NETTALI.COM - Le ministre de la Justice a adressé une liste de noms aux procureurs généraux, sur laquelle figurent celui de l’ancien président ainsi que de nombre d’anciens ministres.

Après avoir visé les caciques du régime d’Alpha Condé, la junte au pouvoir en Guinée s’attaque désormais à l’ancien président. Le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, a ordonné ce 3 novembre d’engager des poursuites judiciaires, notamment pour des faits présumés de corruption, contre l’ex-président Alpha Condé, qu’elle a renversé par un coup d’État en 2021, et contre plus de 180 hauts cadres ou ex-ministres.

Les poursuites sont engagées « pour des faits présumés de corruption, enrichissement illicite, blanchiment d’argent, faux et usage de faux en écriture publique, détournement de deniers publics et complicité ». Depuis son arrivée au pouvoir, la junte de Mamadi Doumbouya applique une « politique de moralisation de la vie publique » et a fait de la lutte contre la corruption l’un de ses porte-étendards.

Une quarantaine d’anciens ministres visés

Dans sa lettre publique adressée aux procureurs généraux, Alphonse Charles Wright, en poste depuis le 12 juillet, franchit une nouvelle étape en nommant l’ancien chef de l’État, toujours en Turquie pour raisons médicales, et un grand nombre de ses cadres lorsqu’il était au pouvoir.

Parmi eux, l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et une quarantaine d’anciens ministres, comme Mohamed Diané à la Défense (incarcéré depuis le 6 avril, aux côtés notamment d’Ibrahima Kassory Fofana et d’Oyé Guilavogui), Mamady Camara, à l’Économie ou Mariama Camara, au Commerce. Un certain nombre de conseillers à la présidence sous le régime Condé sont également cités. Au total, la liste comporte 188 noms, dont certains sont déjà en prison – Mohamed Diané est incarcéré depuis le 6 avril, aux côtés notamment d’Ibrahima Kassory Fofana et d’Oyé Guilavogui – et d’autres cités plusieurs fois. Leurs comptes sont gelés, indique le document.

« Il est impératif d’ouvrir des enquêtes judiciaires pour élucider l’origine des fonds de ces différents comptes sans que cela ne porte préjudice au dégel lorsqu’il sera établi de manière contradictoire que ces comptes sont exempts de toutes présomptions d’enrichissement illicite », affirme le ministre de la Justice.

Alpha Condé déjà poursuivi pour assassinats

Ce n’est pas la première fois que des poursuites sont engagées contre l’ex-président Alpha Condé, 84 ans, mis en cause en mai pour des faits présumés notamment d’assassinats, actes de torture, enlèvements et viols, dans ce pays où la répression des manifestations politiques est souvent brutale.

La justice guinéenne avait agi à la suite de l’action engagée au mois de janvier 2022 par le Front national de défense de la Constitution (FNDC), un collectif à la pointe de la contestation contre le troisième mandat de Condé mais dissous au début d’août par la junte. Ses membres dénonçaient la gestion « unilatérale » de la période de transition, la confiscation du pouvoir, et avaient appelé à des manifestations, interdites par les autorités. Plusieurs de leurs cadres croupissent désormais depuis en prison.

Un autre procès emblématique en cours

Exemple de la volonté de justice – « boussole » du pays d’après les mots du colonel Doumbouya –, proclamée par la junte, le procès de l’ex-dictateur guinéen Moussa Dadis Camara et d’une dizaine d’anciens officiels militaires et gouvernementaux, prévu depuis des années, s’est ouvert le 28 septembre devant un tribunal de Conakry.

Ceux-ci doivent répondre du massacre du 28 septembre 2009, au cours duquel 156 personnes avaient été tuées, des milliers d’autres blessées et au moins 109 femmes avaient été violées, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU.

Auditionné jusqu’au 2 novembre, Aboubacar Sidiki Diakité (dit « Toumba »), l’ancien aide de camp de Dadis, a livré sa version des faits, racontant la gestion chaotique des manifestations, après avoir promis aux juges de coopérer pleinement.

(avec AFP)