NETTALI.COM - Afrikajom Center, Article 19 Afrique de l’Ouest, Amnesty international Sénégal, Raddho, Y'en a marre, Agissons Ensemble, Cosce, Gradec, Imagine Africa, la Ligue Sénégalaise des droits de l’homme (Lsdh) et Pacte sont les onze organisations de la société civile sénégalaise qui ont signé la lettre de saisine du rapporteur Spécial des nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association. Elles jugent inadmissible la privation à une certaine opposition, en l’occurrence la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw), de son droit de manifester et déplorent les conséquences fâcheuses de cette interdiction.
Le contentieux Yewwi Askan Wi (Yaw) et Etat du Sénégal relatif au droit de rassemblement pacifique à manifester, est en train d’être internationalisé par onze organisations de la société civile sénégalaise parmi lesquelles Afrikajom Center d'Alioune Tine. Celles-ci ont en effet saisi le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies (Onu) sur le droit de réunion pacifique et d’association afin de lui faire part de la situation dans le pays, suite à l’interdiction de rassemblement à Yaw le 17 juin dernier. Elles ont ainsi invité Clément Nyaletsossi Voule à agir et surtout à organiser une mission au Sénégal dans le but de prendre connaissance de cet état de fait et pouvoir mettre fin aux graves atteintes au droit de réunion pacifique.
Selon Alioune Tine et Cie, le droit de réunion pacifique est garanti par l’article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par l’article 21 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. En ce qui concerne la liberté d’expression qui est inséparable de la liberté de réunion pacifique, elle constitue une liberté fondamentale reconnue par les articles 8 et 10 de la Constitution du Sénégal, ont-ils ajouté dans leur communiqué.
Ils rappellent en effet que la manifestation du 17 juin 2022, organisée par la Coalition Yewwi Askan Wi a été interdite par le Préfet de Dakar. Et que cette interdiction a été entérinée par le juge des référés. Ce qui a donné lieu à des manifestations populaires qui ont été violemment réprimées.
"Le bilan des violences des forces de sécurité fait état de quatre morts, d’un nombre indéterminé de blessés et de plus de 250 détenus dont deux maires et trois députés détenus arbitrairement en dépit de la protection que leur confère leur immunité parlementaire", déplorent les différentes organisations de la société civile sénégalaise signataires de la lettre de saisine adressée au rapporteur spécial de l’Onu.
Les griefs contre le Préfet
Depuis sa constitutionnalisation en 2001, soulignent-elles, la force de la dimension constitutionnelle que revêt la liberté de manifestation n’est plus à démontrer. A les en croire, la reconnaissance d'un régime déclaratif de la manifestation relève de l'évidence, ce qui dispense de toute autorisation préalable au libre exercice d’un tel droit. C’est pourquoi, rappellent-ils, l’article 8 de la Constitution du 22 janvier 2001 dispose : "La République du Sénégal garantit à tous les citoyens la Liberté de Manifestation".
Par ailleurs, il a été invoqué dans la lettre adressée à Monsieur Voule l’article 10 de la charte fondamentale qui précise : "Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la Marche Pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public".
Par conséquent, Alioune Tine et Cie estiment que ce sont donc des droits incontestables fondés sur une obligation de l'État. "Ce n’est ni plus ni moins qu'une question de droits et libertés fondamentaux", renchérissent ATine et Cie. Ils rappellent en outre que l’article 14 de la loi n°78-02 du 29 janvier 1978 relative aux réunions dispose que l’autorité administrative peut interdire une manifestation publique que si deux conditions cumulatives sont réunies : "D’une part, qu’il existe une menace réelle de troubles à l’ordre public ; d’autre part, que l’autorité ne dispose pas de forces de sécurité nécessaires pour protéger les personnes et les biens."
C’est pourquoi ils soutiennent que le Préfet ne peut recourir à ses pouvoirs de police administrative qu'en cas de risques avérés et non simplement hypothétiques de troubles à l'ordre public et d’indisponibilité avérée des forces de l’ordre (deux éléments cumulatifs et suffisants, et non alternatifs, exigés par la loi et la jurisprudence constante de la Cour suprême).
Cependant, ils font constater que l’arrêté du Préfet de Dakar portant interdiction de la manifestation du 17 juin, en son article 1er, vise uniquement des "menaces de troubles à l’ordre public".
Or, concluent-ils, la jurisprudence constante de la Cour suprême sanctionne d’illégalité manifeste tout arrêté du Préfet qui interdit un rassemblement pacifique en invoquant ou en se fondant sur la seule condition de "menaces de troubles à l’ordre public".