NETTALI.COM - Dos au mur après sa défaite face aux Pays-Bas, l'équipe nationale du Sénégal devait s'imposer face au pays hôte, le Qatar pour rester en vie dans cette 22ème édition de la coupe du monde 2022. Une occasion que les champions d'Afrique n'ont pas raté en dominant les Qataris sur le score de 3-1, grâce à des réalisations de Boulaye Dia, Famara Diédhiou et Bamba Dieng. Une victoire qui a certes permis aux Lions de gagner leurs premiers points et d'avoir leur destin en main pour la qualification au second tour, même s’il faudra aussi passer l’obstacle Equateur avant. Mais dans ces matchs de poule au jeu du Sénégal jugés laborieux par beaucoup d’observateurs, les choix tactiques d’Aliou Cissé sont fortement en cause.
Avec Cissé, difficile de savoir le projet qu'il veut mener et où ce projet nous mènera. Ses choix dans le temps, sont à la vérité discutables. En effet, après avoir aligné un milieu très défensif avec trois récupérateurs (Nampalys Mendy, Cheikhou Kouyaté et Gana Guèye), lors de la première journée face aux Pays-Bas (2-0), un schéma tactique non payant, soldé par une défaite ( 2-0), Aliou Cissé a décidé d'être un peu plus audacieux contre le Qatar, avec un schéma tiré vers l'avant. Il a ainsi tronqué son 4-3-3 très défensif pour un 4-4-2 avec deux avant-centres : Famara Diédhiou et Boulaye Dia.
Un schéma tactique qui laissait en tout cas poindre quelques craintes. L’association Dia et Diédhiou, deux attaquants qui n'ont jamais partagé ensemble la pointe de l'attaque sénégalaise ? De même s’est aussi posée la question du déséquilibre en phase défensive, car Ismaïla Sarr et Krépin Diatta ne sont pas réputés être des joueurs qui assurent pleinement le repli défensif. En phase offensive, ce système permet de créer le surnombre avec quatre attaquants (Diédhiou, Dia, Sarr et Diatta), mais en phase défensive, les deux hommes de couloir, à savoir Krépin et Ismaïla, ne défendent pas correctement, ce qui a eu pour conséquence de déstabiliser les Lions avec un milieu vide avec seulement les deux récupérateurs : Gana Guèye et Nampalys Mendy. A la limite, c'est un 4-2-4 qui s’est joué à la place du 4-4-2 annoncé.
Orphelin de Sadio Mané, ces deux-là étaient pressentis pour pallier l'absence de Super Mané. Titularisés deux fois dans cette coupe du monde, Ismaël Sarr et Krépin Diatta n’ont été que l'ombre d'eux-mêmes. Enchaînant les mauvais choix et confondant vitesse et précipitation, leurs prestations n’ont, à la vérité, pas eu beaucoup d’apports pour l’équipe, tant elles sont restées jusque-là décevantes. Mais dans une moindre mesure pour Sarr qui s’est montré, en de rares moments, dangereux lors du 1er match contre les Pays Bas.
Difficile dès lors de comprendre l’obstination de Cissé à vouloir aligner à chaque fois un Krépin Diatta qui n’a plus sa pugnacité et sa ténacité d’alors. En effet depuis son retour de blessure, il est méconnaissable et n’a plus cette hargne et son côté conquérant dans le jeu. C’est comme si en fait, Cissé se focalisait sur des noms et semble peu pressé de rompre avec un passé glorieux, mais avec des joueurs qui ne font plus recette. Une équipe est pourtant faite de changements. Ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il faille la renouveler entièrement. Ce n’est qu’en opérant des transitions douces, sans la déstabiliser dans son noyau dur, qu’on y arrive. L’avenir est surtout à prévoir. Avec l’âge, les temps de jeu dans leurs clubs, les Lions n’ont plus la même force physique, la même régularité dans les performances et la même cote qu’avant.
De même, il y a à s’interroger sur le fait de se priver d’un milieu tel que Pathé Ciss, à la vision de jeu si claire et aux passes si précises. Pape Matar Sarr a lui montré l’étendue de son talent avec ses belles passes et ses tirs bien cadrés sur les balles arrêtées. Les matchs amicaux avaient montré le fonctionnement efficace dans l’association Pathé, Ciss, Pape Guèye et Pape Matar Sarr. Ce qui ne veut point dire qu'il faille forcément les associer tous les trois en même temps. Mais pourquoi s'enfermer dans le passé en se privant d'eux ? Et même s'il reste le joueur le plus capé de cette génération avec 95 sélections, Idrissa Gana Guèye n’est plus indispensable dans l'entrejeu des champions d'Afrique. En effet, son rendement au milieu a considérablement baissé depuis la coupe d’Afrique. Lors de la dernière Can, il n'a pas réalisé sa meilleure compétition. Et son association avec Nampalys Mendy, semble être une surcharge au milieu de terrain. Car Nampalys et lui, c'est le même profil (récupérateur), même gabarit et même pied.
L'équation de l'animation offensive
Pour régler à jamais le problème de l'animation offensive de l'équipe nationale du Sénégal, Aliou Cissé gagnerait à aligner un milieu de terrain qui respecte les trois compartiments de ce secteur stratégique à savoir : un récupérateur, un relayeur et un animateur. Des rôles que peuvent admirablement jouer Nampalys Mendy (récupérateur), Pathé Ciss (relayeur) et Pape Matar Sarr (animateur et précieux sur les balles arrêtées).
