NETTALI.COM - C’est lors du conseil des ministres du mercredi 3 Août que, semble-t-il, les choses se sont accélérées puisque le président Macky Sall a mis la pression sur ses ministres concernés pour un lancement, début septembre au plus tard, des travaux de reconstruction de l’hôpital Aristide Le Dantec. Aussi, la ministre de la Santé et de l’Action sociale ainsi que ses collègues chargés des Finances et de l’Economie, se sont-ils précipités pour lancer l’opération déménagement.
En effet, le projet de reconstruction de l’hôpital Aristide-Le-Dantec de Dakar, apprend-on, a été présenté le 19 avril dernier au chef de l’Etat. Les coûts des travaux sont estimés à 92 milliards de francs CFA au total. Ils intègrent aussi un autre aspect qui consiste en la vente de 3 hectares dans le but de financer en partie la reconstruction. C’est ainsi un montant de 30 milliards qui est attendu de cette vente, si on en croit les chiffres qui circulent. Ce qui reviendrait à dire que le mètre carré est évalué à 1 million de francs pour les 30 000 m². D’ailleurs, en fait de prix, des déclarations voient le jours selon lesquelles, le terrain ne sera pas vendu à moins d’1 million le m2.
Un argument de la rénovation qu’on peut évidemment comprendre et accepter, mais ce qui pose question, c’est plutôt l’aliénation d’un patrimoine foncier qu’on veut vendre pour en récolter juste 30 milliards.
Un montant en tout cas loin d’être clair, surtout aux yeux de spécialistes du domaine qui annoncent un prix au mètre carré qui peut aller jusqu’à 1,5 million de F Cfa. Même suivant des considérations d’ordre patrimonial, sentimental et historique, le terrain pourrait ne pas avoir de prix. Une manière de dire qu’il ne devrait point être vendu. On ne va quand même pas nous dire que l’Etat n’aurait pas d’autres options étant entendu que 30 milliards sont un montant bien dérisoire pour lui.
Une précipitation qui étonne plus d'un...
Ce qui est surtout surprenant dans cette affaire, c’est la précipitation avec laquelle, elle a été menée. Car vouloir déménager un tel hôpital en 13 jours, soit du 2 au 15 Août, peut relever du miracle, si on en croit le réanimateur Mamadou Mansour Diouf, établi à Bordeaux et également, ancien interne de l’hôpital Le Dantec.
Régissant au téléphone, lors de l’émission Jakarloo du vendredi 12 Août, celui-ci s’est ainsi demandé comment il est possible de déménager un hôpital de l’envergure de Le Dantec, du 2 Août au 15 Août ? C’est à son avis « incroyable » car selon lui, il y a un déménagement du personnel, un déménagement du matériel et un redéploiement des malades. Pour Diouf, ce déménagement aurait tout simplement dû prendre 6 mois suivant le schéma suivant : une planification qui consisterait à ne plus hospitaliser de nouveaux malades, de manière à pouvoir transférer des activités dans un autre hôpital. Ce qui aurait permis de soigner et de libérer progressivement les patients.
La conséquence, selon lui, est que ceux qui ne seront pas guéris au bout des 6 mois, pourront être transférés dans une structure d’accueil déjà préparée. Pour l’ancien interne de Le Dantec, le déménagement doit obéir à une certaine cohérence et harmonie, précisant au passage que pour les malades du cancer par exemple, les syndicalistes ont mille raisons d’insister car il n’est pas possible de prendre la radiothérapie à Dalal Diam, la chirurgie à Touba et la chimiothérapie à Pikine. Des arguments qui paraissent logiques pour le médecin qu’il est et qui a connu une autre expérience comme celle de la France où il exerce.
Difficile d’écarter la thèse de la précipitation qui ne s’explique pas vraiment, si tant est que les initiateurs de cette rénovation ne sont animés que par le souci de bien faire. Ils ne doivent en réalité s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils n’ont pas pris le soin de planifier l’opération. Et il sera hélas bien difficile de reprocher à ceux-là qui suspectent une nébuleuse, car trop d’actes posés, peuvent laisser penser qu’il y a anguille sous roche.
Le désastre Khémess !!
Bamba Kassé, journaliste et chroniqueur à Jakarloo, voit d’ailleurs mal le communiqué parvenu aux rédactions. Tout au plus, a-t-il estimé que « quand il y a une question et un enjeu de cette importante, il faut que le ministre de la Santé descende de son piédestal et parle aux Sénégalais », précisant que l’hôpital a une histoire. Ce qui lui a fait dire qu’il était nécessaire de dire aux Sénégalais quel type d’hôpital, on veut y édifier.
