NETTALI.COM - Comment faire passer le vice pour de la vertu ? C’est le tour de passe-passe qu’a tenté Abdou Karim Fofana, tout porte-parole du gouvernement qu’il est. Il ne s’était certainement pas rendu compte qu’il se livrait là à une tache ô combien difficile, face à un public averti de Sénégalais. Avec ce communiqué aussi laconique que vide, le gouvernement n’a fait que s’enfoncer davantage dans une sorte de fuite en avant à laquelle il nous a si longtemps habitués.
Soit, il suppose que ce qui a été dit ne correspond pas à la vérité. Auquel cas, la crédibilité de ce consortium de journalistes, regroupant 47 médias indépendants, dont Le Monde et The Guardian, qui a débusqué ces infos, mais alors pas du tout catholiques et encore moins islamiques, serait fortement entamée.
Tout ceci est révélateur d’une chose. A chaque fois que la Presse joue son rôle au lieu de nous distraire avec des faits divers politiques et de la petite info, elle lutte contre la mauvaise gouvernance et renforce de fait cette démocratie qui mérite de franchir des caps. Du terrain, elle en a vraiment perdu !
Il serait en tout cas bien surprenant que ce cas de figure de fausses révélations par ce consortium puisse être envisagé au regard de cette tentative du porte-parole du gouvernement de vouloir faire entrer le ministère de l’environnement dans ce cercle très restreint des entités étatiques citées par le décret 2020-876 du 25 mars 2020 complétant l’article 3 du décret 2014 -1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics, modifié par le décret 2022-22 du 7 janvier 2022. Il exclut en effet du champ d’application du Code des marchés publics les travaux, fournitures, prestation de services et équipements réalisés pour La Défense et la sécurité du Sénégal et classé « Secret Défense».
Le décret en question ne cite que les ministères des forces armées et de l’intérieur. Autrement dit, seules l’armée, la gendarmerie et la police peuvent passer des marchés classés «Secret Défense». Et des spécialistes au fait de ces questions, font valoir que lorsque le ministère de l'environnement souhaite acquérir des armes, il doit passer par les forces armées qui ont la capacité de commander sous le sceau du secret défense, après spécification des besoins du ministère pour ses entités à qui est dédiée la lutte contre le braconnage et la coupe illicite des arbres ?
Une affaire en tout cas loin d'être claire quant à l'effectivité du marché, les modalités de règlements et le niveau d'exécution. De plus, l'on appris qu'un matériel non militaire, figure dans le lot.
Mais à qui diable Karim Fofana pensait-il avoir affaire en nous vendant une sauce si amère à avaler ! Il s’imaginait sans doute que les seuls à bien connaître les textes de lois et le code des marchés publics, c’est ce gouvernement de combat d’Amadou Ba. Pardon de Macky Sall. Ils ont dû oublier que les Sénégalais ne dorment plus que d’un seul œil depuis qu’on leur a bourré la moue avec ce beau vœu pieux de gouvernance sobre et vertueuse, qu’ils ne voient toujours pas arriver. Le hic, c’est qu’à la vérité, il n’y a point de lueur pour pointer à l’horizon !
N’ont-ils pas récemment pondu des dérogations liées aux produits pétroliers, gaziers, le secteur de l’électricité, y compris les consommables entrant dans le processus ? Ils nous ont mis sous les yeux l’équation de la célérité dans un contexte de crise mondiale de l’énergie sur fond de concurrence mondiale à l’accès à ces produits devenus hyper difficiles à acquérir. C’est une course, selon eux. Allez toutefois savoir la manne financière qui se cache derrière ce secteur de l’énergie. Mais, de là à libérer un boulevard de marchés de gré à gré, il y a un pas qu’on n’aurait jamais dû franchir. Une gouvernance, bon Dieu, c’est aussi de la planification et de la prévision ! Vouloir jouer sur le coup de l’urgence, tout le temps, avouons que cela ne peut être une règle éternelle. Mais laissons-leur tout de même cette excuse de décret qu’ils ont pris à la place de la loi, car cette crise évoquée, est conjoncturelle, mais certainement pas éternelle. Mais vigilance, vigilance et vigilance car la crise est appelée à prendre fin un jour.
Que l’on cherche à prendre les Sénégalais pour des demeurés, c’est un fait. Que l’on cherche à leur faire avaler que les eaux et forêts, les parcs nationaux dépendant du ministère de l’environnement, doivent se doter d’armes de guerre qui feraient pâlir de jalousie certaines armées africaines sous régionales dans l’indigence totale sur le plan de l’armement, est tout simplement du foutage de gueule. C’est de notoriété publique que ce sceau de « secret défense » dans lequel l’on cherche à se draper pour ne pas dire s’emmurer, concerne l’Armée, la Gendarmerie et la police, les deux premiers dépendant des forces armées. Qu’elles puissent se procurer des armes dans le secret, est tout à fait concevable, mais que les agents des eaux et forêts et ceux des parcs nationaux, qui luttent contre le braconnage et la coupe illicite de bois, ne puissent pas le faire, est tout à fait logique. Mais que l’on veuille y glisser la sauce terrorisme aux frontières, est tout simplement du délire. Car il ne revient pas aux agents des eaux et forêts et des parcs nationaux de lutter contre le terrorisme. C’est aussi un fait que l’armée appuie ces entités du ministère de l’environnement dans leurs opérations.
