NETTALI.COM - « J’ai mis en place un centre moderne à Diamniadio, mais les besoins de la Tabaski et les mouvements intérieurs font que les routes sont chargées. Nous avons voulu garder nos hôtes ici à Dakar, mais je pense que le protocole doit régler définitivement ce genre d'incidents qui n'est pas tolérable». Telle est la phrase lancée Macky Sall à l’endroit de l’assistance. Une manière sans doute de justifier le mauvais choix d’avoir organisé un évènement d’une telle envergure dans un hôtel de Dakar, incapable à priori de faire démarrer automatiquement un groupe électrogène, en cas de coupure d’électricité par la Senelec.
Le sommet des chefs d’Etats et de gouvernement de l'Association internationale de développement de la Banque mondiale (IDA-20), au cours duquel a eu lieu l’incident, consacre en effet l’appui des institutions de Bretton Woods pour le financement des effets cumulés de la pandémie de Covid 19 et de la guerre en Ukraine. Il a eu lieu en présence de chefs d’Etats de la sous-région, tels que les Présidents gambien et bissao guinéen, de hauts responsables de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI).
Un évènement qui n'était pas à priori le lieu pour aborder des questions de protocole qui relèvent de la cuisine de ses services. Improviser, n’est pas à dire vrai un des points forts de Macky Sall. C’est pourquoi il devrait s'évertuer à éviter de prendre la parole de manière intempestive, sous le coup de la colère. Ses coups de gueule qu’il affectionne tant, ne lui réussissent en réalité presque jamais.
Dans cette volonté de dissiper l’incident, Macky Sall est passé à côté de l’essentiel avec des explications tout simplement tirées par les cheveux. L’argumentaire ne convainc personne, pas même le plus naïf des Sénégalais.
Là où le président de la république s’enfonce vraiment, c’est lorsqu’il assène tout de go qu’on n’a pas la culture de la sanction au Sénégal. Ce qui revient tout simplement à se ridiculiser devant ses hôtes qui concourent au financement de son économie. Quels signaux leur adresse-t-il, si ce n’est de leur dire que leur argent n’est pas entre de bonnes mains car on ne sanctionnerait pas assez en Afrique.
Mais à la vérité, il n’est nullement question d’Afrique ici, mais plutôt du Sénégal. Que Macky Sall parle plutôt pour lui au lieu de généraliser en évoquant les pays africains. Ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de ses hôtes africains présents ! N’est-ce pas le président Sall himself qui s’est toujours vanté d’avoir mis sous le coude sur des dossiers de dignitaires épinglés dans le cadre de missions d’audit et de contrôle ? Certains propos sont lourds de sens et suivent leur auteur à la trace. Il ne les aurait jamais prononcés s’il savait qu’il allait être rattrapé par cet aveu à chaque fois qu’il sera question de justice.
De plus, le prétexte des routes encombrées, ne peut en aucun cas prospérer, car il est connu que les délégations officielles sont toujours escortées par des motards qui leur fraient le chemin. Et lorsque le président se déplace, ce sont tous les Dakarois qui se trouvent bloqués. Organiser un tel évènement à Dakar, en oubliant un ouvrage tel que le Centre de conférence Abdou Diouf qui a coûté des milliards, n’est rien d’autre que du gaspillage de ressources. Une telle rencontre à Dakar crée en réalité plus de désagréments aux populations que lorsqu’elle se tient à Diamniadio. Allez demander à ceux qui vivent ou travaillent aux Almadies ce qu’ils ont vécu le temps que cette rencontre se tienne. L’inconvénient reste finalement le même. N'a-t-il pas par exemple créé le 7 juillet dernier, des embouteillages récemment en allant présenter ses condoléances à la famille de Madieyna Diouf, à Liberté 5, cet ancien compagnon de Moustapha Niasse.
Tout ce manque de précautions dans le langage est bien dommageable pour la gouvernance Sall et montre à quel point nos dirigeants sont loin d’être concernés par la réalité vécue par les Sénégalais. Se plaindre pour une coupure de quelques minutes, il ne fallait certainement pas le faire devant ses hôtes, question de linge sale qui ne devrait se laver qu’en famille. Il y va en effet de la crédibilité et de l’image du Sénégal qui s’est pourtant inscrit dans une logique d’émergence d’ici 2035. Macky a pris le parti de pousser un coup de gueule et de crier sa colère juste pour tenter de se sauver la face, face à une telle incurie en dépit de tous les efforts déployés pour vendre une image surfaite du Sénégal.
