NETTALI.COM - La bagarre entre les députés Amy Ndiaye Gniby, Massata Samb et Mamadou Niang à l’Assemblée nationale connaît déjà une suite judiciaire. Le Président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, a saisi le procureur de la République sur procès-verbal, pour l’arrestation des deux députés de l’opposition. Une requête acceptée par le Procureur.
La scène avait autant choqué que la réaction timide du Président Amadou Mame Diop qui, pourtant seul, avait les cartes en main pour faire appliquer le règlement.
Les faits : jeudi 1er décembre, Massata Samb, député du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), gifle Amy Ndiaye Gniby de Benno bokk yaakaar (Bby) qui riposte en lui lançant une chaise. Dans la cohue, Mamadou Niang, un autre député du Pur, lui donne un coup de pied au ventre. Amy Ndiaye se retrouve au sol, puis s’évanouit quand elle regagne son siège. Elle atterrit à l’infirmerie de l’Assemblée nationale et serait enceinte, selon ses collègues. Chargé de veiller sur la sûreté intérieure de l’Assemblée, le Président Amadou Mame Diop se limite à une simple suspension de la séance qui consacre l’examen du projet du budget 2023 du ministère de la Justice. La séance reprend sans Amy Ndiaye Gniby, mais avec Massata Samb et Mamadou Niang, nullement inquiétés, alors que, selon les dispositions de l’article 53 du Règlement intérieur de l’Assemblée, Amadou Mame Diop tient une batterie de sanctions qu’il peut dérouler séance tenante.
Beaucoup se demandent légitimement pourquoi le Président de l’Assemblée nationale n’a-t-il pas fait usage des textes. Mais ça, c’était juste la partie visible. Derrière le tableau, Amadou Mame Diop a bel et bien agi. En réalité, le Procureur ne s’est pas autosaisi pour ordonner l’arrestation des députés Massata Samb et Mamadou Niang. Il a été saisi sur procès-verbal par le Président de l’Assemblée nationale, à l’issue d’une réunion du bureau. Saisine qui a été faite vendredi 2 décembre, lendemain de l’incident.
Sur le procès-verbal nommé "Constatation de délits dans l’Assemblée nationale’’ signé par le Secrétaire général Baye Niasse Cissé, Amadou Mame Diop y fait constater que «le jeudi 1er décembre 2022, au cours de la séance plénière consacrée à l’examen du projet de budget du ministère de la Justice, le député Massata Samb qui intervenait dans le débat, a subitement quitté, contre toute attente, le pupitre pour se diriger vers la première rangée des bacs réservés aux députés, où il a trouvé la députée Amy Ndiaye pour lui asséner un violent coup de poing au visage. Après, s’en est suivie l’intervention du député Mamadou Niang qui, aussi, a donné un violent coup de pied à Madame la députée Amy Ndiaye.» Amadou Mame Diop y informe aussi le Procureur que «ces deux actes d’une rare violence exercée sur Madame la députée Amy Ndiaye qui, selon les informations recueillies, est en état de grossesse, ont été à l’origine de son malaise dans l’Hémicycle qui a nécessité l’intervention des sapeurs-pompiers. Elle a finalement été évacuée dans une structure hospitalière.» Sur le Pv, le Président de l’Assemblée ajoute aussi que «ces faits de violence exercés par les députés Massata Samb et Mamadou Niang sur notre collègue Amy Ndiaye ont eu lieu devant les députés et devant les caméras de télévision». Un Pv d’explications qui a poussé le Procureur a déclenché des poursuites contre les députés Massata Samb et Mamadou Niang.
Si Amadou Mame Diop a choisi cette voie en ne réagissant pas sur le coup, c’est peut-être pour éviter d’en rajouter à la tension qui couve déjà entre députés de l’opposition et ceux de la majorité, puisque sur la base de l’article 53, alinéa 3, il avait la latitude d’expulser Massata Samb, de requérir les forces de l’ordre et de le faire arrêter immédiatement.
L’ancien parlementaire Alioune Souaré disait que le Président de l’Assemblée était passé complètement à côté pour n’avoir pas réagi immédiatement. «En cas de délit, le Président de l’Assemblée nationale peut aussitôt établir un procès-verbal et saisir le Procureur. La discipline ne se compare à rien. L’Assemblée nationale est une institution qui a sa dignité. Cette dignité doit être préservée. D’ailleurs, c’est ce que stipule l’article 105. Le Président devait immédiatement prendre cette mesure parce que ce sont des pouvoirs que lui confère le Règlement intérieur. Les dispositions des articles 57 et 59 dressent un éventail de mesures de sanctions. Il s’agit respectivement d’un rappel à l’ordre, d’un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, d’une censure et d’une mesure d’expulsion temporaire dont la durée ne peut dépasser 24 heures. Hier (jour des faits), lorsque le Président a demandé la suspension de la séance, il pouvait convoquer une réunion du bureau pour demander l’expulsion du député pour 24 heures», rappelait Alioune Souaré.