire, a progressivement coupé les liens avec la France et les autres pays européens engagés militairement sur son sol, et s'est tourné vers la Russie via le sulfureux groupe de mercenaires Wagner.

Les relations avec Bamako se sont progressivement détériorées ces dernières années jusqu'à devenir exécrables et aboutir à l'annonce du retrait du pays de la force antijihadiste Barkhane, après neuf ans de présence militaire française au Mali.

Cette très lourde et complexe opération logistique, qui doit s'achever en août, figure parmi les dossiers prioritaires du nouveau ministre des Armées Sébastien Lecornu qui succède à Florence Parly, alors qu'environ 4.500 militaires français sont encore déployés au Sahel, dont plus de 2.000 au Mali.

"Nous ne tolérerons pas que le désengagement de nos forces se fasse sous la menace. Le message a été passé de façon extrêmement claire", a affirmé à l'AFP la ministre sortante, alors que les drones français ont récemment surpris des paramilitaires russes de Wagner en train d'enterrer des corps à proximité d'une base tout juste quittée par les Français, en vue de les faire accuser de crimes de guerre.

Inconnu du monde des armées, le nouveau ministre, fidèle soutien d'Emmanuel Macron devra également superviser la réorganisation des forces françaises en Afrique de l'Ouest, dans une logique de partenariats plus discrets contre la menace jihadiste.

- budget à défendre -

L'autre grand défi du nouveau locataire de l'Hôtel de Brienne sera budgétaire. Après de longues années de déflation de l'enveloppe allouée aux Armées, celle-ci n'a cessé d'augmenter depuis 2017 et la loi de programmation militaire 2019-2025 "a été respectée à la lettre", se félicite Florence Parly.

Mais l'effort le plus important prévu par la loi de programmation militaire (LPM) est censé être consenti à partir de 2023, avec des "marches" annuelles de 3 milliards d'euros à franchir pour atteindre 2% du PIB dans trois ans.

Et si la montée des menaces justifie la poursuite de cette remontée en puissance des armées, "des arbitrages devront être réalisés" au vu de la dégradation des finances publiques, sous le coup de crise sanitaire, a récemment prévenu la Cour des Comptes.

Or l'aptitude des armées françaises à conduire dans la durée un combat de haute intensité n'est pas encore restauré.

Une des missions du ministre de 35 ans sera aussi d'appuyer les exportations d'armement. Ces vente ont atteint un montant record de 65 milliards d'euros ces cinq dernières années et sont jugées primordiales pour assurer l'équilibre budgétaire des programmes d'armements français.

Sur le plan industriel, Sébastien Lecornu devra remettre enfin sur les rails les coopérations industrielles engagées avec l'Allemagne en 2017 et en souffrance depuis de nombreux mois.

Les projets de futur avion de combat (Scaf) et de char de bataille (MGCS), présentés comme essentiels au maintien d'une base industrielle européenne compétitive à long terme, sont encalminés dans des rivalités entre industriels sur le partage des tâches.

De son côté, Catherine Colonna va devoir gérer la grogne des personnels du Quai, inquiets de la réforme prévoyant la fin du corps diplomatique dont la ministre est issue. Fait rarissime, un appel à la grève a été lancé au ministère pour le 2 juin.
(AFP)