NETTALI.COM - Avant d'être déféré au parquet ce jeudi, Khassimou Bâ, le présumé meurtrier de Fatou Kiné Guèye, a subi l'épreuve de la reconstitution des faits. A l’intérieur de l’agence de transferts d’argent, il a craqué, pleurant à chaudes larmes, particulièrement lorsque sur injonction ferme du commissaire Bara Sangharé, patron de la Sûreté urbaine, il a refait, un après un, ses actes de vendredi dernier, dans l’agence de transferts d’argent «Etablissements Mansour Sy».
A 10 heures 25 minutes, ce mardi, toute la foule est évacuée de la rue 10 de Pikine, fermée provisoirement à toute circulation. Tenue à bonne distance par un imposant dispositif composé d’éléments du Groupement Mobile d’Intervention (Gmi), c’est de loin que les populations vont assister à l’arrivée de plusieurs véhicules banalisés de la police, dont un de couleur grise à bord duquel Khassimou Bâ, tout de noir vêtu, a pris place, bien encadré par les éléments de la Sûreté urbaine (Su).
Toute la crème de la police qui a piloté cette affaire était présente : le commissaire Arona Bâ de la police de Pikine, son collègue Alpha Omar Bâ présent dès les premières heures de la découverte du corps sans vie de Fatou Kiné Guèye. Tout ce dispositif chapeauté par le patron de la Sûreté urbaine, le commissaire Bara Sangharé, a permis d’extraire très rapidement Khassimou Bâ du véhicule sans que la foule ne s’en aperçoive. Il était dix heures cinquante-cinq minutes.
Privée de la silhouette de Khassimou Bâ, la foule s’est rattrapée par des huées qui ont vibré longuement sur la rue 10 «Assassin ! Assassin ! Raykatou Nit…», ont répété en chœur les populations de Pikine-Nord, sans compter celles qui ont quitté les autres coins de la banlieue pour ne rien rater de la reconstitution des faits.
Un mannequin à la place de la victime
A l’intérieur de l’agence de transferts d’argent, ce fut une autre épreuve pour Khassimou Bâ. D’abord il a beaucoup hésité au moment de franchir le portail qui isolait la gérante des clients venus faire un dépôt ou un transfert. L’endroit semble le hanter encore et lui rappelle trop de mauvais souvenirs. Comme une bête qui hésite et refuse au moment de sa conduite à l’abattoir. Puis sous le crépitement des appareils photos des éléments de la police scientifique et technique, il est conduit sous bonne garde dans le box où un mannequin avait été déjà installé sur le siège qu’a toujours occupé la défunte Fatou Kiné Gaye.
Face aux enquêteurs, il explique d’abord être venu une première fois dans l’après-midi du vendredi 20 mai 2022, pour approvisionner l’agence à hauteur de 5,5 millions FCfa, mais qu’il a décidé de ne verser que 2 millions FCfa, gardant ainsi par devers lui 3,5 millions. Dans son sac, Khassimou a révélé, pendant la reconstitution d'hier, qu'il avait dissimulé également un couteau, un masque chirurgical et une casquette. Après avoir versé les 2 millions que la gérante Fatou Kiné Gaye a bien mentionnés dans le livret comptable, Khassimou, comme pour noyer le poisson, lui demande de lui accorder un prêt de deux cent mille FCfa parce qu’il a un besoin d’argent urgent.
Lorsque la caissière a refusé, Khassimou sort de l’agence et se met à l’affût non loin, guettant le moment opportun pour passer à l’acte qu’il avait déjà planifié. Au bout de quelques minutes, il est à nouveau entré dans l’agence, mais il sera vite dissuadé par la présence d’une dame venue faire une transaction. Il va à nouveau patienter dehors attendant la sortie de la dame. Et lorsqu’il entre à nouveau dans l’agence, il avait une casquette sur sa tête et un masque chirurgical qui lui couvrait le nez jusqu’aux yeux. La suite, Khassimou l’a expliquée au pool d’enquêteurs présents hier lors de la reconstitution des faits dans l’agence de transferts d’argent : «Je me suis dirigé vers elle d’un pas décidé, alors qu’elle avait le dos tourné. Elle était penchée sur sa caisse. Elle ne m’a pas vu venir. Je lui ai d’abord donné un coup de couteau au pied puis à la cuisse. Elle a crié, j’ai visé l’abdomen...»
Selon Khassimou, la gérante a beaucoup crié pendant qu’il continuait de s’acharner sur elle à coups de couteau. Des cris, des appels au secours qui ont été couverts par le vacarme dans la rue à cette heure de la journée. Après ce récit, les enquêteurs lui remettent un gadget épousant la forme d’un couteau et lui demandent de montrer exactement comment il s’y est pris pour tuer la gérante Fatou Kiné Guèye.
Les 37 coups de couteau et les chaudes larmes de Khassimou
Arrive alors le moment le plus difficile pour Khassimou qui, après plusieurs hésitations, s’empare du couteau factice pour refaire les gestes. Un exercice compliqué pour Khassimou qui, au bout de quelques coups portés au mannequin, en visant bien l’abdomen, craque, pleurant à chaudes larmes. Dans l’agence, l’atmosphère devient lourde. Puis les policiers lui demandent de passer à l’étape suivante pour montrer comment il a enjambé le corps de la défunte pour puiser à deux mains dans la caisse, avant de vider les lieux, après avoir enlevé le masque, tout en gardant la casquette bien vissée sur la tête, le couteau tachetée de sang jeté dans le sac qu’il portait en bandoulière.
La reconstitution des faits qui a démarré à 10 heures 55 minutes, à l’intérieur de l’agence de transferts d’argent, s’est terminée à 11 heures 40 minutes. Soit trois quarts d’heure pendant lesquels aucun incident n’a été noté. A sa sortie pour être reconduit à la Sûreté Urbaine nichée au commissariat central de Dakar, Khassimou Ba a de nouveau essuyé des hués, avant que le cortège de la police ne s’ébranle vers la sortie de Pikine, laissant derrière lui une ville meurtrie, choquée et qui continue de s’interroger sur un crime d’une barbarie inouïe.