NETTALI.COM- Plus que la violence qui sévit, une violence à la fois verbale et physique, ce sont les tentatives de légitimation et refus catégoriques de se remettre en cause qui font craindre le pire dans cette 14e législature.
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a la violence au sein de l’hémicycle… » Cette défense du député Barthélémy Dias, inlassablement rabâchée par beaucoup de députés de l’opposition, y compris les femmes, ainsi que leurs thuriféraires, ne sera pas pour rassurer les puristes qui s’attendaient à voir un tout autre visage de cette la 14e législature, riche de son équilibre inédit, depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Dans une contribution intitulée « De ces gifles et coups de pieds sur la mère patrie » postée sur sa page Facebook, le leader du Mouvement populaire d’émancipation citoyenne (Mpec), Birame Waltacko Ndiaye, fustige la violence et apporte la réplique à ceux qui tentent de lui trouver un prétexte. « La violence qui s’est exercée sur la députée (Amy Ndiaye), dénonce-t-il, n’est pas le produit d’un quelconque banditisme d’Etat comme le prétendent les défenseurs du diable ». Selon Waltacko, cité par EnQuête, la violence, les faux fuyants, les forcings en vogue dans l’arène politique ont réussi à s’imposer, faute de réalisme, de courage et de constance des antagonistes en selle. « Tant que le jeu politique se modèlera et se pliera aux intérêts ponctuels et aux frustrations éparses sans le filtre essentiel de légalité et de cohérence, il ne fera état que de représentations mythiques, souvent légendaires, rarement admirables et praticables », ajoute Monsieur Ndiaye, qui faisait remarquer dans un autre post que ce sont les mêmes qui passent leur temps à clouer des chefs religieux sous le prétexte qu’ils se sont invités dans l’arène politique qui se mettent à défendre l’immunité parlementaire à toute épreuve.
De l’avis de l’analyste, plus rien ne peut arrêter cet « arrivisme politique. » Il s’explique : « Quand la fin justifie les moyens, la logique, la raison et les principes passent pour nuls et non avenus. »
Barthélémy Dias : « Vous ne pouvez pas tuer Fulbert Sambou et nous parler de violence »
En attendant que la raison ne revienne dans l’espace public et politique, la dame Amy Ndiaye, elle, était hospitalisée aux dernières nouvelles à l’hôpital Principal de Dakar. L’enfant qu’elle porte dans son ventre menacé d’avortement, selon des sources médicales. C’est dans ce contexte que le député-maire de Dakar, Barthélémy Dias, se hasarde à un discours presque nihiliste. Il se justifie : « Ce n’est pas la première fois que je suis député. Dans cette Assemblée, j’ai vu un député se faire tabasser et personne ne s’est scandalisé. Quand on passait à tabac Mame Diara Fam, ici, j’étais chez moi, personne ne s’est scandalisé. Quand on tabassait une journaliste à la Place de l’indépendance, personne n’a bougé… » Et comme c’est en passe de devenir une habitude chez l’édile de la capitale, l’occasion a aussi été saisie pour accuser la presse qui a bon dos, devant une opinion de plus en plus assoiffée de discours violents. La presse, à en croire Barth, veut faire endosser toute la responsabilité à l’opposition.... Ce qui ne serait pas le cas, selon sa plaidoirie. « Les gens cherchent à domestiquer cette opposition, on ne l’acceptera pas. On cherche à aplatir cette opposition, on ne l’acceptera pas. On s’est battu pour arriver là. Nous avons tout vu, tout entendu, tout vécu…. L’injustice qu’il y a dans cette Assemblée, nous n’allons pas l’accepter. Et que personne ne vienne s’ériger en donneur de leçon pour nous dire comment il faut se comporter », déclare le député maire de Dakar, qui met en garde ceux qui seraient tentés d’activer la machine judiciaire contre ses collègues. « Si des gens croient qu’ils peuvent utiliser ce prétexte pour mettre en prison un député, ils se trompent lourdement. Même quand deux députés se battent ici, le procureur n’y peut absolument rien. On l’a vu dans d’autres assemblées à travers le monde. Des députés se sont battus jusqu’à effusion de sang, sans qu’il y ait des poursuites judiciaires. Les députés sont protégés en session par une immunité parlementaire. » Ainsi donc, les députés de la 14e législature peuvent s’entredéchirer, s’entretuer dans l’enceinte de l’hémicycle, ce n’est pas l’affaire de la Justice qui doit s’abstenir de s’en mêler.
