NETTALI.COM- Les affirmations de la Secrétaire générale d’Amnesty international faisait étant de restrictions de liberté au Sénégal et d'impunité des forces de sécurité font réagir le ministère de la Justice. Dans un communiqué, il dément Agnès Callamard en dénonçant « une ignorance totale du système judiciaire ».
Après une visite de deux semaines en Afrique de l’Ouest, la Secrétaire générale d’Amnesty international a fait face à la presse le vendredi 28 octobre 2022. Agnès Callamard qui rendait compte de sa mission, a fait état entre autres de violences lors des manifestations, de la restriction de l'espace civique avec les interdictions de marches.
Le constat d’Amnesty soulève la réaction du ministère de la Justice qui bat tout en brèche. Dans un communiqué, le département ministériel dirigé par Ismaïla Madior Fall rappelle que « notre pays, fidèle aux idéaux des droits de l’homme et ayant à l’esprit que le respect des libertés de réunion et de manifestation constitue un des piliers fondamentaux d’une société démocratique, a toujours été attaché à leur exercice effectif. »
Toutefois, argue le ministère, « cet exercice doit s’effectuer dans le respect strict des lois et règlements en vigueur ». Par conséquent, « ceci peut justifier une intervention légale et légitime de l’Etat dans certaines circonstances telles que la nécessité de prévenir les risques de troubles à l’ordre public. » Ce faisant, contrairement aux déclarations de Mme Callamard, le document du ministère précise que « le Sénégal n’a jamais manqué au respect de ces principes ».
Un argument étayé par des statistiques relatives à l’exercice des libertés publiques des quatre dernières années. D’après le communiqué, « sur 4828 déclarations reçues, 108 sont interdites, soit, 2,24% en 2018 ; sur 5535 déclarations, 75 sont interdites, soit 1,36% en 2019 ; sur 2516 déclarations, seules 79 sont interdites, soit 4,33% en 2020 dont la hausse était liée aux mesures restrictives, prises par l’autorité dans le cadre de la proclamation de l’état d’urgence le 30 mars 2020 dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19, telles que l’interdiction des réunions et des rassemblements dans certains lieux publics jusqu’au 05 janvier 2021. » D’après toujours le document, « une nette tendance baissière a été retrouvée au cours de l’année 2021 avec 45 interdictions, soit 1,95% sur les 6256 déclarations reçues. »
Compte tenu de ces chiffres, le ministre et ses collaborateurs relèvent que « les mesures d’interdiction ont toujours été fondées sur des motifs valables tels que : la nécessité de prévenir les risques de troubles à l’ordre public ; la nécessité de garantir la libre circulation des personnes et des biens sur les axes routiers stratégiques ; l’exigence de garantir la sécurité des personnes et des biens. » Aussi réfutent-ils la répression policière en rappelant que « les forces de défense et de sécurité ne sont mobilisées que pour garantir la jouissance des droits et libertés par la préservation de l’ordre public et la liberté de circulation. »
Quid de l’absence de sanction suite aux événements de mars 2021 qui avait occasionné 14 morts ? Le ministère répond à Amnesty que « la justice veille au quotidien au respect des droits et libertés individuels. » « Les citoyens peuvent librement saisir la justice qui veille au respect de la loi par les autorités administratives que sont les préfets. D’ailleurs, l’article 85 de la loi organique relative à la Cour suprême permet au juge des référés, saisi d’une demande justifiée par l’urgence, d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative aurait porté une atteinte grave. Les procédures et délais de traitement des dossiers au niveau de la justice font l’objet d’un encadrement efficace et transparent », rassure-t-on.
Mieux, le ministère renseigne que « les agents d’exécution des lois ont mené, de manière diligente, des enquêtes sous la direction des Procureurs de la République. » « Les auteurs des faits récriminés ont été traduits en justice, soit par la voie du flagrant délit sanctionnée par des décisions judiciaires de condamnation ou de relaxe prononcées soit par la voie de l’information judicaire devant les cabinets d’instruction lorsqu’il s’agit d’affaires criminelles. Ces dossiers ouverts, au niveau des cabinets, sont instruits par des magistrats instructeurs sous le contrôle des Chambres d’Accusation. L’instruction menée devrait aboutir à un renvoi en phase de jugement devant des chambres criminelles permanentes ou à un non-lieu lorsque les charges sont insuffisantes », rappelle la source. Laquelle informe qu’ « un système de collecte des données et de suivi des actions judiciaires entreprises est centralisé par le Ministère de la justice, chargé du bon fonctionnement du service public de la justice, socle de l’Etat de Droit. »
Tout en rappelant que les droits de la défense sont respectés à travers l’article n° 5 du règlement de l’Uemoa, le ministère souligne également que « concernant les éventuels cas d’abus de la part des forces de l’ordre, les victimes peuvent sur le fondement de l’article 59 CPP alinéa 3 saisir directement par requête la Chambre d’Accusation. »
Dans la foulée, il indique que « l’État du Sénégal garantit des réparations pour toutes violations des droits humains après enquêtes impartiales pour traduire les auteurs présumés en jugement, évitant ainsi toute impunité. Par ailleurs la commission d’indemnisation non juridictionnelle est logée à la Cour suprême. »
Par ailleurs, les allégations de recours excessifs à la force sont également battues en brèche. « Il y a lieu de relever que les pratiques, pour l’essentiel, sont conformes aux principes de base régissant le recours à la force par les agents d’exécution des lois. Les rares manquements sont déférés devant les autorités judiciaires ; lesquelles apprécient souverainement les faits », explique le ministre.
Autant d’arguments qui font dire au Garde des Sceaux que « les commentaires portés sur les cas de saisine ou d’enquêtes au Sénégal par Amnesty International dénotent une ignorance totale du système judiciaire au service des justiciables et des acteurs économiques. »
Aussi, le gouvernement condamne-t-il « fermement l’accusation grave et non prouvée selon laquelle 13 des 14 morts, tués lors des manifestations de mars 2021, l’ont été par les forces de l’ordre et se réserve le droit d’user des voies appropriées pour le rétablissement de la vérité. »
Dans la même veine, l’ONG Amnesty international est invité « à faire preuve de rigueur dans sa méthodologie de travail et de s’abstenir de faire des jugements de valeur susceptibles de semer la confusion dans l’esprit du public et de l’opinion publique internationale. »