Le gouvernement n’organisait-il pas des séances de communication et d’explication, les jeudis ? Les a-t-il, tout d’un coup abandonnées ? Il dispose aussi d’un porte-parole. Pourquoi diantre ne pouvait-il pas davantage communiquer sur le bien-fondé de la rénovation de l’hôpital, sur le projet, sur le volet financier, la raison de la vente du terrain, le redéploiement, la prise en charge des malades, l’orientation des futurs patients, la durée de la construction, les bénéfices à terme pour les populations, etc. Mais en lieu et place, c’est un brouhaha indescriptible qu’il a créé avec des autorités qui se sont invités sur des plateaux télé, avec un discours complètement pollué par des polémiques profanes, ou avec des interventions improvisés au téléphone.
C’est l’éternel problème du gouvernement, la communication qui se manifeste là. Comment ne pas apprendre de ses erreurs après autant de couacs en communication, multipliés dans le temps. C’est le signe en réalité d’un manque de transparence et de respect vis-à vis des populations pour une information pourtant due à des citoyens qui ont décidé de lui confier la gestion de ses affaires et de ses deniers.
Mais en lieu et place d’une volonté d’explications sereines, on a eu droit à une sortie du médecin après la mort Marie Khémess Ngom Ndiaye, le médecins et non moins nouvelle ministre de la santé. Elle a fait une sortie irrespectueuse et surtout malheureuse. Un ministre ne devrait pas parler comme cela. En visite de chantier ce jeudi 18 Août pour voir l’état d’avancement du plan de redéploiement des services de l’hôpital Le Dantec, le ministre de la Santé, Marie Khemess Ngom Ndiaye en a profité pour répondre aux détracteurs du projet, soutenant que l’Etat fait ce qu’il a à faire et tout Sénégalais qui n’est pas content, dispose de voies de recours. «Sur le dossier du foncier, il ne faut même pas essayer de me poser des questions. Le moment venu, faites vos enquêtes parlementaires, c’est votre droit le plus absolu. Nous sommes dans un pays de droit, un pays organisé et qui est dans la méthode. Ceux qui veulent porter plainte, n’ont qu’à le faire. Celui qui déposera plainte contre moi, j’irai répondre. Mais je pense que c’est contre l’Etat qu’on déposera une plainte. Et l’Etat a l’agent judiciaire comme représentant. Que ceux qui veulent faire une marche, le fassent.»
Une bien curieuse manière de communiquer. Une sorte de discours du fait accompli devant lequel elle met les citoyens. Une attitude à la limite du manque de courtoisie. De la défiance, qui montre que l’Etat ne fera pas machine arrière dans cette opération de course contre la montre et de forcing qui ne dit pas son nom. C’est comme si les commissions d’enquête parlementaire avait apporté la preuve de leur efficacité ! la preuve par les inondations, les investissements déclarés et le résultat assez éloquent sur le terrain !
A y regarder de près, l’on a affaire là à une véritable erreur de casting pour cette ministre qui a remplacé son prédécesseur dont elle était la directrice de la santé. Elle est en effet bien comptable de tout ce qui s’est fait jusqu’ici et qui s’est révélé dans certains cas être un désastre. La santé, un secteur qui semble de plus en plus géré dans un pilotage à vue permanent aux conséquences incalculables. Beaucoup d’hôpitaux sont de nos jours gérés soit par des médecins dont les compétences en management sont loin d’être prouvées ou par des médecins investis dans la politique car le secteur de la santé est devenu un monde gangréné par la politique ou par des médecins activistes qui passent leur temps à pavaner dans les médias pour se faire une image voire satisfaire des ambitions futures.
Le Témoin dénonce « une mafia foncière »
« Le Témoin » du jeudi 18 Août n’y est pas, lui, allé par quatre chemins pour dénoncer en ces termes ce qu’il considère comme une mafia : « à peine la mafia foncière actée, le « deal » finalisé et la « cola » des courtiers distribuée, les promoteurs immobiliers se pressent pour actionner les bulldozers devant raser le mythique et historique hôpital Aristide Le Dantec. Ce, dès la semaine prochaine pour pouvoir battre un record de « démolition-vente » ou « démolition-reconstruction » jamais égalé dans l’histoire du Btp au Sénégal. »
Pour le journal de Mamadou Oumar Ndiaye, « les promoteurs et sous-promoteurs espagnols, trucs et sud-africains, appuyés par leur partenaire financier « Bdk », doivent entamer vite, et très vite, les travaux avant la présidentielle de 2024. Comme pour dire qu’un éventuel changement de régime pourrait arrêter les travaux de résurrection d’« Aristide Le Dantec » et remettre en question le juteux projet des promoteurs chargés de cette reconstruction. »
Le journal va même plus loin pour souligner que toute cession de terrains du domaine privé immobilier de l’État devait être soumise à l’autorisation de l’Assemblée nationale, estimant que « les promoteurs de cette reconstruction doivent accélérer la cadence des travaux en cette période où tous les sièges de l’hémicycle sont vacants. Car, si jamais ils trainent les «Caterpillar » jusqu’à l’arrivée de la 14e législature dite de « cohabitation », les turbulents députés de l’opposition risquent de torpiller leur projet ! A tout le moins de le déchirer.