Pis, Barthélémy brandit à l’endroit des tenants de la majorité la mise en garde suivante : « Vous ne pouvez pas tuer François Mancabou et nous parler de violence, vous ne pouvez pas tuer Fulbert Sambou et nous parler de violence ; vous ne pouvez pas tuer 14 personnes et nous parler de violence… »
Moustapha Diakhaté parle de ‘’PUR gangstérisme’’
En fait, de cette législature, ils sont nombreux les Sénégalais à être pessimistes quant à ses capacités à opérer les changements tant espérés. « La République, fulmine Moustapha Diakhaté, est souillée par ce PUR gangstérisme qui, dans l'hémicycle comme hors de l’hémicycle, est intolérable dans une démocratie. Ces fanatisés ne peuvent plus ceindre l'écharpe parlementaire et continuer à porter le titre d’honorable député du peuple après avoir balafré la Représentation nationale », a renchéri Monsieur Diakhaté, qui parlait en d’autres circonstances de « pire législature de l’histoire du Sénégal. »
Interpellé, l’ancien président de groupe parlementaire, Doudou Wade, tout en condamnant la violence, dédramatise et rappelle les enjeux de cette présente législature. Il déclare : « J’avais dit dans une émission avec Baye Oumar Guèye (Sud FM) que c’est une Assemblée au sommet de la montagne, du point de vue répartition par les citoyens. Il y a deux hypothèses possibles : on peut prendre le versant droit comme on peut prendre le versant gauche. Le premier c’est celui de la concertation. Main dans la main, les députés vont descendre lentement et sûrement vers une démocratie totale, pour l’intérêt exclusif de la population. Le deuxième, c’est une descente qui mène vers l’enfer, le précipice, les bagarres comme on l’a vu... Mais c’est très tôt pour porter un jugement définitif. Ils ont juste fait deux mois pour une Assemblée qui a une durée de vie de 60 mois normalement. Ils ont donc le temps de changer de direction. »
Doudou Wade : « Des gens ont fabriqué un faux règlement intérieur et c’est plus grave »
Cela dit, Monsieur Wade estime qu’il serait aussi réducteur de vouloir tout réduire à cette bagarre dans le jugement de ce début de législature. A l’en croire, il y a eu pire que cette bagarre entre des députés. Dans cette même législature, des gens se sont enfermés dans un bureau et ont falsifié le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. « C’est bien plus grave à mon avis et personne n’en parle », regrette le libéral, non sans rappeler à l’instar de Barth, que des bagarres à l’Assemblée nationale, le Sénégal en a souvent connu. « Nous avons vu en 1962 des Gendarmes entrer dans cette même Assemblée et faire sortir des députés, arrêter certains. Nous l’avons vécu dans ce pays ; nous avons aussi connu d’autres bagarres. Il ne faut pas s’en limiter là. Il faut effectivement condamner la bagarre, mais, il faut aussi parler des choses plus graves qui sont en train de se passer. Des gens ont fabriqué un faux règlement intérieur et c’est plus grave », répète-t-il.
Le responsable d’ajoute : « Si cette Assemblée ne peut pas préparer des lois qui vont permettre l’organisation des élections législatives anticipées en 2024, elle aura failli. Seule cette Assemblée peut nous permettre de laisser la liste proportionnelle et majoritaire et d’aller vers des élections uninominales à un ou deux tours. C’est la seule Assemblée qui peut nous mener vers l’interdiction des réunions politiques à la Présidence de la République, la seule qui peut mettre en place des garde-fous en ce qui concerne l’utilisation des fonds politiques du Président, pour éviter qu’en 2024, qu’il bouffe tout en un seul mois comme c’est de coutume…. Voilà les véritables enjeux qui permettront à cette législature de faire des réformes utiles pour le pays. »