NETTALI.COM - Ils sont décidément devenus des rings de boxe, nos plateaux-télé. L’hémicycle aussi et tous les espaces de rivalités politiques. C’est à la vérité l’espace public qui est sous tension. De vrais lieux d’affrontements entre acteurs politiques, membres de la société civile, activistes, hommes politiques et même journalistes. Ils ne sont plus capables de respecter les règles du jeu, de s’écouter, de s’entendre et de se comprendre. Le débat est de plus en plus musclé et si peu courtois. L’on coupe la parole sans ménagement et l’on cherche à faire prévaloir ses idées. L’on crie et l’on finit par en venir aux poings ou s’adresser des menaces. Bref un espace public où le débat est de plus en plus structuré par le paradigme musculaire.
C’est un véritable dialogue de sourds qui s’est installé dans le débat public, y compris sur tous les plateaux-télé. Les invités sont devenus agressifs et s’en prennent aux journalistes. Et les journalistes, à leur tour, se permettent de poser des questions embarrassantes et parfois déplacées.
Cet état de violence ambiante s’est ainsi manifesté, il y a quelques jours sur un plateau de Seneweb. Le fameux Clédor Sène qui aime pavaner dans les médias pour raconter tout et n’importe quoi sur le pétrole et le gaz, a en effet failli en venir aux mains avec un autre invité qui le traitait de menteur, déplorant ses interventions peu crédibles sur la question des ressources, ses sujets favoris du moment. N’eut-été l’intervention du journaliste animateur de l’émission, les coups de poings allaient pleuvoir. Il est vrai que dans le cas de Clédor Sène, des journalistes s’étaient même érigés contre le fait qu’il soit constamment invité sur des plateaux, surtout suite à sa condamnation pour crime. Bref, ceux qui l’invitent, doivent toutefois être prudents et prendre des précautions en mettant en face de lui, un co-débatteur capable de répondre, à défaut de pouvoir le challenger, car difficile de confirmer ses propos en l’absence d’un contradicteur averti.
Un autre échange malheureux a aussi eu lieu entre Maimouna Ndour Faye et Mamadou Goumbala, au cours duquel, la journaliste n’a eu de cesse d’insister sur la trajectoire politique jugée « instable » de l’homme qui a effectué un passage par le PS, l’AFP, le Grand Parti, le Rewmi puis Yewwi Askan Wi. Etait-elle embarrassée ou pas ? Cela ne se remarquait certes pas sur le visage de la journaliste et encore moins sur sa posture. Tout au plus, Goumbala a asséné ce coup bas, comme pour riposter à la remarque de Maimouna Ndour Faye que cette dernière sort d’un troisième mariage. Ce qui n’est pas une tare en soi. Elle en a ri sur le champ avant de s’en offusquer promettant même d’ester en justice contre l’homme politique pour diffamation. Une charge dont on n’aurait pu se passer surtout dans le cadre d’une émission publique.
De même vendredi 23 septembre, c’était chaud chaud à « Jakarloo » sur la TFM entre Ibrahima Ndoye et Dame Mbodji, alors qu’était abordée la question du « gouvernement de combat, pourquoi et pour qui ? », entre autres thèmes de l’émission.
Le ton de ce qui allait suivre, était dès lors donné par Dame Mbodji qui déclare tout de go à l’endroit de Ndoye, cet ancien journaliste de la RTS et actuel conseiller du président Sall : "C’est un gouvernement qui cherche la confrontation (…) Ce sont ceux qui allaient sur les plateaux télé qui ont été promus ministres. Et il y en a qui se sont rendus compte que certains de leurs camarades du même âge, ont été promus ministres, et ils cherchent à faire du rattrapage." L’allusion était claire et la provocation non équivoque.
Réponse de Ibrahima Ndoye : « Tu rêves de devenir ministre de l’éducation nationale, il va falloir que tu patientes… Tu es un activiste et un agitateur, tu n’as pas droit à la parole. S’agiter ne veut pas dire bouger… T’as pas d’histoire avec ce pays. Tu n’existes que par les médias, tu ne signifies rien pour ce pays. Arrête de rêver, tu ne seras pas ministre de l’Education nationale.»
