NETTALI.COM - En raison des calculs politiciens, le président de la République laisse le pays sans gouvernement et sans Premier ministre depuis le Conseil des ministres du 3 août dernier, au lendemain des Législatives du 31 juillet 2022. Les «ministres de la transition» qui devaient gérer les affaires courantes semblent plus préoccupés par leur propre sort.
Voilà presque un mois que le Sénégal est suspendu à la formation d’un nouveau gouvernement. Annoncé depuis le premier Conseil des ministres après les élections législatives, le remaniement tant attendu tarde encore à voir le jour. Et c’est devenu un secret de Polichinelle : l'administration est presque à l’arrêt dans beaucoup de départements ministériels. Interpellé, par EnQuête, ce cadre dans un ministère de la place confirme : « C'est une réalité bien perceptible. Pratiquement, il n'y a plus d'activités dans les ministères, le mien y compris. Certains ministres ne viennent même plus au bureau. Ils sont aux abonnés absents. »
Pour s’en convaincre, fait remarquer le fonctionnaire, il suffit de regarder les grandes éditions de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS1). “Certains, dit-il, essayent de sauver la face en faisant des sorties intempestives face à certaines urgences, mais la réalité est que personne ne travaille. Presque dans tous les ministères, ce sont les secrétaires généraux qui expédient les affaires courantes. Certains départements ministériels n'ont même plus de cabinet. C’est un vrai parfum de vacance gouvernementale.’’
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le constat sur les ministres introuvables en ces temps incertains est presque unanime. Par exemple, alors que les consommateurs sénégalais sont accablés depuis quelque temps par la vie chère, la ministre du Commerce, Assome Diatta, se fait désirer. En lieu et place, c’est le secrétaire général dudit ministère et quelques directeurs qui montent au créneau pour jouer les premiers rôles. Il en est de même des ministres chargés de l’industrie et de l’agriculture, malgré les nombreuses difficultés auxquelles font face leurs secteurs respectifs. Ces derniers sont loin d’être les seuls membres du gouvernement concernés par ces vacances de fait. Naguère prompts à monter au créneau pour éteindre les feux, ils semblent plus préoccupés par leur sort individuel, dans ce contexte où le président de la République est appelé à redistribuer les cartes.
Épée de Damoclès sur la tête de beaucoup de ministres
En fait, bien avant même ce climat marqué par l’annonce d’un remaniement, le pays était presque à l’arrêt, à cause de la campagne électorale. Tous avaient déserté pour aller s’occuper de leur base électorale, d’autant plus que le président de la République s’est par le passé montré intransigeant contre les perdants. Avec la défaite de plusieurs responsables de premier plan, l’épée de Damoclès plane sur la tête de beaucoup de ministres. D’ailleurs, c’est un des aspects évoqués par un de nos interlocuteurs pour justifier l’absence de certains membres du gouvernement. “Vous savez, signale-t-il, on vient de sortir d’élections qui n’ont pas été de tout repos pour la plupart des ministres. C’est normal que certains aillent un peu se reposer, parce que ça a été un peu compliqué pour eux…’’.
Dans ce contexte, les agents, dans beaucoup de ministères, suivent également le rythme de leurs supérieurs. À l’image des ministres, ils ont eux aussi déserté les bureaux. “Certains peuvent rester une semaine sans venir, d’autres passent une fois par semaine… Il n’y a que le SG et quelques chefs des services les plus essentiels qui sont là pour évacuer les affaires courantes’’, fait remarquer un agent. Et d’ajouter : “Faites un reportage dans n'importe quel ministère, vous vous rendrez compte que la majeure partie des agents ont déserté les lieux.’’
Par ailleurs, si dans certains ministères tout est à l’arrêt, dans d’autres, par contre, les choses fonctionnent peut-être au ralenti, mais elles fonctionnent. C’est ce que semble expliquer cet agent qui invite à plus de nuance. À l’en croire, il y a des ministères où les gens continuent de travailler presque normalement, même si le ministre peut être absent. Il insiste : “Pour moi, c’est une fausse perception de croire que les gens peuvent faire dans le public ce qu’ils veulent, qu’il n’y a pas de contrôle. En tout cas, ce n’est pas le cas de mon ministère où le contrôle est systématique et que les gens sont obligés d’avoir des autorisations pour s’absenter. C’est aussi valable en ce moment, bien que j’avoue que le ministre n’est pas toujours là. Mais cela n’a aucun impact sur le service.’’ Autrement, renchérit-il, cela allait se savoir. “Je pense que pour parler de blocage, il faut surtout regarder les indicateurs. Et je pense que là, tout se déroule assez bien. Les autorisations et autres certificats dont les usagers ont besoin sont délivrés normalement. Sinon, vous les auriez entendus ruer dans les brancards. Maintenant, même en temps normal, il y a des gens peu consciencieux qui ne font pas le job.’’
Factures non payées
En parlant d’indicateurs, ils sont quand même nombreux les acteurs économiques à se plaindre de retards dans le paiement de leurs factures au niveau du ministère des Finances. Si certains indexent des difficultés de trésorerie, la plupart l’imputent surtout à cette situation de non gouvernement et d’absence de Premier ministre qui plane, depuis les Législatives. Et si le chef de l’État va jusqu’au bout de sa logique, cette situation pourrait se poursuivre jusqu’au 14 septembre au moins, date d’installation de la 14e législature. En effet, comme l’annonçait “EnQuête’’ dans ses précédentes éditions, Macky Sall a la hantise de procéder à un remaniement et de faire éclater sa majorité plus que précaire, qui ne tient qu’à un député.