NETTALI.COM - Il avait, à l’époque, voté une loi pour les contraindre à réduire le coût jugé élevé des loyers. Mais à l’heure de l’application, les bailleurs ont prouvé qu’ils savaient, eux aussi, user de subterfuges pour contourner une mesure qui ne les agréait point. Et pourtant, la loi sur les surfaces corrigées existe bel et bien, depuis l’époque Senghor. Elle permet d’avoir recours à des experts immobiliers pour arriver à déterminer le coût d’un loyer donné, avec à la clef, des sanctions pénales pour les bailleurs qui viendraient à contrevenir à la loi. Mais, la question est de savoir qui l’applique ?

L’on a en effet préféré l’ignorer pour adopter une mesure jugée autoritaire. La bonne question est dès lors de se demander si cette loi est adaptée à la circonstance, auquel cas, elle doit être appliquée ; soit elle ne l’est pas, et dans ce cas, il faut la remplacer par une autre plus appropriée. Sacrés Sénégalais avec leurs textes parfaits sur le papier, mais jamais appliqués à la lettre.

La conséquence de tout cela, c’est qu’avec la désastreuse expérience de la contrainte dans le domaine de la location, le président de la République a été obligé d’avouer publiquement son impuissance et de renoncer. Jusqu’à ce que récemment, son « gouvernement de combat » le réarme pour une nouvelle croisade, dont on ne sait d’ailleurs s’il en sortira vainqueur ou pas.

Cette fois, le président Sall a décidé d’ajouter à son combat, un contenu supplémentaire comme pour le corser. La lutte contre la vie chère, dans un pays où l’équilibre des foyers est fortement menacé par une inflation déraisonnable des prix, dans un environnement incontrôlé où la guerre Ukraine-Russie est quasiment évoquée pour justifier tout et n’importe quoi.

Bref une nouvelle croisade qui a cette fois-ci nécessité la mobilisation populaire dans une assemblée de consommateurs, d’associations et d’experts en tous genres. On espère juste que la montagne n’accouchera pas d’une souris. Mais l’on ne peut en même temps manquer de se demander si cette grand-messe n’est pas finalement un nouvel os à ronger pour le peuple pour masquer des années d’incurie, à un moment charnière. Le pire pour le président est que les élections successives lui ont montré qu’il n’est plus le maître du jeu, tant sa chute s’accélère tous les jours, alors qu’il est sur la dernière ligne droite de son mandat.

Macky Sall est un politicien pur jus qui aime bien s’entourer des foules pour leur vendre ses projets et faire passer ses pilules. Difficile dès lors de ne pas imaginer qu’il se joue de la naïveté de ses concitoyens. N’avait-il pas au lendemain des émeutes de mars, organisé une opération de séduction à l’endroit des jeunes, leur promettant monts et merveilles ? C’était lors de cette fameuse rencontre de Diamniadio. Et également lors du conseil présidentiel pour l’insertion et l’emploi des jeunes en partenariat avec le secteur privé dans le cadre de « xeyu ndawgni ni », avec notamment la création de centres de formation dans les filières de l’horticulture, de l’aviculture, de l’hôtellerie et de la restauration. La première séance avait eu lieu le 10 mars dernier à Pikine et d’autres jeunes de la Médina, Keur Massar et Dakar plateau avaient pu échanger avec lui via les plateformes numériques. Il y a par ailleurs ces emplois vendus, notamment sur des programmes de pavage et de reforestation. Avons-nous depuis lors entendu parler de ces emplois qui, en réalité, ne peuvent être que temporaires pour ne pas dire précaires ?

De même récemment, il a été beaucoup question de l’intégration de 1000 nouveaux volontaires de la consommation à envoyer à l’assaut du contrôle des prix. Il est en effet bien illusoire de penser à un contrôle efficace des prix sur fond de délation, avec des jeunes à la formation approximative, sans oublier de possibles dérives autoritaires qui peuvent survenir à ces occasions. Sur la question des loyers, l’on entrevoit déjà la multiplication des litiges et l’augmentation des contentieux qui vont venir compliquer le travail des juges en nombre insuffisant et surtout débordés.

Si les assemblées populaires de Macky Sall ne s’apparentent pas à des tribunes populistes, difficile d’imaginer ce que cela peut être d’autre ? On imagine en tout cas mal le président Sall réussir ce qu’il n’a pas pu réaliser en 10 ans. Comment vouloir se remettre tout d’un coup à penser au social, alors qu’il avait tout un boulevard et des années devant lui ? Le but de la gouvernance n’est-il pas après tout de permettre aux populations de s’épanouir dans leur vie quotidienne, en mangeant à leur faim, en se soignant et surtout en éduquant leurs enfants dans des environnements sains. Lui a sans doute pensé que les infrastructures se mangeaient et qu’il fallait les regarder essaimer la ville, dans un environnement agrémenté de stades et d’autoponts en forme de serpent pour ne plus avoir faim !

