NETTALI.COM – L’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar, par le biais de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), a reçu en legs la bibliothèque personnelle de l’universitaire et homme politique sénégalais Abdoulaye Ly (1919- 2013), constituée de plus de 1.500 livres, a constaté l’APS, mercredi.
La cérémonie de réception des ouvrages s’est déroulée en présence des membres de la famille du défunt donateur, du recteur de l’UCAD, Ahmadou Aly Mbaye, d’amis et anciens compagnons d’Abdoulaye Ly. La bibliothèque comprend, en plus des documents physiques, des ouvrages numérisés d’une capacité de 50 gigas. Le don fait à l’UCAD est constitué d’ouvrages de sciences humaines et sociales, de politique et d’économie, de sciences et de technologies, a-t-on appris lors de leur réception par l’IFAN. Des archives historiques et des matériaux utilisés par le professeur Abdoulaye Ly pour ses recherches publiées entre 1955 et 2008 en font partie. La traite négrière, l’histoire politique et sociale du Sénégal, la colonisation, le panafricanisme et la construction de l’Etat-nation en Afrique figurent parmi les sujets de prédilection de l’universitaire et homme politique décédé en 2013. “Ce legs (…) est éminemment généreux’’, s’est réjoui le recteur de l’UCAD. Abdoulaye Ly a “radicalement’’ transformé le statut du chercheur africain, a témoigné, par ailleurs, le professeur Ahmadou Aly Mbaye, faisant notamment allusion au mémorandum adressé par le célèbre universitaire, en 1952, au directeur de l’IFAN de l’époque, Théodore Monod, pour fustiger le traitement qu’il jugeait discriminatoire envers les assistants de recherche africains. Abdoulaye Ly estimait que leurs collègues venus de la France étaient privilégiés.
L’historien sénégalais a introduit des “sujets novateurs’’ dans le domaine académique, selon M. Mbaye, qui le décrit comme un homme “éloigné des certitudes et des affirmations sans fondement’’.
Selon Cheikh Ly, fils du défunt universitaire, la remise de la bibliothèque de son père à l’UCAD est un “projet familial’’ en gestation depuis 2017. “Il s’agit de protéger et de transmettre ce que le professeur avait de plus cher, à savoir [ces ouvrages] qu’il a pu rassembler lors de ses pérégrinations scientifiques et académiques’’, at-il dit, rappelant qu’Abdoulaye Ly a déroulé sa carrière de chercheur à l’IFAN, de 1951 à 1977.
Né le 25 février 1919 à Saint-Louis du Sénégal, le célèbre intellectuel et homme politique sénégalais a obtenu le baccalauréat en 1938 et est allé poursuivre des études supérieures en France, où il a été confronté à la Deuxième Guerre mondiale. Abdoulaye Ly fut le premier Sénégalais à obtenir un doctorat d’Etat en histoire. Sa thèse avait pour titre : “L’évolution du commerce français d’Afrique noire dans le dernier quart du XVIIe siècle : La compagnie du Sénégal de 1673 à 1696’’. Cette thèse et les multiples travaux qu’il mènera plus tard le positionnent comme une figure éminente de l’histoire de la traite négrière. “Son œuvre déblaie le terrain aux travaux d’éminents chercheurs comme Samir Amin, Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily, entre autres’’, rappelle un document distribué lors de la cérémonie.
Sa carrière politique fut marquée par un militantisme idéologique et anti-impérialiste, au sein du Groupement africain de recherches économiques et politiques et de la structure chargée de l’animation de la Fédération des étudiants d’Afrique noire. De retour au Sénégal, Abdoulaye Ly adhère au Bloc démocratique sénégalais avant de fonder le Parti pour le regroupement africain Section Sénégal en 1958, avec des camarades. Plus tard, en 1966, il adhère à l’Union progressiste sénégalaise. Abdoulaye Ly s’est retiré ensuite de la vie politique et du gouvernement sénégalais au début des années 1970. “Son expérience politique et son ancrage dans la gauche font d’Abdoulaye Ly une figure emblématique pour les jeunes générations sénégalaises de gauche des années 1980. Il a cheminé, de 1982 à 1992, avec le parti And Jëf’’, rappelle le document. “Ses idéaux sur le plan intellectuel et politique se confondent en ayant pour dénominateur commun un inlassable engagement pour l’émancipation des peuples africains. Idéaux qui se reflètent sur les préoccupations majeures de la vie et de l’œuvre de l’homme’’, ajoute la même source. Le professeur Abdoulaye Ly a dirigé la section histoire de l’Institut fondamental d’Afrique noire, qui sera rattaché plus tard à l’université Cheikh-Anta-Diop. Il fut fondateur et conservateur du Musée historique de l’Afrique-Occidentale française de Gorée, puis directeur adjoint de l’IFAN en 1955. L’universitaire fut ministre de la Production (1957-1958), puis de la Santé (1966-1970).