NETTALI.COM - Les migrants Sénégalais qui injectent annuellement, via les circuits de transferts d’argent une somme de 1000 milliards FCfa, ont réalisé une petite performance cette année. Selon, un rapport de la Banque mondiale, 2 ,7 milliards de dollars (plus de 1670 milliards FCfa) ont été envoyés par nos compatriotes. Ce qui classe le Sénégal en quatrième position parmi les pays de l’Afrique Subsaharienne dont les migrants ont envoyé plus d’argent en 2022.
Dans un rapport intitulé «Remittances Brave Global Headwinds», la Banque mondiale a classé les 10 pays de l’Afrique Subsaharienne qui reçoivent le plus d’argent de leurs diasporas en 2022. Dans ledit document, il est mentionné que le Nigeria qui compte 211 millions habitants est de loin le premier pays récepteur de transferts d’argent provenant de ses migrants. (…) En 2022, les flux financiers captés représentent 20,9 milliards de dollars, soit 39, 4% de l’ensemble des transferts de la région. Le Ghana arrive en deuxième position (4,7 milliards de dollars), le Kenya (4,1 milliards de dollars) est classé troisième et le Sénégal occupe la quatrième place du peloton avec 2,7 milliards de dollars soit environ plus de 1676 milliards FCfa. Comparativement aux précédentes années, ce chiffre qui tournait autour de 1000 milliards FCfa par an, a paradoxalement connu une légère hausse au Sénégal.
L’économiste Meissa Bouba a analysé cette timide performance notée dans les transferts d’argent des migrants Sénégalais. Il explique : «C’est connu, nous avons un tissu économique qui n’est pas pourvoyeur d’emploi. Notre industrie est toujours à la traîne. Le secteur primaire, notamment l’agriculture et la pêche sont en déclin. Cette situation a favorisé l’émigration. Les jeunes sont obligés de quitter leur pays pour espérer gagner ailleurs leur vie. Donc, une fois qu’ils commencent à travailler, ces derniers, très liés à leurs familles, leur viennent en aide. Mieux, ils envoient tout ce qu’ils gagnent à leurs proches restés au pays. Et puis, ils investissent souvent dans les Bâtiments et travaux publics(Btp) qui exigent des sommes colossales. Si ces flux financiers ont connu une hausse, c’est en partie grâce au nombre de migrants qui a augmenté ces dernières années. Nous sortons d’une crise causée par le Covid-19 et dans une moindre mesure de la guerre Russo- Ukrainienne, donc naturellement, les migrants ont commencé à se faire une santé financière. En outre, avec cette inflation marquée par une hausse généralisée des prix, les émigrés qui entretiennent leurs familles, sont obligés d’envoyer plus d’argent. Ce paramètre non négligeable doit être pris en compte». Dr Thierno Thioune, Maître de Conférences titulaire, Directeur du Centre de recherches économiques appliquées(Crea), ne rame pas à contrecourant de son collègue économiste.
Pour lui, l’apport des migrants est une réalité au Sénégal. «Les transferts des émigrés qui se chiffraient à 1000 milliards FCfa par an représentent 10% du Produit intérieur brut (Pib). Ils dépassent de loin l’aide publique au développement. Ils atteignent les 1/5 du budget national et 1,5 fois du budget de l’Education nationale. Si ces transferts ont connu une légère hausse malgré la conjoncture mondiale, c’est parce que les migrants ont repris leur travail. De nouvelles opportunités leur ont été offertes dans leur pays d’accueil. Et puis au Sénégal, l’environnement économique est favorable. Le gouvernement a entrepris une nouvelle politique économique basée sur le Plan Sénégal émergent (Pse) qui favorise l’investissement et les transferts des migrants», confie M.Thioune.
Poursuivant, Dr Thierno Thioune, qui a reconnu que les transferts d’argent contribuent considérablement à booster l’économie du pays, souhaite que ces flux financiers soient orientés vers les secteurs porteurs. «C’est dommage, cette manne financière envoyée par les migrants est souvent utilisée dans la dépense de consommation. Le gouvernement doit les encadrer pour qu’ils les réorientent vers les investissements, notamment les Petites et moyennes entreprises (Pme). L’environnement économique est favorable pour eux. Ils doivent désormais investir dans les projets d’envergure, ce qui leur permettrait de préparer leur retour», souligne l’économiste.
«Ces chiffres ne reflètent pas la réalité…»
Les 2,7 milliards de dollars (plus de 1676 milliards FCfa) que les migrants Sénégalais ont transférés vers leur pays, ne reflètent pas la réalité. Telle est la conviction de Aly Dème, président de Ndiambour Self Help, une association d’émigrés qui a injecté plusieurs milliards dans la région de Louga. Pour le représentant des Sénégalais de la diaspora, «la Banque mondiale n’a pris en compte que les envois qui passent par les structures de transfert d’argent classiques". «Certes, les Modou - Modou ont traversé des moments difficiles durant la période du Covid-19. D’ailleurs, certains d’entre eux étaient restés presque une année sans envoyer de l’argent à leur famille basée à leur pays. Leur situation s’est améliorée petit à petit. C’est pourquoi ils continuent d’envoyer de l’argent à leurs proches. Cependant, la majeure partie d’entre eux passe par leurs amis pour envoyer de l’argent. Ces sommes envoyées ne sont pas prises en compte par le rapport de la Banque mondiale. Certains émigrés préfèrent également acheter du matériel qu’ils revendent une fois au pays. D’autres amènent avec eux des véhicules, qu’ils échangeront avec de l’argent. Tout cela ne peut pas figurer dans le rapport», indique Aly Dème. Boubacar Sarr, président du Fesfof est du même avis que Ali Déme. Car, pour lui, « il est impossible de calculer la somme que les migrants envoient à leur pays, puisque certains envois passent par les circuits non formels.»