CONTRIBUTION - La lettre de démission de Monsieur Amadou Baidy Fall, Professeur des Universités à Paris, de Pastef, m’a poussé à interpeller certains intellectuels et hommes de bonne volonté sur leurs discours et attitudes vis à vis du leader politique de l’opposition, Ousmane Sonko.
Bravo au Professeur Amadou Baidy Fall qui, au moins, est un intellectuel qui a osé ouvrir les yeux à temps et a fait preuve de courage politique et d’honnêteté intellectuelle pour réagir de la façon dont il l’a fait face aux contradictions, dérapages et dérives récurrentes et incompréhensibles du leader de Pastef. Professeur Fall, vous n’avez pas eu peur du terrorisme et de l’hystérie qui ont fini de pousser à la capitulation de bon nombre d’intellectuels et d’hommes de bonne volonté au Sénégal.
Ils prennent prétexte de « la nécessité historique » d’éviter un cataclysme politique et social imminent dans notre pays avec ses cortèges de morts, de destructions, d’arrestations et de répression. Selon eux on s’achemine, si rien n’est fait, vers un soulèvement populaire suite à un jugement et à une possible condamnation du leader du Pastef, Ousmane Sonko.
Depuis le déferrement du leader du Pastef devant la chambre criminelle par le juge d’instruction Maham Diallo, tout y passe, déni de l’État de droit, attaques et de dénigrement de la justice et des magistrats.
Pour préserver la paix civile et la stabilité du pays, l’harmonie entre les ethnies, les confréries, les acteurs politiques et l’exception démocratique sénégalaise en Afrique, il faut blanchir et soustraire absolument le leader du Pastef des poursuites judiciaires en cours. Autant de discours qui, n’ayons pas peur des mots, relèvent d’une tentative dangereuse de faire capituler l’État de droit et la Justice face au terrorisme politico-médiatique ambiant.
De son côté, comme surpris par son déferrement à la chambre criminelle et en même temps ragaillardi par l’engouement qu’il suscite chez beaucoup de jeunes urbains, Ousmane Sonko a franchi un palier très inquiétant, ce week-end à Keur Massar, dans la surenchère de ce qu’il appelle le mortal combat contre le Président Macky Sall.
Il a déclaré sans sourciller, lors de ce meeting, devant une assistance nombreuse et chauffée à blanc et une presse médusée, qu’il n’ira pas répondre à la convocation du juge devant la chambre criminelle, il a parlé de terminus du « mortal combat, être tué par Macky Sall ou le contraire ! », il a aussi martelé que son « testament était déjà rédigé », il a terminé en appelant « la jeunesse à la résistance populaire pour le défendre et le sauver » de la comparution devant la chambre criminelle .
Malheureusement, ce terrorisme verbal aux relents tantôt guerriers tantôt suicidaires du leader de Pastef et de ses ouailles, semble avoir fait mouche chez certains intellectuels et une certaine presse ; la peur de subir un lynchage médiatique et dans les réseaux sociaux ont fait le reste.
Face à une telle situation, certains leaders d’opinion et des intellectuels appellent à un dialogue entre le Président Macky Sall et Ousmane Sonko en vue d’un apaisement, un arrêt de la machine judiciaire pour l’intérêt supérieur de la nation.
Si leurs préconisations sont suivies, cela risque d’ouvrir de dangereuses brèches sur les principes sacro-saints de l’État de droit et de la République, en particulier sur l’égalité des citoyens devant la loi, sur la justice en tant que dernier rempart de notre démocratie et sur la force publique comme seule force légitime en république, devant s’imposer à tous les groupes, lobbies et fractions du peuple.
Le meilleur conseil qu’ils pourraient donner à Ousmane Sonko par les circonstances que nous vivons, c’est de lui demander de respecter l’institution judiciaire et d’aller au procès pour prouver en tant que citoyen, son innocence et laver son honneur.
Le refus de se présenter devant la chambre criminelle n’est pas négociable. Une telle posture de refus mènerait Ousmane Sonko vers une impasse procédurale et le conduirait vers une condamnation certaine et très lourde.
Il n’a pas le choix de ce point de vue-là.
