NETTALI.COM - A gouvernement de combat, budget de combat, devrait-on dire. Surtout au regard des plus de 6400 milliards de budget prévus pour 2023 contre les plus de 5000 milliards pour 2022. C’est ainsi sur une prévision de croissance de l’ordre de 10,1% en faveur du début d’exploitation des hydrocarbures que le gouvernement table. Un budget dont les 45% devraient répondre à la principale préoccupation des Sénégalais, le social. Il viendra ainsi, si les prévisions se confirment, rompre un cycle de taux de croissance en baisse que la Banque mondiale a projeté sur un chiffre de 4,8% en 2022, comparé à celui de 2021 qui est de 6,1%. C’était lors des conclusions de son récent rapport sur la situation économique au Sénégal.

 De quoi voir, à l’aune de ce budget, de la cohérence avec le combat que Macky Sall a déclaré mener contre la vie chère. Les Sénégalais devront donc remercier le ciel d’avoir pourvu le Sénégal en ressources. Sinon l’on ne voit pas du tout comment le président et son gouvernement pourraient inverser la tendance. Surtout au moment où le Directeur Général des impôts, Bassirou Samba Niasse fait le constat que «sur une population active de 6 millions de personnes, moins d’un million paie leurs impôts». Rien de vraiment nouveau sous le soleil. Il reste juste à l’Etat d’agir et d’user de tous les moyens pour augmenter l’assiette fiscale en débusquant au sein du secteur informel qui est le plus gros du bataillon des travailleurs qui échappent à l’impôt, tous ceux qui ne paient pas ; et dans le secteur formel, ceux qui en paient moins. 

 Elle est en tout cas bien loin l’époque Amadou Ba, ministre des finances où l’annonce de budgets records d’une année à l’autre, était un moment fort de communication, à grand renfort de couverture médiatique sous des airs glorieux. Il y  a, en réalité, pas vraiment de quoi bomber le torse pour des histoires de budget en sachant qu’il ne s’agit là que d’espoirs de recettes pour faire face à des dépenses. De l’argent issu de la collecte d’impôts, des douanes, des dividendes des sociétés dans lesquelles l’Etat est actionnaire ainsi que des ressources ou plus exactement du patrimoine que l’Etat exploite ou vend. Bref pas de quoi esquisser des pas de danse, surtout si l’on sait déjà dans notre pays que les recettes sont largement en deçà des besoins. Une des raisons, en effet, pour combler nos déficits budgétaires, c’est l’explosion par le Sénégal, du plafond d’endettement permis par les critères de convergence de l’Uemoa.

Mais des sceptiques sur la prévision de croissance de 10,1% en 2023, il y en a. Le professeur en économie Magaye Gaye par exemple s’interroge sur les leviers sur lesquels l’Etat va s’appuyer pour avoir ce taux ?

Dans un contexte où la Banque mondiale a fini de dresser un portrait sombre de l’économie sénégalaise, le Fonds monétaire international (Fmi), dans la conclusion de sa mission du 29 septembre au 6 octobre, a pris le relai pour relever « une activité économique au ralenti au 1er semestre, une forte hausse des subventions à l’énergie qui réduit les marges de manœuvres budgétaires », non sans pointer des « réserves budgétaires épuisées ». Ce n’est pas que cela puisque le FMI a également noté « une inflation des prix qui a atteint un niveau record sur plusieurs décennies de 11,2% en Août et son impact négatif sur le niveau de vie des ménages ». Aussi recommande-t-il à l’Etat, dans le cadre de la bonne gouvernance, de « rationaliser les dérogations au code des marchés pour le secteur de l’énergie et finaliser la révision du cadre juridique pour limiter strictement les dérogations aux appels d’offres ouverts et concurrentiels ». Le FMI ne s’en limite pas là, il a aussi pressé l’Etat de « renforcer le recouvrement des recettes, d’éliminer les exonérations fiscales onéreuses, réduire les subventions à l’énergie et rationaliser les dépenses non prioritaires ».

