NETTALI.COM - Alors que le budget 2023 de la ville de Dakar a été voté à l’unanimité, la semaine dernière, le maire de la commune de Dakar-Plateau a écrit une lettre à Barthélemy Dias démontant beaucoup de points du budget tout en demandant la tenue d’un nouveau vote.
C’ était trop beau pour être vrai. Mercredi dernier, le Conseil municipal de la ville de Dakar a voté, à l’unanimité, le projet de budget 2023 de la mairie. Un fait assez surprenant, vu les divergences politiques qui opposent les membres du conseil dirigé par le nouveau maire Barthélemy Dias. Une semaine après, il semble que la rivalité ait repris le dessus entre l’édile opposant et les élus de communes dirigés par des maires membres de la mouvance présidentielle. Et c’est son ancien coéquipier socialiste, Alioune Ndoye, qui oppose à Barthélemy Dias une lettre doutant de la sincérité du budget qu’il qualifie même d’illégal. Le ministre de l’Environnement invite ainsi Barthélemy Dias ‘’à prévoir de reconvoquer le conseil municipal pour le vote du budget’’.
Pour récuser le vote de ce budget, le maire de Dakar-Plateau s’appuie sur la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités locales. En son article 253, il dispose : ‘’Au moins un mois avant l'examen du budget d'une collectivité locale, un débat a lieu dans son conseil sur les orientations budgétaires. Le projet de budget est préparé et présenté par le président du conseil départemental ou le maire, qui est tenu de le communiquer aux membres du conseil avec les rapports correspondants, quinze jours avant l'ouverture de la première réunion consacrée à l'examen dudit budget.’’
13 jours entre la tenue de ce conseil et la date du vote
Or, relève la lettre adressée au maire de Dakar par Alioune Ndoye, ‘’vous avez ouvert ladite session budgétaire le vendredi 16 décembre 2022, pour escamoter le débat en le renvoyant à un séminaire qui débutait le même jour dans la commune de Saly du département de Mbour’’. En effet, 13 jours se sont déroulés entre la tenue de ce conseil et la date du vote du budget de la mairie de Dakar. Aussi, le séminaire organisé par la mairie à Saly ne serait pas en conformité avec la réglementation. Selon le maire de Dakar-Plateau, ‘’le conseil municipal qui ne peut pas déléguer ses attributions (a.156 du CCT), siège à l’Hôtel de ville et que le maire peut décider de le réunir dans des locaux annexes de la mairie, lorsque l’ordre du jour le justifie (a.143 du CCT)’’. Malgré tout, le budget 2023 de la mairie de Dakar a été arrêté à 59 milliards 834 millions 649 mille 789 francs CFA. Si tous les conseillers municipaux présents lors du vote l’ont adopté, ce n’est pas le cas de ceux de la commune de Dakar-Plateau. Pour une raison toute simple : ils n’y étaient pas. Et cela, Alioune Ndoye l’explique par le fait qu’il n’a pas reçu ‘’une convocation régulière, comme précisé par le code (a.146)’’. Ce qu’il impute à Barthélemy Dias, qu’il accuse de s’être assuré ‘’de l’absence de certains conseillers''.
Analyse faite du budget, le maire de Dakar-Plateau estime qu’il ‘’ne porte aucune ambition pour le développement socioéconomique de la ville, ne réservant que 31 % à l’investissement (et lequel !) pour destiner 69 % des 59,7 milliards à du fonctionnement fait de gabegie pour le seul confort du maire et de sa clientèle proche’’. Ce qui l’oblige, selon ses termes, à demander par écrit les réponses à plusieurs interrogations qui mettent en doute la sincérité de ce budget que le maire de Dakar a fait voter sans le respect du délai minimal d’un mois pour le débat d’orientations budgétaires. Alioune Ndoye : ‘’Je n’ai pas reçu de convocation régulière’’ Dans le détail, l’actuel ministre de l’Environnement interpelle le maire de Dakar sur les critères de détermination d’une TOM (taxes sur les ordures ménagères) de 4,5 milliards F CFA. Alioune Ndoye demande sur quels équipements marchands exploités par la ville le maire se fonde pour prévoir des recettes de 1,780 milliard. Dans le même sillage, ‘’pourquoi les recettes d’une infrastructure aussi importante que la piscine olympique sont logées dans la rubrique des recettes éventuelles et imprévues, et pour un si faible montant de 102 millions ?’’. Le maire de Dakar-Plateau ne s’arrête pas en si bon chemin et accuse M. Dias d’avoir reconstitué les charges salariales (estimées à près de 7 milliards, 28,37 % des dépenses de fonctionnement) ‘’dans une démarche purement politicienne, puisque les structures d’accueil qui les justifiaient restent toujours à la charge des communes’’. La rubrique ‘’Charges diverses’’ a également été passée à la loupe par l'œil expert du maire de Dakar-Plateau. Représentant 28,59 % du budget, note-t-il, elle fait table rase de la commune de Dakar-Plateau ‘’où la ville tire près de 70 % de ses recettes’’. De ce fait, ajoute l’ancien ministre de la Pêche, ‘’on est tenté de dire, sans risque de nous tromper, que ces rubriques budgétaires abusivement dotées, serviront à des manipulations peu orthodoxes des fonds des Dakarois’’.
Le maire : Dakar-Plateau, ‘’où la ville tire près de 70 % de ses recettes’’, n’a pas été associée
Sur le pavage de la ville de Dakar, Alioune Ndoye se dit ahuri par les ‘’500 millions pour le dédommagement de l’entreprise burkinabé Belly Sasha dans le cadre de l’exploitation de l’usine de pavage’’. En effet, ajoute-t-il, ‘’jamais un contrat n’aura été une si grande pompe à fric de la ville’’. D’ailleurs, le maire demande, par des documents officiels, à s’assurer de la propriété, par la mairie de Dakar, des investissements réalisés dans le cadre de ce projet (le terrain, l’usine, etc.) et montants qui ont été payés au profit de cette entreprise. Pour Alioune Ndoye, le maire de Dakar n’en a que faire d’une gestion rationnelle des ressources des Dakarois. Car, estime-t-il, il consacre 8,33 millions par mois à l’achat de produits d’entretien, 450 millions sont budgétisés en achat de carburant, alors que 134,4 millions de carburant et lubrifiant sont également prévus pour la perception municipale, regrette le maire de Dakar-Plateau. A cela, il ajoute la ‘’consommation de 12,5 millions d’eau par mois, soit un total de 150 millions l’an, 20,83 millions d’électricité par mois pour vos bâtiments, soit un total de 250 millions l’an. (…) 142 millions d'entretiens divers dont nous aimerions connaître la justification, avec 57 millions d’entretien des machines et appareils, et 154 millions d’entretien du parc de véhicules prévus ! Vous proposez près de 315 millions de communications téléphoniques !’’.
La pertinence des projets inscrits dans la rubrique ‘’Investissement’’ interroge également Alioune Ndoye qui considère que 31 % du budget global de 59 milliards en investissements est irrespectueux des Dakarois. Selon lui, 15,66 % de ce montant se composent de dépenses engagées non mandatées, suscitant un questionnement légitime sur la réalité de certains marchés. S’y ajoutent les études générales de 261 millions engagés non mandatés ou encore un questionnement sur l’investissement projeté de 500 millions en équipements des ateliers de garage. Fort de tous ces manquements, le maire de Dakar-Plateau estime que tous ceux qui ont voté le budget présenté par l’actuelle équipe dirigeante de la municipalité ne se soucient pas véritablement des intérêts des Dakarois.