Ousmane Sonko doit respecter ses avocats en les écoutant et en suivant leurs conseils.
Ne l’oublions pas, dans ce pays qui s’appelle le Sénégal, Majmouth Diop le leader historique du PAI a été jugé et condamné, de mêmes que feu Mamadou Dia le grand Maodo, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Mamadou Diop Decroix, Abdoulaye Wade, feu Cheikh Ahmeth Tidiane Sy Al Maktoum, feu Pape Malick Sy, Moustapha Sy, Karim Wade, Khalifa Sall et tant d’autres, tous aussi célèbres ; et jamais, notre Justice n’a été aussi piétinée et insultée que ne le fait Ousmane Sonko.
Notre État est un État de droit et aucune stature ou représentativité politique, populaire ou religieuse ne peut discriminer un citoyen par rapport aux autres.
L’exception sénégalaise, nous devons tous le savoir, relève plus de notre État de droit, de notre Administration et de notre Justice qu’à autre chose.
En dépit des vicissitudes de l’histoire, notre justice s’en est souvent honorablement sortie dans les grands moments de crises socio-politiques.
Tous les grands leaders politiques et religieux attraits devant Dame justice pour des raisons politiques ou d’opinions ont déféré à ses convocations par respect pour la Constitution et les institutions dont nous sommes librement dotées et aussi par humilité.
Pour ce dossier Sweet Beauty, sa complexité et sa sensibilité relèvent du fait qu’il s’agit d’une affaire de moeurs impliquant un homme politique de la dimension de Ousmane Sonko.
Mais il faut que Ousmane Sonko sache raison gardée ! L’inexpérience et la jeunesse de Ousmane Sonko au plan politique peuvent justifier certaines bambineries dans ses réactions injustifiées. Mais cela ne peut plus perdurer !
Certains intellectuels et leaders sociaux qui pourraient l’amener à la raison, doivent l’aider à grandir et à avancer au lieu de l’enfoncer.
J’ai encore un préjugé favorable pour Ousmane Sonko et pense honnêtement qu’il peut revenir sur le chemin de la normalité sénégalaise. Mais il faut faire vite, le temps presse pour lui ! L’exemple du Président Wade est instructif à ce propos.
Tout en conseillant aux hommes politiques de conquérir l’opinion publique pour gagner les procès politiques, le Président Wade déferrait à toutes les convocations de la Justice et proclamait toujours qu’il ne marcherait jamais sur des cadavres pour accéder au pouvoir. Légalisme et pacifisme !
Encore que pour le cas Sweet Beauty, ce n’est pas un procès politique dans le sens ou ce n’est pas l’État qui a attrait Sonko devant la justice, mais une citoyenne dans une affaire de viol présumé.
Pour en revenir à certains de nos camarades intellectuels, nous fûmes pour certains d’entre nous, des dirigeants de mouvements de masse, étudiants en particulier.
Par l’expérience historique des luttes de masse avec les phénomènes de flux et de reflux, de victoires et défaites, on arrive à cette conclusion terrible, la foule est infaillible, elle ne se trompe jamais, elle a toujours raison sur le dirigeant qui, lui par contre, peut commettre des erreurs, des fautes. Et quand le dirigeant se trompe, les masses deviennent implacables et très ingrates, elles n’ont pas de mémoire !
Les foules comme les peuples sont avec les winners (vainqueurs) et jamais avec les losers (perdants), pour elles, seule la victoire compte. Les cas de Thomas Sankara et de Blaise Compaoré sont là pour illustrer ces propos !
Je n’en dirai pas plus !
Quand on est au niveau où se trouve actuellement Ousmane Sonko en politique, on a pas le droit de se faire hara-kiri ou d’y être poussé.
Notre Justice a jusqu’ici prouvé sa résilience lors des grandes crises socio-politiques, ma conviction est que le dossier sweet beauty ne fera pas exception.
Aidons, pour ceux qui le peuvent encore, Ousmane Sonko à grandir dans les épreuves plutôt que de le pousser, soit par couardise ou par opportunisme vers le mur de l’auto-destruction irrémédiable au double plans politique et personnel.
Youssou Diallo
Président du Club Sénégal Émergent