Le récent black-out ou plus exactement la coupure générale au niveau national était bien plus grave puisqu’il avait mis tout un pays à l’arrêt. A-t-on entendu le président piper mot ? C’est comme si en réalité rien ne s’était passé. Les Sénégalais passeraient au second plan, les investisseurs eux, sont bien plus importants pour qu’on interrompe leur discours !
Bitèye se précipite et chamboule tout
Pris de panique par la perspective d’une sanction annoncée par le président de la république – on ne sait contre qui d’ailleurs - le Directeur général de la Senelec n’a rien trouvé de mieux à faire que de chambouler la direction principale des réseaux (qui intègre à la fois la distribution de l’énergie vers les industries et les ménages) et le transport de l'énergie.
Le syndicaliste Habib Aïdara, d’habitude si conciliant avec le DG Papa Mademba Bitèye, comme pour minimiser la responsabilité de ce dernier et l'incident en question, y est allé de son commentaire sur la TFM : "la réaction du président se comprend aisément dans la mesure où il y avait la présence du président de la Banque mondiale. Mais ce que nous n'avons pas apprécié, c'est le manque de respect vis-à-vis des Sénégalais. Parce que les Sénégalais qui s'acquittent de leurs obligations contractuelles font souvent face à des coupures intempestives d'1 heure de temps. La coupure de l'autre jour n'a duré que 30 secondes et ces Sénégalais n'ont jamais droit à des excuses ou à des explications. Dans l'exploitation d'un système électrique, il est tout à fait normal qu'il y ait des dysfonctionnements. Mais un dysfonctionnement de 30 secondes ne devait pas le mettre dans cet état là. Nous, nous pensons que le président de la république devrait être beaucoup plus indulgent, compte tenu de tous les résultats qu'il a eus dans le secteur depuis qu'il est à la tête. Déjà au niveau de Senelec, on a suffisamment sanctionné. "
Des sanctions qui ont toutefois permis de nommer un nouveau directeur principal des réseaux, en la personne d'Abdelkader Kane, depuis ce jeudi 7 juillet. Ce brillant ingénieur qui n’était plus dans les plans de Bitèye jusqu’à un retour récent - parti qu’il était faire valoir ses talents à la société Excellec de feu Pape Ali Guèye -, est revenu par la grande porte. Difficile de savoir si le directeur général lui-même maîtrise l’organisation qu'il a lui-même mise en place. C'est bien connu qu'il a géré la Senelec depuis son arrivée avec un groupe restreint avec la conséquence d'avoir mis de côté des cadres compténts.
Il a avec cet incident opéré des changements à tous les échelons de cette direction des réseaux comme pour se prémunir contre toute sanction. Absurde comme démarche ! Ce qui a fait dire à Habib Aîdara que " le directeur général a pris sur lui la responsabilité de sanctionner des directeurs, des chefs de département, des chefs de service et même des chefs d'unité. Nous pensons même en interne que la sanction a été très lourde"
Une coupure dont ne peuvent être nullement responsables toutes ces agents. La direction principale des réseaux non plus. Des coupures, il y en a eues récemment et même pire, et elles ont eu un retentissement national. Telle que black-out à travers tout le Sénégal que la seule maintenance des lignes de Manantali qui nous alimente en énergie hydro-électrique, ne peut aucunement justifier.
Que Bitèye revoit ses copies et cesse de prendre les Sénégalais pour des demeurés. A supposer qu'une autre coupure, dans un contexte similaire, survienne à nouveau, que fera(t-il ? Chamboulera-t-il encore de la même manière son équipe ? Décision irréfléchie et prise sans aucune rationalité !
A la vérité cette coupure de courant, selon des informations à notre disposition, n’a eu lieu que suite à une mauvaise manœuvre sur le poste de Casino aux Almadies, alors que des compteurs étaient en train d’être posés. Le courant ne devait en réalité être interrompu que sur le lieu proprement dit et n’aurait pas dû impacter le secteur où se tenait la conférence.
Si ce n’est pas cette coupure découlant d’une fausse manœuvre, ce sont d’autres coupures qui sont notées avec une certaine récurrence, ces derniers temps. La question est dès lors de savoir comment a-t-on pu en arriver à un point où l’équilibre dont avait bénéficié la Senelec, - à coût d’investissements importants sur le réseau, de projets et de diversifications de sources d’énergie et surtout de travail acharné des hommes des femmes de Senelec, - est devenu si précaire et fragile ?