Difficile en tout de savoir à quoi servent ces subventions importantes à l’énergie, si la fourniture d’électricité a de plus en plus de mal à être assurée correctement ? A sans doute ne pas appliquer la vérité des prix au client, mais le fait que Senelec, une des actrices majeures du secteur a repris avec ses mauvaises vieilles habitudes de 2011, après avoir connu une période faste où les coupures sont devenues un mauvais souvenir, est un signal inquiétant. C’est en effet la seconde fois en si peu de temps que la société connaît une coupure générale d’électricité. Elle avait tenté la première fois à l’époque de se défausser sur Manantali qui l’avait pourtant prévenue un mois à l’avance d’une maintenance sur ses lignes. L’objectif était clairement que la société nationale prenne ses précautions pour ne pas connaître ce phénomène de coupure sur son réseau. C’est cela en réalité la pratique et elle occasionne à cet effet plusieurs réunions dans le but de se préparer. Le pire dans ce cas, est que les communiqués de la Senelec sont tellement laconiques et flous qu’on sent une volonté de désinformer. Jeudi 6 octobre encore, elle s’est encore défaussée sur Manantali. Mais au fond, ce qui est en cause, ce n’est rien d’autre qu’une mauvaise planification de l’énergie car Manantali n’apporte que 15% de son électricité au Sénégal, ce qui représente 10% de la production du Sénégal. Bref, on est en tout cas mal barrés sur ce plan car si les coupures venaient à s’intensifier, ce sont les artisans et les particuliers qui en pâtiraient fortement, au regard des leurs appareils endommagés et des activités qui risquent de s’arrêter.  

 Notre cher président a, semble-t-il, par ces temps qui courent, mangé du lion. Il se projette sur les fronts sociaux ayant bien appris la leçon sur les limites du tout infrastructurel,  après avoir abandonné durant presque ses deux mandats, le terrain de l’éducation, de la santé, du cadre de vie et surtout de l’assainissement.

Difficile de savoir pourquoi il a attendu autant de temps avant de se résoudre à admettre que le développement est finalement une affaire de cercle vertueux où tout est lié. Au regard de la manière dont il a administré le pays, il semble évident que la gestion d’un état ne peut nullement se limiter à chercher à en mettre plein la vue aux populations, en se lançant dans une politique infrastructurelle tous azimuts au mépris des autres secteurs tels que la santé, l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur, la sécurité ; et dans un second temps l’industrie et l’agriculture ses grosses pourvoyeuses d’emplois, sans oublier les services. Il y a bien évidemment l’environnement, l’assainissement, l’urbanisme, le cadre de vie… Mais que peut-il y avoir de plus important que les institutions qui sous-tendent la gouvernance ?  Macky Sall a sans aucun doute dévoyé le Programme Sénégal Emergent vendu à coups de milliards en relations publiques internationales et en road show, négligeant un autre aspect important dans tout pays et dans toute politique, qui est le capital humain.

Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, lors du conseil des ministres de ce mercredi 5 octobre, il est allé à l’assaut de plusieurs problèmes d’ordre social, lié aussi au cadre de vie. Notamment le volet protection civile dont il veut donner un nouvel élan à la politique qui l’encadre. Face aux nombreux incendies dans les marchés, les effondrements d’immeubles et entre autres accidents, le Chef de l’Etat a ainsi demandé au ministre de l’Intérieur et au ministre chargé de la Sécurité de Proximité et de la Protection civile de finaliser la Stratégie nationale de Protection civile, intégrant la transformation de la Direction de la Protection civile, afin d’assurer la prise en charge adéquate des risques et catastrophes signalés. Il a aussi rappelé « l’urgence d’actualiser le recensement systématique, dans chaque région, département, commune et village, des habitations, sites et infrastructures à risques. Il n’a pas manqué de demander l’élaboration d’une cartographie nationale des risques de catastrophes et à disposer des plans de protection subséquents à mettre en œuvre.

 L’école, elle, il ne l’a point oubliée. Soucieux de la stabilité de cette nouvelle année scolaire, il a demandé au Premier Ministre et aux ministres concernés, « de veiller au respect du quantum horaire et à la qualité du système éducatif en vue de consolider l’école de la réussite et de l’excellence. » A ce titre, il « a rappelé l’impératif de préserver un dialogue social permanent avec la communauté éducative pour asseoir un climat scolaire apaisé garantissant durant toute l’année 2022-2023, la continuité des enseignements et apprentissages. »

 Concernant l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’école sénégalaise, le président Sall a compte tenu de l’émergence du « Numérique à l’Ecole », invité Amadou Bâ et les ministres impliqués « à accentuer l’informatisation des établissements scolaires et à engager avec les collectivités territoriales, un vaste programme de reconstruction et de réhabilitation des écoles. » Ceci, indique le communiqué, « devra intégrer l’amélioration de leur cadre de vie avec pour objectif la réadaptation de l’architecture de nos écoles, collèges et lycées. »