De quoi soulever la colère de Dame Mbodji qui finit par traiter Ibrahima Ndoye d’impoli. Ce à quoi ce dernier a refusé de répondre en disant : « je ne suis pas éduqué pour insulter »
Et Fou Malade de tenter de prendre la défense de Dame Mbodji en ripostant : « Il a été un excellent professeur à Limamoulaye et ses élèves l’apprécient beaucoup. Monsieur le ministre, arrêtez votre arrogance s’il vous plaît. Vous nous sous-estimez. Vous gouvernez pour le peuple. Vous ne pouvez pas parler comme vous l’avez fait ».
Réplique à nouveau d’Ibrahima Ndoye : « Je ne vous permets pas d’utiliser des mots grossiers à mon encontre »
Même ambiance et mêmes types d’échanges dans le cas de Barthélémy Dias qui s’en est pris au Groupe Futurs Médias. Ce dernier accusait GFM d’être tendancieux et de n’avoir pas dénoncé les faits qui ont eu lieu à l’hémicycle. A savoir, «15 violations de la loi dont a été victime l’opposition». Selon lui, les journalistes se sont focalisés sur leurs actes (lui et Guy Marius Sagna), estimant qu’arracher le micro n’était pas si grave au regard des violations qui ont eu lieu. « Ce n’est rien », a répondu Barth. Et même s’il a tenu à relativiser qu’il ne s’adressait pas - après que Pape Ngagne Ndiaye s’est inscrit en faux contre l’accusation- au journaliste et encore moins au caméraman, mais plutôt aux patrons de presse, il n’a pas manqué d’affirmer que la presse est mal vue par les Sénégalais.
Des accusations que Babacar Fall n’a, semble-t-il, pas goutté, au regard de ses propos relatifs aux nombreuses invitations de Barthélémy Dias à la TFM et au cours desquelles, il était incontrôlable, alors qu’ils l’ont géré sans bruit. L’allusion est claire. Babacar est même allé jusqu’à le traiter d’impoli. De quoi créer un déchaînement sur les réseaux sociaux pour déplorer l’attitude du journaliste qui, pour beaucoup, a outrepassé les limites de son travail, estimant qu’il devait se garder d’insulter à l’antenne, ne serait-ce que pour le respect dû au public.
Bref, une affaire dont on se serait bien passé. Car le journaliste devait se garder de faire un jugement de valeur et de traiter l’invité d’impoli. Tout au plus, GFM peut porter plainte s’il se sent diffamé. Tout comme Barthélémy Dias devait s’interdire de tomber dans la généralisation facile. Car parler des journalistes comme d’un bloc homogène, n’a pas de sens et encore moins d’intérêt. Beaucoup de supports d’informations avaient pourtant relevé les injustices en question, notamment ces fameuses procurations malgré la présence des députés, le processus de vote avec des députés qui ne savent pas lire et écrire et pour lesquels, il était proposé des couleurs pour identité le candidat et non validé.
Dias fils a toutefois tenté au cours de l’émission « Faram Facce » du mercredi qui a eu lieu avant Jakarloo, de rétablir les faits, et c’était la bonne attitude à avoir. Il est d’ailleurs bien difficile d’étayer ses propos car les émissions du groupe notamment sur la TFM et la RFM très suivies d’ailleurs, ne peuvent être accusées de partialité. Jakarloo, Faram Facce, Edition spéciale, Soir d’infos, etc Grand jury et Remue-Ménage pour la radio, invitent des gens de tous bords politiques avec un équilibre notable. Peut-être que le maire de Dakar a des choses à reprocher à GFM sur le plan strict de la manière de traiter les comptes-rendus. Mais de manière générale, le déséquilibre n’est pas du tout visible et encore moins notable. L’on comprend bien, tout politique qu’il est, qui a du métier qui cherche à produire un impact psychologique sur le groupe qu’il voudrait bien avoir dans sa poche. Sacré Barth. L’opposition n’est d’ailleurs pas à son 1er coup. Ousmane Sonko a eu dans un passé récent à faire une sortie similaire, estimant qu’il avait les réseaux sociaux avec lui. C’est de bonne guerre diront certains, tout politique qu’ils sont, et étant dans leur rôle. Toujours est-il que, quel que soit le niveau de reproche, c’est à la presse et aux journalistes de prendre de la hauteur et de tenter de faire du mieux qu’ils peuvent leur travail en restant professionnels, équilibrés et axés sur l’éthique ainsi que la déontologie du métier.
