NETTALI.COM - Après les échanges houleux dans l’espace public et sur les plateaux médiatiques entre pro et anti-Ousmane Sonko, place aux choses sérieuses, avec le début des auditions sur le fond de l’opposant politique radical au président Sall. Ousmane Sonko devra faire face au juge d’instruction ce jeudi.
Que risque Ousmane en répondant ce matin à la convocation du juge d’instruction ? Ce dernier peut-il le placer sous mandat de dépôt, à la suite du face-à-face ? Quelle sera la réaction des militants et sympathisants ? Autant de questions qui se posent chez les Sénégalais qui ont les yeux et l’esprit rivés vers le palais de Justice et le doyen des juges d’instruction Oumar Maham Diallo. Des spécialistes apportent des éclairages.
Ousmane Sonko devrait rentrer chez lui, après l’audition À l’unanimité, les avocats et magistrats interpellés par ‘’EnQuête’’ n’envisagent aucunement autre chose qu’une simple audition. «Je ne pense pas à un mandat de dépôt (…), d’autant plus que le mis en cause a été placé sous contrôle judiciaire. À moins que celui-ci ne soit révoqué. Je pense qu’il sera simplement auditionné et pourra rentrer chez lui’’, soulignent deux magistrats.
D’après eux, il faudrait peut-être une violation des conditions du placement sous contrôle judiciaire pour que le juge puisse invoquer sa révocation et opter pour le mandat de dépôt. «Comme ça a été le cas pour Ndiaga Ndour’’, renchérit l’un d’eux.
À l’instar des magistrats, cet avocat affirme avec force que le leader du Pastef/Les patriotes va rentrer chez lui après le face-à-face. Ce jeudi, soutient-il, «il n’y a pas d’autres hypothèses possibles que l’audition. C’est une affaire très simple ; je ne sais même pas pourquoi cela suscite tellement de tollé. C’est très banal cette audition’’. En demandant à ses militants de rester chez eux, il échappe à une possible révocation du contrôle judiciaire. Dès lors, la question qui se pose est de savoir quelle sera la suite après cette audition qui ne sera pas de tout repos entre Ousmane Sonko et le doyen des juges d’instruction ?
Selon les explications, deux issues sont possibles. D’une part, l’ordonnance de non-lieu qui met un terme à la procédure. D’autre part, renvoyer le mis en cause devant la juridiction de jugement. Auquel cas, certains ont estimé la mise en prison de la personne poursuivie. «Si la personne est renvoyée pour jugement en matière criminelle - c'est le cas du viol aujourd'hui - en principe, on la met à la disposition de l'Administration pénitentiaire. Entre les mains de celle-ci, la personne va comparaître... », souligne un des magistrats.
Son collègue de préciser : « Il faut juste noter que la prise de corps est laissée à l’appréciation du président de la chambre criminelle. Ce n’est plus une obligation. » Alioune Tine pour un débat national pour une refondation des institutions Dans tous les cas, la tendance actuelle rassure plus d’un Sénégalais.
Interpellé, le président d’Afrikajom Center, membre du Comité de médiation Forces vives du Sénégal, ne cache pas son soulagement à la suite de la déclaration d’Ousmane Sonko. Selon lui, le leader politique a fait montre d’une vraie maturité et d’un sens des responsabilités. «Permettez-moi, dit-il, de saluer la déclaration très mature d’Ousmane Sonko, qui permet d’éviter le cauchemar vécu lors des évènements de mars 2021. Il a fait montre d’un vrai sens des responsabilités. C’est également une façon de restaurer le pouvoir des juges et c’est très positif pour la suite’’. Pour le leader de la société civile, les juges devraient saisir la balle au bond et dire le droit dans toute sa rigueur. À en croire M. Tine, c’est le sentiment de justice à double vitesse qui est la plus grande menace pour les institutions. «La justice doit faire preuve d’indépendance et se donner les moyens de dire le droit et rien que le droit. C’est un dossier sensible certes, mais il faudra faire preuve d’un sens élevé des responsabilités en ce contexte chargé d’inquiétudes, avec toutes les vulnérabilités qui nous entourent’’.
Alioune Tine souhaite ainsi que la justice fasse son travail dans l’indépendance et l’équité. «Le sentiment que la justice n’est pas indépendante, qu’elle agit sous la dictée des pouvoirs, c’est une source de violence. Ce n’est pas seulement valable au Sénégal, c’est valable partout. Chez nous, ce sentiment est exacerbé par le fait que les citoyens pensent que la justice marche à double vitesse. D’où l’intérêt de ce que nous proposons, à savoir un grand débat national pour voir comment refonder les institutions démocratiques, le fonctionnement du pouvoir, son équilibre et sa distribution. Voilà les véritables enjeux’’.
Pour le moment, le président d’Afrikajom Center en appelle à un dégel chez les forces de l’ordre. ‘’Le fait de mobiliser les FDS de la sorte peut sonner comme une menace. Nous appelons vivement les forces de défense et de sécurité d’en faire de même (qu’Ousmane Sonko) pour que ce climat de paix et de sérénité puisse continuer de prévaloir. Ceci est une épreuve qui est loin d’être simple pour le Sénégal. Il faudra faire preuve de sagesse pour en sortir dans la paix, dans la stabilité et dans l’unité, parce que nous avons beaucoup de défis qui nous attendent’’, plaide le défenseur des Droits de l’homme. Non sans ajouter : ‘’Le jour où la justice va s’émanciper, ce sera le jour où l’on va renforcer l’État de droit.’’