Et « Le Témoin » de rafraîchir la mémoire de ses lecteurs : « Pourtant, nous avions bel et bien révélé que des promoteurs immobiliers turcs, espagnols, marocains et indiens luttaient pour s’accaparer de l’assiette foncière de l’hôpital qui s’étend sur 6 hectares en plein Plateau de Dakar et au bord de l’océan. Ensuite « Le Témoin » était revenu à la charge par une alerte « Gaïndé » en révélant que des Indiens et Espagnols, appuyés par des courtiers d’Etat, s’activaient pour provoquer l’«euthanasie » de l’hôpital déjà malade de ses infrastructures. Obnubilés par cette assiette foncière estimée à une centaine de milliards cfa, ces prédateurs véreux avaient même proposé de démolir le stade de Léopold Sédar Senghor ou de délocaliser le dépôt Sotrac (Dem-Dik) de Ouakam à Dakar pour y reconstruire l’hôpital Le Dantec. Donc vous voyez à quel point ces promoteurs et courtiers d’Etat étaient prêts à tout pour s’enrichir illicitement sur les gravats et décombres de l’hôpital Le Dantec. Ils sont parvenus à leurs fins !
Même les tentatives d’expliquer que le terrain n’est pas encore vendu, n’y feront rien. La vérité est qu’une procédure a déjà été lancée. Ce qui veut dire que ce projet de vente est déjà en cours si il n’est déjà fait. »
L’équation de la prise en charge des malades
Difficile d’ailleurs de savoir comment les Sénégalais vont pouvoir se retrouver dans ce désordre avec comme seuls éléments de communication, un communiqué émanant du ministère. N’eut été les médias qui ont suscité des débats et fait sortir les autorités hospitalières notamment le directeur de l’hôpital, de leur bureau, ils ne sauraient rien de cette affaire. Pauvres Sénégalais, ils sont déjà bien stressés par les hôpitaux, et il sera difficile de voir comment ils auraient pu accéder à cette information si confuse et si laconique.
Résumer cette affaire à une phrase aussi simple que celle de Babacar Thiandoum, directeur de Le Dantec, selon laquelle tous ceux qui avaient des rendez-vous, vont être informés, relève de la farce. Tout le monde sait que le Sénégal n’est pas ce pays organisé avec des citoyens très rigoureux et connectés au digital. Requérir des services médicaux, est loin d’être une partie de plaisir. Il relève même du vrai parcours du combattant, surtout lorsqu’il s’agit de prendre des rendez-vous qui peuvent durer des mois.
La gestion de cette affaire se révèle finalement être une course contre la montre qui ne s’explique pas, surtout s’il faut catégoriser et prendre en charge ces malades dits lourds et sensibles, avec à la clef, une question des données personnelles à prendre en compte. Le site de l’aéroport que La Caisse des dépôts et Consignations veut vendre aux VIP, à prix d’or, aurait pu être ce site où l’Etat pouvait construire un hôpital et faire déménager les malades avant de reconstruire l’hôpital Le Dantec. L’aéroport est en effet une zone où il existe une réserve foncière. Ce qui ne veut toutefois pas dire que l’option de vendre ces 3 hectares, serait acceptable. Loin de là, il s’agit plutôt d’une manière de se rendre compte que cette précipitation est loin d’être nécessaire, si la seule motivation, est de rénover cet hôpital.
Une fâcheuse tendance à céder nos ressources et joyaux
Nous avons à la vérité, cette fâcheuse tendance, sous nos cieux, à vendre nos joyaux et à tout faciliter et octroyer aux étrangers. La question se pose même de savoir, si à terme, l’on ne risque pas d’être des étrangers sur nos propres terres.
Les Marocains sont arrivés en force dans le secteur financier (une compagnie d’assurance, 4 banques, dans le secteur immobilier Addoha s’est révélée être une entreprise de promotion immobilière sans capacité financière réelle et à qui on a donné nos terres, etc). Les Français ont renforcé leurs parts de marché que semble-t-il, ils étaient en train de perdre, en s’accaparant de l’autoroute à péage, de la construction des autoponts, du Ter, etc.
Les Turcs ont rapidement gagné du terrain dans le fer avec Tosyali, dans l’électricité avec la construction de la plus grande centrale électrique d’Afrique de l’Ouest (West Africa Energy avec General Electric comme partenaire technique), avec le fameux bateau turc Karpowership au large de Dakar (dans cette nébuleuse affaire de fournitures d’électricité avec la Senelec), la construction du stade également de 150 milliards, sans oublier l’aéroport qu’ils ont achevé avec une concession à la clef.