Elle est dure, vraiment dure, la vie d’opposant sous nos cieux. Nous avons, à la vérité, affaire à tous les ingrédients réunis pour une ambiance de feu dans un contexte politique chargé où la sérénité ne peut être la qualité la mieux partagée. Entre cette ambiance de morosité économique et sociale, un contexte politique électrique marqué par l’équation du 3ème mandat, avec un temps limité pour le gouvernement sortant, les dossiers judiciaires d’opposants non encore vidés et au travers desquels, l’on perçoit des mains politiques et une justice que les opposants soupçonnent d’être aux ordres, il est difficile d’entretenir un climat de paix. Surtout qu’une majorité précaire est venue se greffer dans cet affrontement sans merci et qui fragilise un peu plus Macky Sall qui n’a pas vu venir une frondeuse nommée Mimi Touré.
Et Mimi prend le « Macky » !
Aminata Touré a en tout cas annoncé, ce dimanche 25 septembre au cours d’une conférence de presse, sa décision de quitter le groupe parlementaire "Benno Bokk Yaakaar" pour devenir député non-inscrit. Selon elle, personne ne peut la contraindre à quitter l'Assemblée nationale. Mimi Touré qui s’estime être trahie, fait d’ailleurs remarquer qu’elle avait « un accord ferme avec le président Sall », faisant remarquer que c’est "le 12 septembre à 9h 26, qu’il (Macky Sall, ndlr) l'a appelée pour lui dire « qu'il avait changé d'avis, exactement 17 minutes avant l'arrivée de ses émissaires à l'Assemblée nationale. » Cette dernière pense d’ailleurs qu’elle aurait pu « bénéficier d'un traitement de gentleman, de frère... » précisant au passage que « c'est la seule vérité qui existe. Ce n'est pas une façon de faire avec une militante fidèle, avec une soeur.. »
Pourtant, à en croire Aminata Touré, ce n'est pas la première trahison dont elle est victime de la part de Macky Sall. "C'était la même chose lors de l'arrivée de cet opposant (Idrissa Seck, ndlr) au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il m'a juste appelée au téléphone pour m'informer", renseigne-t-elle. Avant de se défendre : "Ce n'est pas de la naïveté, mais j'ai toujours placé le Sénégal avant mes intérêts personnels. Ce n'est pas une question de postes ou de privilèges. Il m'a fait beaucoup de propositions que j'ai déclinées parce que je ne m'assois pas sur les postes des autres."
Selon Aminata Touré, toute cette trahison n'a qu'une explication: "mon opposition à ce troisième mandat impossible juridiquement et impossible politiquement", martèle l'ancienne Première ministre. Aminata Touré est d’ailleurs formelle. Si elle n'est pas présidente de l'Assemblée nationale, c'est à cause de divergences avec Macky Sall à propos du 3e mandat. Aminata Touré ne demande dès lors qu’une seule chose à Macky Sall, de tout faire pour sortir par la grande porte car fait-elle remarquer : "Macky Sall quittera la tête du pays dans 15 mois".
Aussitôt sortie, aussitôt lynchée. Il semblerait d’ailleurs que le peuple de Benno Book Yaakaar qui savait déjà ce qu’elle allait dire. C’était évidemment prévisible après les premières salves lancées après l’installation de la 14ème législature. Elle a été traitée de lâche avant de se voir demander de lâcher son mandat. Bref, l’on commence à s’habituer aux propos acerbes et violents.
Le gouvernement qui se trompe de combat
Toujours est-il que Macky Sall ne compte pas du tout lâcher le pouvoir, ni abdiquer tout suite sur la question du 3ème au regard des actes qu’il a eu à poser. C’est certainement dans ce sens qu’il faut placer ce slogan « gouvernement de combat » lancé lors de la formation du nouveau gouvernement.
Un gouvernement offensif et de riposte avec l’arrivée de 8 jeunes, avec certains d’entre eux qui signent leur retour puisqu’ils étaient déjà là. L’on a bien compris qu’ils reprennent du service pour avoir laissé le terrain de l’affrontement désert. Mame Mbaye Niang, ou encore Abdou Karim Fofana. L’on attendait pourtant, comme l’a si bien souligné l’économiste spécialisé en intelligence économique, Amath Soumaré au « Jury du Dimanche » du 25 septembre, des techniciens. Surtout dans le contexte d’une économie gangrenée par un niveau d’endettement de 75,6 % du Produit intérieur brut au mois d’Août dépassant largement les critères de convergence de l’Uemoa qui les limitent à 70% et un niveau d’inflation à 2 chiffres de 11,3%. C’est en effet là, selon lui, le vrai combat car celui-ci prône une connexion entre l’économie, les finances et le commerce. Pour ne citer que ces 3 secteurs, sans toutefois oublier les autres domaines tels que l’agriculture, l’industrie et la question de la monnaie avec un Franc CFA arrimé au dollar et qui se déprécie chaque jour. Il faut à son avis une monnaie nationale.
