NETTALI.COM - Il n’est pas contre une rencontre entre le président de la République et les rappeurs, mais il pense que les vrais messages n’ont pas été délivrés au chef de l’Etat. Maxi Krezy dit dans c texte tout ce qu’il pense de cette rencontre au palais qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Voici ses arguments.

«Pour avoir pratiqué ce Game pendant plus de 30 ans, et ayant pratiqué les Sénégalais toute ma vie, j’ai pu apprendre une chose : nous sommes la nation la plus hypocrite qui existe sur cette planète. Nous ne nous soucions que de nos intérêts personnels et sommes prêts à changer nos positions au gré des circonstances. J’ai toujours eu du mal à m'intégrer dans ce système et j’ai dû donner corps et âme pour gagner et garder ma place dans ce mouvement. Revenant sur cette photo et la polémique d’être reçu par le président de la République, je pense que le débat devrait être ailleurs. En tant que citoyen et porteur de voix, ce serait le plus grand privilège pour moi d’être reçu par le président. Parce que je parle avec lui et son entourage pendant des décennies à travers mes textes, mes interviews et je ne suis même pas sûr qu’il a jamais prêté attention à ces messages indirects. Si j’ai l’occasion, en fin 2022, de lui parler, sans intermédiaire pendant trois heures, je lui demanderai s’il est au courant de la famine qu’il y a au Sénégal, de la dilapidation des terres et des biens, des assassinats et des emprisonnements arbitraires. Je lui parlerai des problèmes des Sénégalais et surtout de son troisième mandat. Et après tout cela, Je lui parlerai du secteur dans lequel j’évolue, le hip-hop. Parce que nous avons pris l’engagement d’être la voix des sans-voix, une rencontre avec l’autorité suprême devrait s’axer sur les problèmes des sans-voix. Mais à chaque fois qu’on ressort d’une audience avec le président, on est content parce qu’il a alloué des fonds aux cultures urbaines, il a augmenté le montant à un milliard ! Et c’est tout ? À qui profite ce fonds ? Le hip-hop a-t-il avancé, depuis que ce fonds existe ? N’est-ce pas les mêmes personnes qui se partagent ce fonds ? Et la masse reste démunie ! De quoi vit le hip-hop aujourd’hui ? De fonds politiques et pire, de fonds d’ONG impérialistes qui, désireuses d’implanter leur agenda dans les colonies africaines, utilisent les pseudo-leaders (dealers) d’opinion pour le mettre en place. Et on nous impose des termes comme cultures urbaines, inclusion et j’en passe. Les mêmes personnes s’enrichissent au nom de la masse. Revenant à cette rencontre, à qui profite-t-elle ? Bien sûr au promoteur qui, comme moi, a décidé de démissionner du hip-hop depuis plus de 20 ans. Il observe la situation politique du pays, le parti au pouvoir est en mauvaise posture et les rappeurs sont affamés. Il initie un projet à coups de millions qui rassemblera toutes ces têtes dures. Ça fait l’affaire du président et l’affaire des rappeurs, et le grand gagnant sera le promoteur qui n’a aucune image à préserver et qui, comme moi, ne vit même plus au Galsen. Et pourtant sur cette photo, il y a des gens très intègres, qui ne sont mus que par de bonnes intentions et je suis triste pour eux. Le hip-hop est mort et enterré depuis des décennies au Sénégal. Je suis désolé. C’est chacun pour soi et Dieu pour tous ! C’est pourquoi des gens comme moi, incapables de vivre dans cette atmosphère et ne désirant pas finir comme ces artistes pour qui on organise des collectes de fonds ou de tendre la main à des ONG douteuses, avons décidé de tout abandonner pour partir ailleurs, le cœur gros, monnayer notre savoir et savoir-faire, gagner notre vie à la sueur de notre front».