 Bref, après le constat de la limite du tout infrastructure, il était temps que Macky Sall se penchât sur ce qui est la préoccupation de la majorité des Sénégalais. A savoir la demande sociale et la question du pouvoir d’achat, sans oublier le cadre de vie totalement anarchique avec un environnement complètement dégradé et anarchique : routes cassées, cratères, trottoirs délabrés et occupés par les tabliers et automobilistes, sans oublier les chantiers du Brt qui s’éternisent et qui entravent gravement la circulation dans beaucoup d’artères de la capitale 

 Sur la dernière ligne droite de son mandat qui s’achève en 2024, le temps semble jouer contre lui et Macky Sall n’a d’autre choix que de tenter de sortir par la grande porte, voire de sauver les meubles au cas où il voudrait prétendre à un mandat supplémentaire. Mais ça, c’est une autre question. 

 Le 3ème mandat, une question qui intéresse Aminata Touré plus que tout autre opposant, puisqu’elle en a fait son cheval de bataille contre Macky Sall. Pour être plus clair, son arme de destruction massive. Elle le suit décidément à la trace, consciente que c’est le sujet du moment qui fâche. Comme lorsque lors d’une réunion le 15 septembre avec les leaders de Benno Book Yaakaar, le président Macky Sall avait profité de sa tribune pour expliquer son choix porté sur Amadou Mame Diop au détriment d’Aminata Touré au poste de président de l’Assemblée nationale.

« Quand je confectionnais la liste, je n’avais promis à personne d’être tête de liste de notre coalition. C’est vrai que j’ai demandé à Aminata Touré la copie de sa carte d’identité, mais elle ne savait même pas qu’elle serait la tête de liste », avait-il déclaré. Avant d’ajouter : « je n’ai promis à aucun des candidats qu’il serait tête de liste. Chaque candidat méritait d’être tête de liste. Aminata Touré a ses habitudes, elle va, elle vient. Nous, on avance, on a des échéances devant nous ».

Une déclaration contre laquelle Aminata Touré n’avait pas mis de temps pour répondre. Elle avait ainsi profité de son point de presse du 25 septembre pour démonter Macky Sall. « Je n’ai jamais parlé de ma relation avec Macky Sall en 10 ans. Il arrive toutefois des moments où il faut faire le point. J’avais ainsi discuté avec Macky Sall, avant le début de la campagne, pour être la présidente de l’Assemblée nationale. Ce fut d’ailleurs le cas lorsqu’il devait me nommer à la présidence du CESE. Voilà la vérité », affirmait l’ancienne Première ministre.

Mais face à elle, même les membres du gouvernement de combat ne font pas le poids. Oumar Youm tout président du groupe parlementaire, malgré ses menaces, ne peut pas faire fléchir Mimi. Elle n’en a en réalité cure de ses attaques. Tout au plus, a-t-il demandé à ce cher Youm d’assumer ses positions contre la 3ème candidature de Macky Sall. Une réponse aussi sèche que brutale qui a envoyé l’ancien Directeur de cabinet du président de la république dans les cordes. Un affrontement qui se limite pour le moment qu’à des escarmouches, mais qui risque de se muer en combat total pour ne pas dire en guerre totale. 

Mais le terrain qu’occupe désormais Aminata Touré risque d’être dévastateur pour Macky Sall en termes d’image. C’est l’option de le vilipender dans les médias occidentaux où notre cher président avait cette propension à réserver la primeur de ses déclarations. La preuve qu’il accorde beaucoup d’importance à l’opinion de ses amis occidentaux.

Si l’épisode Bart connaît en ce moment une accalmie, c’est en partie en raison de son pourvoi en cassation, au niveau de la Cour suprême. L’affaire Sonko Adji-Sarr, a-t-on appris, est sur le point d’être réchauffée après une période de calme dans les tiroirs du juge d’instruction. Lors des visites liées au Gamou dans les maisons religieuses, et malgré cette annonce d’amnistie qui cherche à semer les germes de la division dans yewwi, Khalifa Sall aphone depuis un certain temps, est sorti de sa réserve pour avertir : « Que Macky Sall sache qu’on ne se laissera pas faire. Qui s’attaque à l’un de nous, s’attaque, s’attaque à nous tous ». Quant à Aïda Mbodji, a tenu à alerter : «quand la presse assure que la convocation de tel ou tel autre, est imminente, nous devons rester sur nos gardes ». Bref, tout ceci est révélateur d’une atmosphère politique 2022 qui n’est pas de tout repos et qui annonce un 2023 qui risque d’être aussi mouvementé, sinon pire, puisque on s’achemine vraisemblablement vers la prochaine présidentielle avec des enjeux incroyables en termes de conquête du pouvoir.