Soumaré se pose même la question de l’opportunité du combat, ce d’autant plus qu’il ne souscrit pas à un 3ème mandat de Macky Sall. « Je ne pense pas au 3e mandat au Sénégal parce qu’il ne peut pas y avoir de 3e mandat ici. Non seulement le président Sall a eu à le combattre et il sait que c'est un 3e mandat. Parce qu’il a suivi ce problème avec le président Wade. Il a dit qu’il n’y aura pas de 3e mandat et il l’a écrit dans son livre », a souligné l’invité du Jdd. Celui-ci trouve d’ailleurs normale la déclaration du président du Nigéria, Muhammadu Buhari sur le troisième mandat en Afrique. Estimant que « les coups d’Etat il y en avait plus, maintenant ça recommence. Et les gens doivent comprendre qu’ils n’ont pas la capacité seule. Il y a plusieurs citoyens qui ont la capacité de diriger ce pays. Le problème qui se pose, c’est qu’ils comprennent qu’il ne faut pas que le pouvoir les rende fou » L’économiste ne manque pas de faire remarquer : « Il faut être humble. Si Dieu t’a choisi pour te mettre quelque part ce n’est pas parce que tu es le meilleur. Tu ne peux pas connaître la transversalité du développement. Dans le développement, il y a 150 mille pans. Peut-être que vous avez une seule vision ».
Elle n’a décidément pas la cote le 3ème mandat ! Comme ses moqueries d’Abdoulaye Maïga contre les 3 mandats de Ouattara, lors de l'avant-dernière journée de la 77e Assemblée générale des Nations unies et qui s’y est rendu en force avec une délégation et une trentaine de manifestants hostiles à la France et la Côte d’Ivoire.
L’économiste Soumaré semble même catégorique « Si c’est un gouvernement de combat pour faire un gouvernement de politique, je ne pense pas qu’ils feront des résultats », soutient-il. Pour ce qui reste du mandat de Macky Sall, il s’attendait à voir des gens du secteur privé et des gens de la société civile pour apporter leurs compétences et leurs connaissances afin de juguler aujourd’hui ces problèmes. Parce que, souligne-t-il : « la politique c’est bien mais être politico-technique c’est mieux. Il faut avoir des techniciens pour chaque problématique ». Ajoutant que « l’économie sénégalaise se porte très mal. » Non sans préciser que le gouvernement de Macky Sall a mis la priorité sur les infrastructures. Ce qui, d’après lui, n’est pas mauvais en soi puisqu’il faut des infrastructures pour pouvoir décloisonner un pays. Mais, s’empresse-t-il de signaler : « l’industrie et la souveraineté alimentaire sont les premiers piliers. Il ne faut pas que son ventre et sa santé dépendent de l’extérieur. Il faut faire le transfert de technologie dans les grands travaux. On a des capacités techniques, des sénégalais qui peuvent le faire. On doit arrêter de dépendre de l’étranger ».
Bref une situation de fin de mandat où les nerfs sont à vif. 11 ans de procédure judiciaire pour un simple dossier correctionnel. Ou plus exactement le dossier de Barthélémy Dias relatif au décès de Ndiaga Diouf qui a subitement ravi la vedette au dossier Ousmane Sonko-Adji Sarr, rangé pour le moment dans les tiroirs du juge d’instruction. Des observateurs ne manquent d’ailleurs pas de relever une main politique derrière, relevant un traitement plus ou sympa vis-à-vis de Barth, selon qu’il est en désaccord ou non avec le président qui avait d’ailleurs eu à l’inscrire sur une liste de députés alors qu’il était emprisonné. Beaucoup semblent ainsi relever la durée et les timings, lorsqu’ils ne soulignent pas des questions de preuve quant à l’arme du crime introuvable. Devant le doute, la décision devrait profiter à l’accusé.
Rien que ces postures de Macky Sall qui varient au gré des circonstances, sont des raisons suffisantes pour couper le cordon ombilical entre le Conseil supérieur de la Magistrature et les juges. C’est ce que l’Union des Magistrats du Sénégal n’a de cesse de demander sous Téliko.