Ce qui est certainement en jeu avec ces coupures récentes, ce ne sont nullement des individualités, mais bien le management d’une entreprise qui souffre d’un défaut de planification et de management dans la fourniture d’électricité. Entre des errements dans la gestion, le manque de combustible qu’on cherche à masquer par la maintenance de Mantali (nécessaire et normale, en plus d’être conjointement planifiée entre les deux sociétés de longue date afin que Senelec prenne ses précautions) et l’histoire fallacieuse du mauvais combustible, d’ailleurs démentie et relativisée par le Comité national des Hydrocarbures, difficile de se défausser sur les travailleurs ou un quelconque responsable. Papa Mademba Bitèye est sans doute un bon ingénieur, mais peut-être bien un moins bon manager.
Présent récemment à l'émission "Guiss Guiss" sur la RFM, suite aux explications fournies à l'émission "Grand Jury" sur la même radio par Papa Mademba Bitèye, le DG de Senelec, il y a deux semaines (sur le retour des délestages, la qualité du combustible et la coupure générale), il avait donné son opinion sur le sujet.
Rappelons qu’invité à l'émission "Grand Jury", Papa Mademba Bitèye avait donné comme raison, la déconnection du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie du réseau interconnectée qu'il partage en commun pour cause de maintenance de Manantali. Sur le retour des délestages, il avait pointé du doigt la qualité du combustible.
"Concernant le black-out, la réalité est que le combustible qui alimente les machines n'est pas disponible. Il y'a un défaut d'approvisionnement en combustible. L'autre chose également, c'est un problème de politique. La Sar qui approvisionnait est fermée depuis quelques mois, la Senelec n'a trouvé rien d'autre que de fermer les centrales de Tamba, de Kolda et de Ziguinchor sans en parler avec nous les acteurs. Pire, la Senelec a arrêté les deux groupes qui alimentaient la centrale de Bel Air en voulant les convertir en gaz, alors que le gaz n'est pas encore disponible au Sénégal", a réagi le syndicaliste.
Avant d'ajouter : "Il y'a aussi une autre raison qui explique ces coupures, c'est le bateau que la Senelec avait loué au niveau de la barge pour fonctionner au fuel pendant un an avant de passer au gaz, n'est pas encore disponible. Et ce bateau qui devait faire une année, risque d'être là pour 3 voire 4 années."
Aïdara n'avait d'ailleurs pas manqué de souligner un problème d'option stratégique : "Sur le plan de la politique, la Senelec doit faire de la diversification. Elle ne doit pas toujours être dépendante de l'énergie thermique. Au Sénégal, nous avons le soleil à gogo. Pourquoi la Senelec ne continue pas à explorer l'énergie solaire, l'énergie éolienne ? On ne doit plus être dépendant du carburant dont le prix du baril de pétrole connaît des hausses à tout moment. On doit utiliser nos ressources naturelles".
Des vérités d’un homme du sérail qu’aucun fait ne vient démentir. C’est dire qu’il y a réellement de quoi désespérer de cet éternel recommencement, alors que beaucoup avaient repris confiance sur la question de la fourniture d’électricité. Ce n’est pas Macky Sall qui dira le contraire puisque l’énergie a fortement participé à sa réélection.
Quant au King Fahd, il a le malheur d'être dirigé par Racine Sy, un homme puissant au coeur du système. Des sources internes n'ont toutefois pas manqué de manifester leur étonnement. "Normalement, cela n’aurait pas dû se passer, parce que nous disposons d’une centrale avec trois groupes. Lors d’événements importants, il nous arrive souvent de nous déconnecter du réseau de Senelec pour garder notre autonomie et faire tourner notre centrale, afin d’éviter des évènements de ce genre". Mais l'on a cru comprendre que la situation sociale délétère dans l’entreprise serait la cause des dysfonctionnements.
Dans tous les cas, cet événement a éclipsé des accords importants, puisque la Banque mondiale a accordé un montant de 93 milliards de dollars US (60.000 milliards de Fcfa) à l’Afrique, selon l’annonce faite par le ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo. De quoi finalement comprendre la colère du président Sall. Sauf que la faire éclater en public n'était pas une bonne idée.