La liste est longue puisque les Chinois sont bien présents, sans oublier les Indiens dans l’immobilier avec Senegindia.
Bref, les Sénégalais finissent par passer pour de vrais jambons. Si le foncier doit être bradé avec en plus ces accords de pêche et contrats d’exploitation de gaz et de pétrole loin d’être transparents, que va-t-on laisser aux générations futures ? Un pays où elles seront dominées par des étrangers avec des espaces qui leur seront interdits voire privatisés.
Le tong tong foncier avec ces hôtels, ambassades et terrains privés érigés, le long de la corniche, est déjà assez humiliant et insupportable pour qu’on en rajoute ces 3 hectares.
30 milliards : un montant modique pour un état
Que représentent 30 milliards pour un état comme le Sénégal qui peut faire des appels publics à l’épargne ou chercher un partenaire financier ou encore s’adresser aux banques commerciales locales, même si ce crédit risque d’être élevé en termes de taux d’intérêts ? L’argument de la dette ne peut prospérer car à chaque fois qu’il s’était agi de dénoncer un niveau d’endettement élevé de l’Etat, ceux qui s’en plaignaient, se voient toujours répondre que notre taux d’endettement est soutenable. Bref 30 milliards ne valent pas la peine que l’on brade ces terres si stratégiques et si bien situées, au-delà même du symbole que représente Le Dantec.
Difficile en effet de faire accréditer l’idée que 30 milliards ne seraient pas à la portée de l’Etat du Sénégal. Surtout qu’il a restauré le building administratif au lieu de le raser. N’aurions-nous pas pu nous inspirer de ce modèle ? Rappelons tout de même, que pour un projet de 17 milliards, la restauration du building a finalement coûté plusieurs dizaines de milliards. Le stade de football de Diamniadio a également coûté 150 milliards. Comment dès lors 30 milliards peuvent constituer un problème ?
112 ans d’histoire, ce n’est pas tous les jours que cela se voit. Ce n’est non plus tous les jours qu’une institution est centenaire. Cet édifice hautement patrimonial et symbolique, en plus d’être chargé d’histoires, mérite que l’on s’y arrête un peu. Mais sous nos cieux, il semble que l’on ait quelques problèmes avec la mémoire et les questions de patrimoine que l’on ne cherche guère à préserver et à perpétuer. Et ce n’est pas avec une facilité si déconcertante qu’il convient d’effacer 112 ans d’histoire. Et le professeur Moustapha Ndiaye, neurologue a résumé l’affaire en la jugeant grave, car a-t-il estimé « l’Hôpital Aristide Le Dantec est un patrimoine historique, un symbole de l’histoire de la Médecine moderne au Sénégal. Tout projet de restructuration doit garder cela en perspective».
Une affaire aussi sérieuse, n’aurait-elle pas mérité une préparation plus minutieuse et davantage de concertation ? Difficile de comprendre la posture de nos gouvernants. Et l'affaire s'est invitée ce jeudi 18 Août à la conférence de presse que le leader de Pastef tenait au siège de son parti à Dakar. Ousmane Sonko n’a pas mis de gants pour mettre en garde ceux qui vendent ou achètent des biens de l'Etat en violation de la loi.
Et celui-ci de rappeler que "ce n'est pas la première fois que l'Etat vend son patrimoine foncier". Il cite, à titre d'exemple, le cas de l'ancienne gare routière Pompiers, l'affaire Terme sud à Ouakam, mais aussi la vente de villas construites par la Sicap derrière l'Assemblée nationale. Il souligne avoir saisi le gouvernement à travers des questions écrites qui n'ont jamais reçu de réponses.
Le leader de Pastef a aussi révélé que des immeubles appartenant à l'Etat, ont été cédés en baux sur un délai de 99 ans. Ce qui est, selon lui, une violation du code qui interdit toute vente d'un bien de l'Etat lorsqu'il y a du bâti sans autorisation de l'Assemblée. C'est à ce titre que le leader de Pastef met en garde ceux qui ont vendu le patrimoine foncier de l'Etat, mais aussi ceux qui ont acheté. "Ceux qui ont vendu rendront compte devant la justice", dit-il. Avant de poursuivre : "Ceux qui ont acheté n'ont qu'à se préparer. Même s'ils construisent des gratte-ciel sur ces terres, ils seront expropriés au plus tard en 2024." "En attendant, nous allons demander à nos députés de faire la lumière dès l'installation de l'Assemblée nationale", a averti Ousmane Sonko.
Ce dernier a en tout cas prévenu. Il a aussi anticipé déjà anticipé sa candidature de 2024 et SE prépare déjà au combat difficile à venir pour 2024. De chaudes empoignades en perspective !