Comment disposer d’un Elimane Ndiaye et vouloir s’en passer ? Aliou Cissé ne doit point se focaliser sur les pressions d’un public sénégalais ou d’observateurs très critiques sur ses choix, en adoptant des postures de résistance, avec le risque de sacrifier le jeu de l’équipe. Bien au contraire, il doit tenter l’audace et apporter davantage d’animation dans le jeu sénégalais si lent avec des joueurs si prompts à faire des passes latérales et à reculer à la moindre menace.
Fortement réclamé par le public, Iliman Ndiaye n’a pas encore semblé avoir toute la confiance du sélectionneur pour entièrement exprimer son talent, comme il l’a fait lors du match Sénégal-Qatar. En sélection juste après la Can 2022, le joueur de Sheffield United ne comptait que deux sélections pour un total de 23 minutes en deux matchs. Il a en effet, lors de sa 3ème sélection, montré la voie qui est celle des percussions et dribbles pour faire trembler la défense adverse et la déstabiliser, de manière à créer des opportunités de buts. Entré en jeu à la 74ème minute face au Qatar, Iliman Ndiaye a en effet illuminé le stade Al Thumama de Doha. Suite à une série de dribbles sur le côté droit avant de solliciter un "une-deux" avec Pape Matar Sarr, le néo Lion offre un caviar à Bamba Dieng qui inscrit le troisième but des Lions. En 15 minutes, Iliman Ndiaye a fait des merveilles et ainsi donné raison à ceux qui le réclamaient. Le public n’est pas aussi profane qu’on veuille finalement le dire. Avec son entrée fracassante, il a réussi ce que Krépin Diatta et Ismaïla Sarr n'ont pas réussi en deux matchs. Dès lors, sa titularisation s'impose plus que jamais.
Casser cette fébrilité de la défense
Quant à la défense, elle n’est pas exempte de reproches. Si lors du premier match des Lions, Édouard Mendy a montré quelques inquiétudes, notamment sur les deux buts néerlandais, il se sera montré plutôt rassurant lors du second match. Aliou Cissé s’est confondu en remerciements au gardien pour avoir sauvé ce qui aurait pu être des buts. Mais, à la vérité, il doit davantage sensibiliser Mendy à rester prudent sur ses balles au pied et ses sorties parfois hasardeuses ou parfois avec du retard. En d'autres termes, en les appréciant mieux.
Des remerciements de Cissé pour Edouard qui ne devraient d'ailleurs pas avoir lieu, car il est de la responsabilité de ce dernier de veiller au grain et faire les bons arrêts dans le but de ne pas encaisser de buts. Tout au plus, Cissé cherchait juste à travers ces remerciements à montrer à ses détracteurs qu’il avait fait le bon choix de garder Mendy dans les buts après sa prestation calamiteuse contre les Pays bas. Mendy mérite des félicitations certes, mais à la vérité, Cissé devait se garder de faire montre d’un orgueil démesuré en cherchant à être dans une logique de règlements de comptes avec ses détracteurs. Lorsqu’on est entraineur d’une formation nationale, prendre de la hauteur, fait partie de ce qui grandit un coach et non le fait de prouver son aversion à la critique qui ne conduit qu’à commettre des erreurs au point de sacrifier ce qui constitue un enjeu pour une nation entière.
En dehors du gardien, un inconvénient noté avec cette défense, c’est Kalidou Koulibaly qui n’est plus aussi rassurant qu’auparavant. Le ministre de la défense semble loin de son meilleur niveau. Face aux Pays-Bas, le défenseur de Chelsea était sans réaction sur le but de Cody Gakpo. Sur le but du Qatar également, il n'est pas exempt de reproche. Il a tout simplement perdu son duel aérien avec le buteur Muntari, après un défaut de marquage d’Abdou Diallo. Autant dire que sur les deux matchs, le Sénégal a pris deux buts sous son nez. Des buts que les Lions ne prenaient pas avant avec Koulibaly dans l'axe. Le solide capitaine des champions d'Afrique doit donc se ressaisir et se concentrer davantage.
Un autre aspect de l’organisation de cette défense qui ne rassure point, c’est le glissement d’Abdou Diallo à gauche. Titularisé comme latéral gauche, lors de la rencontre contre les Pays-Bas, Abdou Diallo a terminé celle contre le Qatar à ce poste, suite à la sortie sur blessure d’Ismaïl Jakobs Seck. Même s'il est plus à l'aise dans l'axe, Diallo a été formé comme latéral gauche. mais, a-t-il toujours ses réflexes de latéral ? Une bonne question. Il lui reste juste, dans tous les cas, qu'il soit dans l'axe ou décalé, à avoir plus de sérénité et à moins conserver les balles, alors qu'il peut jouer plus simple en faisant des passes. Mais au-delà, ce choix décaler Diallo par Cissé, est tout même surprenant. Pourquoi changer son axe central en faisant coulisser Abdou Diallo à gauche, alors que Moussa Ndiaye, un latéral gauche se trouve sur le banc ? Mystère et boule de gomme. Cissé semble en tout cas avoir peu confiance aux jeunes et novices de l’équipe. Le hic est que Pape Abdou Cissé n’est guère rassurant à la place de Diallo et semble parfois bien frileux dans ses interventions.
Beaucoup de choses à revoir en somme dans le coaching de Cissé. Et au stade en tout cas où en est l’équipe, l’erreur n’est plus permise car le Sénégal ne jouera plus que des finales. Ce sera vaincre ou périr. Tout simplement.