Mais le pire dans cette affaire est que la société dont on nous dit qu’il a un représentant légal, La Vie commerciale Brokers sise à Fann, société fille de la même société basée à Dubaï Lavie Commercial Brokers, ne change rien au film. L’entreprise est enregistrée par Aboubakar Hima alias Petit Boubé, accusé d’écumer des contrats d’armements surfacturés. Sulfureux vendeur d’armes nigérien, l’homme serait déjà mis en cause dans le cadre d’une fraude de plusieurs dizaines de millions de dollars liée à des contrats d’armement dans son pays (l’un des plus pauvres du Monde) et serait recherché par le Nigéria dans le cadre d’autres dossiers. Outre les accusations contre lui au Niger, Hima est recherché par l’agence anti-corruption pour son rôle dans les contrats d’armements douteux d’une valeur de 400 millions de dollars, d’après l’OCCRP.
Qu’est-ce que diable a dû bien les prendre de faire affaire avec un tel individu ? Difficile de savoir ce qui s’est passé dans la tête d’Abdou Karim Sall, mis en cause dans l'affaire et d’Abdoulaye Daouda Diallo, actuel directeur de cabinet du président de la république. Si le premier n'a pas été reconduit dans le gouvernement, le second a été évincé de son poste de ministre des finances pour atterrir dans le cabinet du président. Le président de la république doit désormais se faire du souci pour son cabinet et ses affaires, mais surtout les surveiller comme du lait sur le feu. Le trafic de passeports diplomatiques est passé par là, impliquant des députés et des gendarmes. Le procès se joue actuellement au tribunal militaire. L’on apprend même que 14 faux dossiers ont été débusqués et que les faux dossiers étaient glissés dans le courrier de l’aide camp du président. Les perquisitions ont d'ailleurs permis aux enquêteurs de découvrir que les «faussaires» sont parvenus à confectionner, plus d’une vingtaine de passeports diplomatiques. Les passeports auraient été vendus aux alentours de 6 millions FCFA.
De même, les investigations techniques effectuées sur les téléphones portables des mis en cause ont également permis de découvrir des captures d’écran de photos de passeports diplomatiques, des documents administratifs en rapport avec la délivrance de passeports diplomatiques, ainsi que des reçus et messages d’accusé de réception de transactions monétaires. Il ressort de cette analyse technique la présence du numéro de téléphone de l’adjudant-chef Bâ sur les téléphones des mis en cause, ainsi que des communications régulières entre ce dernier et Limamoulaye Seck, un homme d'affaires poursuivi dans ce malfaiteurs, pour faux et usage de faux, trafic de migrants.
Un vrai bordel au cœur de la république. 45 milliards 300 millions, c'est énormément d'argent pour le pays pauvre que nous sommes.
Une affaire qui n’est pas du tout bonne pour l’image du Sénégal et encore moins pour le président lui-même. Macky Sall a en tout cas du souci à se faire, au moment où la question du 3ème mandat se pose avec acuité, le temps étant aujourd’hui devenu son ennemi N°1 à un moment où l’on est sur la dernière ligne droite de la fin. Sa montée au front sur le terrain social, ce chantier bien tardif de l’industrialisation dont on sait qu’il ne jaillira pas de résultat sinon du saupoudrage, plombe davantage sa gouvernance qui a raté le virage du ressaisissement depuis bien longtemps.
Un front se signale déjà et se dresse déjà devant lui pour lui signifier que « la paix vaut mieux qu’un 3eme mandat ». Un slogan signé par AfrikaJom Center d’Alioune Tine, Y’en A Marre, AfricTivistes, LEGS Africa, la Ligue Sénégalaise de défense des Droits de l’Homme, le RADDHO, le Forum Social Sénégalais, FRAPP France Dégage, UDEN, Seydi Ababacar Sy Ndiaye, Abdourahmane Sow. Ceux-là « l’invitent solennellement à ne pas présenter » sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, « par respect pour la parole donnée et par respect pour l’interprétation claire et sans équivoque » qu’il n’a « cessé de donner de notre Constitution ». Objectif, lui mettre la pression dans le sens de l’obliger à abdiquer à un moment où dans son camp, Racine Talla et Cie l’incitent fortement à se présenter.
Que l’on n’aille surtout pas traiter ces activistes de terroristes, des membres du camp présidentiel ont aussi défendu cette 3ème candidature. L’erreur serait surtout de devoir demander à Macky Sall de dire s’il est candidat ou pas, le mandat ne lui appartenant pas. Il appartient bel et bien au peuple. Le ni oui, ni non n’engage finalement que lui-même. Il a un mandat, qui lui a été donné par ses mandants, il est donc un mandataire du peuple. Et cela, il ne doit jamais l’oublier.