La réponse à ces questions que le président pose de manière publique et populiste, ne se trouve certainement pas dans les mesures quoi qu’inclusives qu’il est en train d’imaginer, mais plutôt dans des solutions structurantes. Et il semble que le moment soit bien tardif pour cela. Dans le cadre de sa politique de logement, il aurait par exemple pu initier tout au début de son règne, des programmes de logements sociaux sur plusieurs années, de manière à pouvoir aujourd’hui agir sur l’offre et la demande ; désenclaver par exemple Dakar jusqu’à Mbour avec un moyen de transport de masse, un train juste confortable, aurait pu être un début de solution. Des Sénégalais auraient dès lors pu habiter Mbour ou Thiès et venir travailler à Dakar.

De même pour lutter contre la vie chère, il aurait gagné à explorer au début de son mandat, le consommer sénégalais en impulsant une politique d’autosuffisance en riz, mil et en légumes dans le cadre du maraîchage, avec pour objectif de réduire les importations ainsi que le déficit de la balance commerciale. L’on aurait par exemple pu promouvoir par exemple la fabrication du pain grâce au mil, au lieu de nous livrer à des importations massives de blé et autres. De même qu’on aurait pu vulgariser la culture du blé comme a eu à l’expérimenter la Société de l’Aménagement des Eaux du Delta -Saed) ; de même que la culture de ce riz qui ne nécessite pas ces énormes quantités d’eau qu’on a toujours connues.

Mais comment prétendre à la souveraineté alimentaire si les terres sont cédées à des Chinois, Indiens, espagnols, etc qui vont cultiver et exporter leurs productions vers l’Europe ? Les Chinois ont ainsi réussi à transformer des paysans en ‘« esclaves » en leur remettant des semences et intrants, de manière à pouvoir acheter leurs récoltes en priorité.

A quoi peut mener le fait de vouloir agir sur les taxes pour baisser les prix ? Un procédé qui ne peut en aucun cas être une solution durable et viable dans un contexte où l’Etat vit essentiellement de cette ressource, surtout que le Directeur des impôts a récemment fait l’amer constat que moins d’un million de sénégalais sur 6 millions de la population active, paie l’impôt.

Mais le constat malheureux à faire, est que sur la dernière ligne droite de son mandat, Macky Sall ne cesse de faire dans l’activisme. Il veut laisser cette impression qu’il déploie des efforts énormes pour résoudre les problèmes des Sénégalais. Mais dans cette mouvance, il en arrive à poser des actes qui ne l’honorent point. Comme le fait de multiplier des signaux populistes qui font facilement penser à de la manipulation. Sa visite présentée comme spontanée à Guédiawaye, si on en croit « Le Témoin » qui a vendu la mèche, démentant au passage les propos de Racine Talla selon lesquels, on l’aurait prévenu de la présence du chef de l’Etat dans sa commune, est loin de l’être. C’est en effet une ridicule mise en scène qui, selon le journal, n’avait d’autre but que de montrer un président proche de son peuple, à un point tel que des passants ont réclamé qu’il fasse un 3ème mandat devenu une demande sociale. Il nous a ainsi livré le scénario en ces termes : « plutôt que de trouver des figurants anonymes, il présente au Chef, dans le rôle du citoyen lambda, son directeur de cabinet et non moins chargé de mission à la présidence de la République. Le bienheureux est également agent de la Dgid (Direction générale des Impôts et Domaines). Il y a également un autre conseiller municipal du scénariste. Lui, il a été engraissé par l’argent des inondations. » Et le canard de conclure : « après ça, vous voulez que l’on ne doute pas de leur sincérité lorsque tous ces mauvais acteurs viennent s’égosiller pour nous présenter un 3ème mandat du président de la République comme étant une demande sociale ? »

Une forme de mise en scène pas si nouvelle que cela. Comme cette image de femme toujours souriante, joviale, avec la main sur le cœur. Cette image de sénégalaise authentique que l’on cherche à vendre aux Sénégalais avec des apparitions qui donnent l’impression d’être improvisées, mais ô combien calculées ; ou encore ces scènes de marchandage de mouton de tabaski du couple présidentiel !

Mais pas une mise en scène qui ait réussi car le côté surjoué finit toujours par trahir. L’œuvre de communicants mal inspirés et surtout sans talent ! Qu’y a-t-il finalement de plus simple que de décider de travailler sincèrement et fidèlement à son serment pour son peuple ? Difficile de tromper tout le monde tout le temps ! Allez au travail.