CONTRIBUTION - Le prétendu rejet des listes de Benno Bokk Yakaar et de Yewwi Askan Wi n’est que le dernier avatar d’une longue et lugubre série, qui caractérise le mode de gestion des processus électoraux par le pouvoir actuel. Il est vrai que, depuis les présidentielles de 2007, qui avait vu la réélection du président Wade au premier tour, son directeur de campagne d’alors, à savoir Macky Sall, a acquis une réputation de prestigidateur électoral, à cause des tripatouillages du fichier électoral, qui avaient, à l’époque, fait évoquer l’intervention de djinns.
Depuis son accession au pouvoir, il a ajouté à son expertise en fraudes électorales, l’instrumentalisation de l’appareil d’État (Justice, Ministère de l’Intérieur...) et la caporalisation des organes de régulation (CENA, CNRA...), pour écarter des adversaires jugés encombrants. Partisan inconditionnel du tristement célèbre slogan “On gagne ou on gagne”, le ci-devant président de Bokk Yakaar a fini de défigurer notre processus électoral, avec lequel, les vénérables généraux Cissé
et Niang avaient réussi à nous réconcilier, en le transformant en un saut d’obstacles, sans cesse plus complexe et plus ardu. Pour ce faire, il agit au niveau des différentes étapes du processus électoral :
- en favorisant l’inscription massive des militants et sympathisants de la coalition présidentielle sur les listes électorales,
- en agissant sur la désignation et la validation des candidats et listes de l’Opposition (comme on l’a vu lors des présidentielles de 2019, des locales de janvier dernier et des législatives en vue),
- en empêchant les opposants d’accomplir leur droit de vote (retard à l’impression des cartes électorales, changement inopiné de lieu de vote...)
Finalement, les organes de supervision, les observateurs électoraux, la presse n’interviennent que dans la phase de vote et de décompte des bulletins – alors que le mal est déjà fait - et ce surtout dans les zones urbaines. Ils s’empressent alors de délivrer un satisfecit aux “Arsène Lupin de la politique”, qui foisonnent
dans les organismes de gestion électorale, avec le fallacieux prétexte d’absence de fraudes ayant entaché
la sincérité du scrutin.
Au fil du temps, ces différentes manoeuvres frauduleuses s’avèrent de moins en moins efficaces pour juguler le profond désir de changement, qui anime les peuples africains, dont le nôtre, surtout l’électorat jeune en pleine expansion. C’est alors que les concepts de parité électorale et de parrainage citoyen, vont être agités par les politiciens libéraux au pouvoir dans notre pays depuis 2000, non pas par conversion subite aux idéaux de l’égalité hommes – femmes ou de
responsabilisation citoyenne, mais surtout pour se maintenir au pouvoir.
C’est ainsi que le président Wade, va instaurer la parité pour gagner les faveurs de l’électorat féminin et obtenir ce troisième mandat tant convoité. Son successeur poursuivra dans la même logique, d’autant que l’expérience a prouvé que la parité avait un effet déstabilisateur sur la confection des listes de l’Opposition, lors des différentes joutes électorales, la demande d’investitures étant beaucoup plus forte que l’offre.
En effet, les coalitions de l’opposition n’ont pas, à l’instar du camp de la majorité, d’énormes possibilités d’accorder des lots de consolation aux non-investis.
Quant à Macky Sall, hostile à l’idée de bulletin unique, il sera l’inventeur d’un système de parrainage soi-disant citoyen, très contraignant et sélectif, arme déloyale, dont l’unique fonction est d’empêcher la dispersion du vote, tout en éliminant des adversaires politiques gênants, sur des bases arbitraires et opaques.
On voit donc que le parrainage et la parité, au lieu de s’inscrire dans une perspective de rationalisation du jeu politique ou de promotion de la condition féminine, sont utilisés comme des paravents derrière lesquels se cache une autocratie pétrolière en gestation. Les derniers développements de l’actualité témoignent de la déliquescence de notre système électoral ayant subi les contrecoups de tripatouillages multiples, aussi bien de la constitution que du code électoral.
Le “crime” du parrainage, loin d’être parfait, a donné naissance à un imbroglio inextricable et plein d’incertitudes pouvant conduire non seulement à une élection vidée de tout son sens par l’invalidation des deux principales listes concurrentes, mais aussi à des confrontations politiques incontrôlées aux allures de putsch militaire. Ce risque est d’autant plus réel que le président de la République semble jeter de l’huile sur le feu, en entretenant le flou sur sa volonté de briguer un troisième mandat, par la confiscation de l’appareil d’état et l’enrôlement de tailleurs constitutionnels et autres mercenaires du Droit, qui ont fini de
pervertir les sciences juridiques dans notre pays.
Face à ces risques grandissants pour la paix civile, l’ensemble des forces d’opposition doivent faire bloc pour s’opposer à une dictature rampante, en cessant de faire dans un équilibrisme de mauvais aloi.
NIOXOR TINE