NETTALI.COM - Le Président Macky Sall passe à l'acte. Son gouvernement va examiner la possibilité d'une amnistie en faveur de Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade. Autrement dit, le chef de l'Etat veut remettre dans le jeu l'ancien maire de Dakar et le fils d'Abdoulaye Wade. Une initiative qui cache bien des non-dits. 

"Abordant la consolidation du dialogue politique national et de l'ouverture politique, le président de la République demande au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, d'examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d'amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote." Personne ne s'y trompe. Cette initiative présidentielle annoncée mercredi en Conseil des ministres ne vise en réalité que deux personnalités politiques, Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall.

Exclus du jeu politique depuis la présidentielle de 2019, l'ancien maire de Dakar et le fils de Me Abdoulaye Wade ont besoin d'une amnistie pour revenir dans l'arène. Que cherche Macky Sall en remettant dans le jeu deux adversaires qui pourraient être redoutables pour son camp ? Une initiative présidentielle qui cache bien des non-dits.

En prenant une telle initiative, le Président Sall coupe l'herbe sous les pieds des députés de Yewwi askan wi et de Wallu Sénégal. En effet avec la démission d'Aminata Touré du groupe Benno Bokk Yaakaar, il sait que son camp n'a plus la majorité à l'Assemblée nationale. Autrement dit, Karim Wade et Khalifa Sall n'ont pas forcément besoin de lui pour obtenir une amnistie. L'initiative pourrait bel et bien venir de l'inter-coalition Yewwi-Wallu qui n'aurait besoin que de convaincre les députés non-inscrits. Ce qui serait une suprême humiliation pour le président de la République qui n'a jamais pressé le pas menant vers une amnistie.

L'autre avantage que Macky Sall pourrait tirer de cette initiative, c'est qu'une amnistie efface des faits commis sur une période bien déterminée. C'était le cas avec la loi Ezzan votée le 7 janvier 2005 par l'Assemblée nationale et qui avait permis au régime de Wade d'amnistier "toutes les infractions qu’elles soient correctionnelles ou criminelles " commises au Sénégal ou à l’étranger, en relation avec les élections générales et locales organisées entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 2004 ou "ayant des motivations politiques, que leurs auteurs aient été jugés définitivement ou non". Pour beaucoup, cette loi d'amnistie ne visait qu'à "effacer de la mémoire collective" l'affaire Me Babacar Seye, ancien vice-président du Conseil constitutionnel tué le 15 mai 1993 alors qu'il s'apprêtait à donner les résultats des élections législatives suite à la démission de Kéba Mbaye. Or, la loi d'amnistie voulue par Macky Sall peut aussi lui permettre de protéger les siens en cas de perte du pouvoir en 2024. C'est en tout cas ce que croit le député Guy Marius Sagna.  "Après avoir volé l'argent des Sénégalais, assassinés des Sénégalais, ils veulent effacer leurs crimes économiques et de sang à travers une auto-amnistie", a écrit le député membre de Yewwi askan wi en réaction du dernier communiqué du Conseil des ministres.

Last but not least, cette initiative que Pr Ismaëla Madior Fall est chargé de mettre en oeuvre peut permettre au chef de l'Etat de casser la bipolarisation Sonko-Macky dans laquelle le camp présidentiel ne cesse de laisser des plumes. Ainsi, à défaut d'écarter le leader de Pastef des prochaines joutes électorales, le chef de l'Alliance pour la république (Apr) remet dans le jeu Khalifa Sall et Karim Wade, qui réclame la révision de son procès et non une amnistie. Il tente ainsi de disperser les forces du camp d'en face et éviter une unité de l'opposition autour d'un seul candidat comme c'était le cas avec l'inter-coalition Yewwi-Wallu lors des législatives. Seule inconnue : on ne sait toujours pas si Macky Sall sera candidat ou non.