NETTALI.COM - Une étude sur l’émigration irrégulière a été menée notamment à Thiaroye par Enda Graf Sahel, en collaboration avec la Coopération allemande de développement. Elle a permis de savoir les motivations des candidats, leurs dépenses, leurs pays de choix et leur situation matrimoniale, entre autres.
Les jeunes constituent la frange la plus importante de la population sujette à l’émigration. Selon les données de déploiement de la Matrice de suivi des déplacements (DTM) en date d’octobre 2020, 69 % de ces candidats se déplacent pour des raisons économiques, 20 % pour des raisons familiales et 5 % pour des études (DTM octobre-décembre 2020). Sur l’ensemble du territoire national ces mouvements migratoires sont ainsi répartis : Dakar 30 %, malgré la concentration de l’essentiel des industries et des services, Diourbel et Louga respectivement 9 et 5 %, alors qu’elles sont les régions centrales de l’ancien bassin arachidier, Tambacounda 7 % avec un éventail d’opportunités liées à l’économie de transit, Fatick 2,4 %, malgré les nombreuses opportunités maritimes et touristiques qu’offrent les îles du Saloum. Afin de mieux appréhender ce phénomène migratoire, Enda Graf Sahel, en collaboration avec la Coopération allemande, a présenté une importante étude diagnostic réalisée sur la migration de retour et les postulants à la migration dans les communes de Thiaroye, Fimela, Niomré et Kayar, tous des territoires de pêcheurs et d'agriculture, sur un échantillon de 1 680 postulants à l'émigration et 722 migrants de retour répartis dans l'ensemble des communes cibles.
La recherche d'un emploi décent, le motif principal du départ
Sur le profil des candidats à Thiaroye, l’étude montre que 69 % sont des hommes et 31 % des femmes. Leur âge est compris entre 15 et 35 ans. Selon le document, les 61 % sont des mariés contre 35 % de célibataires. L'analyse du niveau d'instruction montre que plus de 62 % des postulants ont le niveau primaire et 19 % ne sont pas instruits. À peine 9 % ont atteint le niveau secondaire et 7 % le supérieur. Dans la commune de Thiaroye-surMer, l'étude a montré que le commerce, la pêche et le mareyage constituent les activités dominantes chez les candidats à l’émigration. En effet, les résultats de cette étude ont montré que 28 % des postulants à la migration sont des commerçants, 25 % des pécheurs et 14 % des mareyeurs. Ces trois activités représentant 67 % des postulants à la migration. En ce qui concerne les contraintes principales auxquelles sont confrontés les postulants, l'étude montre qu’elles sont surtout d'ordre économique, financier, social et environnemental. Autrement dit, les difficultés pour obtenir un emploi décent (chômage et sous-emploi), pression sociale (système de la famille étendue, besoin de fonder une famille, de s'occuper de ses parents...), les défaillances dans le système éducatif et sanitaire, une baisse de performance de la pêche artisanale, la dépréciation des ressources halieutiques. "Les jeunes n'ont pas de moyens pour quitter leur statut de jeunes. Ce qui fait qu'ils restent longtemps dans le cercle familial avec toutes les pressions sociales que cela comporte. De surcroit, ces jeunes aspirent à une maturité sociale, c'est-à-dire avoir une femme, se marier et quitter la maison familiale. Donc, être responsables au vrai sens du terme. C'est pourquoi les jeunes voient l'émigration comme la seule solution, car convaincus qu'ils peuvent gagner plus ailleurs. D'ailleurs, la recherche d'un emploi décent constitue le motif principal du départ pour 79 % des postulants à la migration de la commune de Thiaroye. C'est le cas des commerçants, des pêcheurs artisanaux et de tous ceux qui travaillent dans le secteur informel avant leur départ", lit-on dans le document.
Le coût moyen d’un voyage est de 341 000 F CFA
Sur un échantillon de 400 migrants à la migration, dont 275 hommes et 125 femmes, les 27 % ont au moins une fois tenté de quitter leur pays d'origine, mais sans succès. Les 73 % restants demeurent de potentiels migrants, puisqu'ils envisagent de sortir de leur pays si l'occasion se présente. Par ailleurs, les résultats des enquêtes de terrain ont montré que 96 % des malheureux candidats à l'émigration ont financé eux-mêmes leur périlleux périple vers l'eldorado. Pour les autres, leurs parents ont mis la main à la pâte. L'étude a aussi montré que l'Espagne est le pays de destination préférée par les postulants à l'émigration à Thiaroye (43 %), suivie de l'Allemagne (32 %). Ils expliquent ce choix par le fait que ces deux pays offrent plus de possibilités en termes d'emploi en particulier dans les secteurs agricoles, du tertiaire, le commerce et dans l'industrie, en matière de main-d'œuvre faiblement qualifiée. La quasi-totalité des candidats, soit 85 %, a choisi la mer à l'aide de pirogues de fortune pour se rendre dans ces deux pays. Ils transitent souvent par Nouadhibou (Mauritanie), ensuite le Maroc pour atteindre les enclaves de Ceuta et Melilla. Leur échec est soit lié à des problèmes d'embarcation ou à un blocage des polices de frontières.
L’Espagne et l’Allemagne, les destinations privilégiées
L’étude est en outre revenue sur le coût moyen du voyage qui est de 341 000 F CFA. Le prix le plus élevé étant de 400 000 F CFA. Elle préconise néanmoins quelques pistes de solution : "Les postulants à la migration à Thiaroye ont estimé que l’insertion socioéconomique constitue l’un des moyens essentiels pour lutter contre le phénomène. À cet effet, la redynamisation de la pêche artisanale à travers la révision des accords de pêche entre le Sénégal et les pays de l'UE, les subventions pour l'achat de matériel de pêche (pirogue, moteur et filet) et une formation sur la transformation des produits halieutiques constituent les priorités pour la quasi-totalité des acteurs et actrices de l'émigration. C'est par ailleurs la condition sine qua non pour les maintenir dans leur localité.’’ Il résulte de l’étude que le financement pour l'achat de matériel de pêche a été évoqué par 90 % des pêcheurs candidats à la migration. Pendant qu’une bonne partie des personnes interrogées ont montré leur désir de regagner l’Europe, d’autres ont fait le chemin inverse. L'échantillon des migrants qui ont effectué un retour d'au moins un an à Thiaroye-sur-Mer est composé de 280 individus, dont 87 % d'hommes et 13 % de femmes. L'âge des migrants de retour est compris entre 15 et 60 ans, soit une moyenne de 37 ans. Plus de la moitié des migrants de retour appartiennent à la classe d'âge 25-40 ans, dont 22 % âgés entre 30 et 35 % ; 18 % entre 25 et 30 ans et 15 % entre 35 et 40 ans. La plupart d'entre eux sont des jeunes et des adultes de la tranche d'âge 25-40 ans qui représentent à eux seuls 55 % de la population interrogée dans l'étude. À préciser aussi que sur un échantillon de 280 individus, 65 % sont des mariés monogames", renseigne le document. L’objectif d’Enda Graf Sahel et de la Coopération allemande de développement, c’est d’accompagner les migrants de retour d’Allemagne ou des postulants au départ par des formations professionnelles pour une insertion et un accès à l’emploi. Dans la même veine, il s’agira de contribuer à asseoir une gouvernance territoriale permettant de fixer les jeunes dans leurs localités d’origine. D’où l’essence même du concept ‘’Tekki sa gokh’’ (Réussir chez soi) qui veut démontrer qu’il est bien possible de rester chez soi et d’y réussir.